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Les détenus d’opinion, victimes collatérales de la grève des magistrats

Les détenus d’opinion, victimes collatérales de la grève des magistrats

La grève des magistrats fait ses premières victimes collatérales et elles ne se comptent pas parmi la partie contre laquelle est destiné ce mouvement inédit dans les annales de la justice.

Le succès du débrayage n’est pas démenti par la tutelle ni contesté par les médias qui ont eu à constater la paralysie totale des juridictions à travers le pays.

Au tribunal de Sidi M’hamed, d’où est envoyé depuis le début du hirak populaire le gros du contingent de détenus d’opinion vers la prison d’el Harrach, les journalistes venus rapporter la grogne des magistrats sont tombés sur l’histoire à peine croyable de jeunes manifestants arrêtés jeudi passé après la marche des avocats, et ramenés par la police pour les présenter devant le procureur.

Le procédé est éculé : la veille ou au cours des marches de vendredi, la police procède à des arrestations parmi les manifestants et les présente le dimanche d’après devant la justice après les 48 heures légales de la garde à vue. Généralement, ils sont expédiés vers el Harrach. Sauf que ce dimanche, c’est jour de grève pour la justice.

Les jeunes et leurs anges gardiens ont passé toute la journée à attendre. Le délai de la garde à vue a expiré et les policiers doivent obtenir l’autorisation écrite de la justice pour la prolonger. Là aussi, il faut un magistrat pour signer. Le code de procédure pénale a prévu tous les cas de figure, sauf celui où la justice cessera de fonctionner, encore moins pour cause de grève.

Le bon sens aurait voulu que les mis en cause soient relâchés pour être convoqués une fois tout cela terminé. Mais ce lundi, ils ont encore fait le pied de grue dans la salle d’attente du bureau du procureur, au deuxième étage de ce tribunal de Sidi M’hamed, plus que jamais pas comme les autres. Après une autre nuit chez la police.

En tout, ils auront grelotté pendant quatre nuits sur la faïence glacée du commissariat de Cavaignac, au centre d’Alger, et passé deux journées menottés quelques centaines de mètres plus loin, au tribunal de la rue Abane-Ramdane.

Le Comité national pour la libération des détenus s’en offusque et s’interroge : « Y a-t-il un magistrat qui aura le courage de les libérer ou d’assumer d’être le premier à être du côté du peuple ? Ou bien ces magistrats ne se soucient que de leurs intérêts personnels alors que les familles de ces personnes, en plus de celles de centaine de détenus, sont privées de leurs enfants ? ».

Finalement, les détenus ont été relâchés hier soir, sans avoir été présentés au procureur de la République.

Le calvaire de ces manifestants n’est par ailleurs que la partie visible de l’iceberg et beaucoup de détenus d’opinion redoutent de voir le séjour à l’ombre prolongé par la grève inattendue de ceux qui ont le pouvoir d’y mettre un terme.

C’est justement ce mardi 29 octobre que le même tribunal de Sidi M’hamed devrait rendre son verdict dans les procès de six manifestants jugés mardi dernier. Le procureur avait requis 24 mois de prison ferme mais leurs avocats et leurs familles nourrissent de sérieux espoirs de les voir acquittés ou condamnés à des peines avec sursis.

Les juges étant toujours en débrayage, le jugement sera logiquement reporté et avec lui le soulagement des détenus et de leurs familles. La programmation d’une série de procès tout au long de la semaine passée avait laissé entrevoir la fin proche du calvaire de la centaine de manifestants et de militants, détenus pour certains depuis la mi-juin. Avec cette grève des magistrats, ils devront encore patienter.

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