L’affaire des étudiants algériens arnaqués continue de défrayer la chronique, mettant en lumière un phénomène qui a pris une certaine ampleur ces dernières années en Algérie.
La tendance de cette frange de la population à se laisser prendre aussi facilement par le premier escroc qui leur promet monts et merveilles.
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Le cas des étudiants et leurs parents ayant été escroqués par une société fictive prétendant leur assurer un accès à des universités étrangères, remet au goût du jour cette fragilité qui caractérise certains pans de la société algérienne face aux marchands de rêves de tout acabit.
Rappelons que les têtes pensantes du réseau ayant été derrière cette escroquerie à grande échelle à l’encontre des étudiants ont été appréhendées et pour certaines écrouées.
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Le 20 janvier, le juge d’instruction près le tribunal de Dar El Beida (Alger) a placé jeudi trois influenceurs sous mandat de dépôt, dans le cadre de l’enquête sur l’affaire des étudiants arnaqués.
Les prévenus, dont le responsable de la société Future Gate, sont poursuivis pour de lourds chefs d’inculpation : association de malfaiteurs, vol et escroquerie. Au cœur de l’affaire, outre le propriétaire de la société Future Gate, on retrouve également des influenceurs.
La Direction générale de la sûreté nationale (DGSN) a annoncé le 15 janvier que le démantèlement de ce réseau est le résultat d’une enquête lancée depuis la mi-décembre 2021 par son service central de lutte contre le crime organisé et ce en coordination avec les autorités judiciaires.
Cette tendance à mordre à l’hameçon aussi facilement interroge surtout que les cas plus ou moins similaires ont été élucidés jusqu’à un passé très récent. Des personnes ayant recouru à l’usurpation d’identité de hauts responsables (juges, officiers, etc.) ont été arrêtées après avoir empoché des sommes d’argent contre de fausses promesses.
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En novembre 2020, à Constantine, un faux procureur général avait été écroué pour escroquerie et usurpation de fonction. Parmi ses victimes, on comptait des citoyens, des entreprises et administrations publiques.
Un mois auparavant, le parquet du tribunal de Sidi M’hamed (Alger) lançait un appel à témoin à l’adresse des personnes qui auraient éventuellement été victimes des agissements d’un individu qui se faisait passer pour être un cadre supérieur de l’armée.
Au mois de septembre de la même année, le tribunal correctionnel près le tribunal de Bougaâ dans la wilaya de Sétif condamnait à un et trois ans de prison ferme deux personnes reconnues coupables de « tentative d’escroquerie et utilisation de la qualité d’inspecteur général au ministère de la Justice ».
En juillet 2020, un réseau d’escrocs se faisant passer pour des cadres de la Présidence de la République avait été démantelé après avoir illégalement délivré à des citoyens des autorisations de circulation durant le confinement en contrepartie de sommes d’argent, de même qu’ils ont collecté des dons détournés de leur destination initiale, et fourni des autorisations et documents à des étrangers, indiquaient alors les services de sécurité.
« Les escrocs s’engouffrent là où il y a un mécanisme défaillant »
Bien entendu, cette liste d’affaires d’escroquerie est non exhaustive, mais elle renseigne sur un haut degré de vulnérabilité chez de larges pans de la société algérienne. Que disent toutes ces affaires de notre société et de ses vulnérabilités ?
« Les escrocs, nonobstant la nature de leur forfait, observent là où le mécanisme est défaillant, faillible, et ils s’engouffrent. C’est la première chose sur laquelle il faut insister », analyse à TSA le sociologue Rabeh Sebaâ qui pointe « la responsabilité des pouvoirs publics et des parents ».
« Depuis le temps que ces pouvoirs publics sont au courant que le premier souhait de ces jeunes algériens c’est de partir, quel que soit le moyen, que ce soit par la harga ou en payant de l’argent, etc. C’est un sérieux problème qui n’a jamais été pris en charge », déplore le Rabah Sebaâ.
Le rôle des parents n’est pas en reste. « Il ne faut uniquement jeter la balle sur les pouvoirs publics, il y a aussi une responsabilité des familles qui ont fait montre d’une inconscience et d’une irresponsabilité en donnant à leurs enfants de l’argent et en les envoyant dans des endroits inconnus sachant qu’il n’y a strictement aucune garantie », pointe Rabeh Sebaâ.
Au-delà de l’affaire des étudiants escroqués, comment faire face à ces escroqueries en tous genres ? « Comme j’ai déjà eu à le dire concernant les harraga, il faut tout d’abord s’inscrire dans une démarche prospective, et de prévenir. Il y a moyen de limiter les dégâts mais on ne le fait pas », affirme le sociologue.