L’option du confinement généralisé préconisée par les spécialistes de la santé pour endiguer la propagation du Covid-19 ou Coronavirus, peut-elle être acceptée facilement par les Algériens ? Comment aider à convaincre les concitoyens de la nécessité de cette mesure qui a fait ses preuves ailleurs dans le monde ? La manière forte et la méthode douce ? Dans cet entretien croisé, deux visions différentes.
Les Algériens sont-ils prêts à se conformer à un confinement général en raison de la pandémie du Covid-19 ?
Noureddine Hakiki, sociologue. L’Algérien en général ne croit pas à ce grand danger que même les sociétés les plus développées n’arrivent pas à maitriser. Le virus risque de faire beaucoup plus de dégâts chez nous que dans les autres pays. Dans les pays développés comme l’Espagne, la France, les États-Unis, etc., les citoyens sont profondément disciplinés. Ils croient au danger. Nous, Algériens, ressemblons aux Italiens dans le sens où les deux peuples n’obéissent pas aux ordres. Nous, Algériens, manquons de discipline. C’est le problème numéro un. Voyez les Espagnols lorsqu’on leur a dit de se confiner ils ont obéi.
L’Algérien est toujours dans cette croyance en le « destin ». Sociologiquement, psychologiquement, religieusement et même culturellement, nous ne sommes pas organisés, pour lutter dans de telles conditions contre ce phénomène complexe.
Pour réussir le confinement, il faut l’état d’urgence. L’armée doit sortir dans la rue, il faut qu’il y ait la force publique et même l’état de siège. Les Français n’auraient pas eu recours aux PV s’ils avaient la possibilité de sortir l’armée ! Il ne faut plus compter sur les télévisions, les réseaux sociaux et les explications. La force publique doit être généralisée.
Larbi Ichebouden, sociologue. Cette histoire de confinement est un phénomène général qui concerne toute la planète. En Algérie, je crois que tout le monde va se mettre en confinement parce que les gens sont très conscients du danger qu’il y a à ne pas s’y conformer. Il y a une véritable prise de conscience parce que les gens parlent entre eux en famille : si (les autorités) nous disent de nous confiner c’est qu’elles ont raison, que ce n’est pas pour des objectifs politiques mais c’est pour notre santé. Les Algériens accepteront facilement le confinement si celui-ci est décrété.
Comment réussir le confinement quand on est face au manque de commodités, le retard enregistré dans l’usage des nouvelles technologies, exigüité, etc. ?
N. Hakiki. Dans la période actuelle, il faut mettre tout ça entre parenthèses. On y réfléchira plus tard. Des Européens sont confinés même dans un 14 m2.
L’Algérien ne comprend que par la force publique. Il s’agit d’une guerre contre la mort ! Nous devons tous plaider pour des mesures répressives. L’Algérien n’a pas les valeurs de discipline. Nous ne serons prêts que par la force. Si nous ne faisons pas ça, nous allons le payer très cher !
L. Ichebouden. Je suis persuadé que les gens ont accepté l’idée du confinement. Il y va de leur santé. On ne parlera pas ici seulement de discipline ou d’ordre donné. C’est le sujet de la santé qui est le premier élément.
Comment expliquez-vous ce rapport de l’Algérien avec des sujets aussi sérieux qu’un virus mortel ?
L. Ichebouden. L’Algérien n’accepte pas immédiatement ce qu’on lui dit de faire. Mais si on lui fait prendre conscience des objectifs visés par rapport à un ordre donné, il s’exécute.
Faut-il faire appel à la force publique ?
L. Ichebouden. L’usage de la force publique peut être envisagé pour recommander aux gens de rentrer chez eux. On n’utilisera pas la force publique pour verbaliser les gens qui refuseraient de se conformer à l’obligation de confinement. Il faudra beaucoup plus crier sur les gens plutôt que d’infliger des amendes.
Comment avez-vous suivi l’évolution de l’attitude des Algériens vis-à-vis du coronavirus depuis son apparition ?
L. Ichebouden. Il y a deux attitudes. Il y a effectivement une catégorie de personnes qui prennent conscience du danger et il y a d’autres personnes qui, au contraire, qui l’ignore complètement s’en remettant au destin et qui maintiennent leurs activités advienne que pourra ! J’ai vu dans certains quartiers, des gens qui se réunissent devant un café même fermé. Or, cela est complètement interdit. Pour les gens qui organisent des mariages, la police est là pour les rappeler à l’ordre, ils s’exposent à des dépenses importantes et gratuites.
Avec cette grave crise, n’est-ce pas là une occasion pour que les Algériens réapprennent les bons gestes et les bonnes attitudes devant des cas pareils ?
N. Hakiki. Il y a un tas de choses à revoir. L’école, la famille et la mosquée doivent toutes être réformées pour que le civisme et la discipline reviennent comme des réflexes chez l’Algérien.