L’économie égyptienne reprend des couleurs selon des indicateurs mais le « fardeau » du redressement affecte l’Egyptien de la rue, comme le montrent les récentes protestations contre la hausse du prix du ticket de métro au Caire.
Dans une station de métro d’un quartier populaire de la capitale égyptienne, au pied d’immeubles en briques rouges, Oum Mohamed patiente en robe et voile noirs, son fils adolescent à ses côtés.
« Le fardeau s’est trop alourdi, c’est devenu intenable », confie-t-elle sans détour, mais sous pseudonyme.
Les autorités, qui mènent depuis près de deux ans des réformes draconiennes en échange d’un prêt 12 milliards de dollars du Fonds monétaire international (FMI), ont augmenté le prix du ticket de métro en mai, un an après une première hausse inédite.
D’une livre égyptienne (5 centimes d’euros), il est ainsi passé à deux livres (10 centimes) en mars 2017 et coûte désormais jusqu’à sept livres (environ 30 centimes) selon la distance parcourue.
Cette nouvelle augmentation a provoqué courant mai des manifestations, rares dans ce pays tenu d’une main de fer le président Abdel Fattah al-Sissi, qui a officiellement démarré son second mandat samedi. Une trentaine de personnes a été arrêtée. Certaines ont été libérées.
« Ma fille prend le métro tous les jours pour aller à l’hôpital privé où elle travaille et la hausse des prix -déjà élevés- des tickets de métro l’affecte », explique Oum Mohamed.
Cette femme au foyer de 46 ans redoute aussi le moment où « le fardeau doublera », après la nouvelle hausse attendue des prix de l’énergie d’ici juillet, là aussi un an après une augmentation importante.
Et le gouvernement a annoncé samedi une hausse, dans certains cas supérieure à 45%, du prix de l’eau potable.
– Réformes structurelles –
Au moment où les Egyptiens manifestaient, l’agence de notation Standard & Poor’s a amélioré sa note du pays de B- à B, saluant notamment dans un communiqué le « renforcement de la croissance du PIB » avec le programme de réformes structurelles.
D’après le FMI, la croissance du PIB devrait en effet passer de 4,2% en 2017 à 5,2% en 2018.
En échange du prêt du FMI, le gouvernement égyptien s’est engagé en 2016 à mener des réformes drastiques: instauration d’une taxe sur la valeur ajoutée (TVA), baisse des subventions publiques sur l’énergie, dévaluation de la devise nationale.
Selon des chiffres officiels, le taux de chômage a reculé à 10,6% au cours du premier trimestre, contre 12% à la même période l’année dernière. Et l’inflation est tombée à 12,9% en avril après avoir culminé à 34,2% en juillet 2017.
Tranchant avec ces chiffres prometteurs, les manifestants contre la hausse des prix du métro ont tiré la « sonnette d’alarme », selon Alia Mahdi, professeure d’économie à l’Université du Caire.
« Les Egyptiens ont encaissé au cours des deux dernières années de nombreux chocs avec ces hausses des prix successives », observe Mme Mahdi.
Celle des tickets de métro n’est pas si « dérisoire » qu’il n’y paraît dans un pays où le salaire moyen est de 180 euros.
Désormais, « les transports représentent 20% des dépenses des ménages à faibles revenus contre 5% ou 6% auparavant », explique encore Mme Mahdi.
-« Sacrifices à court terme »-
Face au mécontentement de la population, la presse proche du pouvoir et des milieux d’affaires s’évertuent à convaincre l’opinion publique de la nécessité des réformes.
Les subventions sur les carburants coûteraient chaque année à l’Etat environ 104 milliards de livres (5 milliards d’euros), affichait récemment en Une le journal d’Etat Al-Ahram.
Mais Omar Adli, professeur de développement à l’Université américaine du Caire, pointe « un problème dans la répartition du fardeau ».
« Il existe d’autres moyens de réduire le déficit budgétaire, qui pourraient limiter la pression exercée sur les pauvres et la classe moyenne », tel qu’une augmentation de la fiscalité, estime M. Adli.
Selon lui, la hausse du ticket de métro, surtout utilisé par une couche sociale défavorisée, n’était pas nécessaire.
« Le déficit budgétaire de ce secteur (le métro) est d’environ 500 millions de livres (23,8 millions d’euros), ce qui n’est pas un chiffre important par rapport au déficit global de 400 milliards de livres (19 milliards d’euros) », dit-il.
Reconnaissant les « sacrifices à court terme » des Egyptiens, le FMI jugeait toutefois en mai que les réformes étaient « essentielles pour stabiliser l’économie et jeter les fondations d’une croissance solide et durable ».