Politique

Les Émirats suspendent les visas aux Algériens : un acte inamical

Intervenant dans une conjoncture de froid dans les relations entre les deux pays, la décision prise par les Émirats arabes unis d’inclure les Algériens dans une liste de nationalités désormais interdites de visa, est grave et peut bien ne pas être anodine.

Certes, 12 autres pays sont concernés par cette suspension provisoire motivée apparemment par des raisons de « sécurité ». Outre l’Algérie, les autres pays touchés par la mesure sont la Tunisie, la Turquie, l’Iran, la Libye, la Syrie, le Pakistan, l’Irak, l’Afghanistan, le Yémen, la Somalie, le Kenya et le Liban.

Selon les autorités pakistanaises, la raison de « sécurité » invoquée serait la propagation de la pandémie de coronavirus. Première remarque qui n’échappe à personne, aucun État parmi les plus durement touchés par la deuxième vague n’est concerné par la restriction. Le danger de transmission du virus est plus élevé chez les voyageurs en provenance des États-Unis, d’Inde, du Brésil ou de l’Europe occidentale.

La suspension ne touche quasiment que des pays arabes ou musulmans, dont certains connaissent des frictions depuis quelque temps dans leurs relations avec Abu Dhabi.

L’absence dans la liste d’un pays comme le Maroc, qui n’offre pas plus de garanties que ses deux voisins du Maghreb, en matière tant sanitaire que sécuritaire, est difficile à expliquer autrement que par des considérations politiques.

L’Algérie enregistre officiellement cinq fois moins de nouvelles contaminations quotidiennes au coronavirus que le Maroc. Si la menace redoutée est d’ordre terroriste, l’argument peut être valable pour la Syrie, le Yémen ou la Libye, des pays en guerre, mais ne tient pas s’agissant de l’Algérie qui est depuis plusieurs années considérée parmi les pays les plus sûrs au monde.

En tout cas, la menace terroriste n’y est pas plus présente que chez son voisin de l’ouest, pour rester dans la comparaison avec le Maroc. L’explication est donc à chercher dans l’aspect diplomatique et politique.

Un geste inamical, voire hostile

Après l’épisode du soutien apporté par le Maroc au Qatar dans sa crise avec ses voisins, les choses se sont calmées entre le Royaume chérifien et les monarchies du Golfe, dont les Émirats arabes unis.

C’est plutôt l’Algérie qui a vu ses relations avec le pays du prince héritier Mohamed Bin Zaïd (MBZ) se détériorer pour au moins une raison connue, soit le soutien apporté au Maroc dans le conflit du Sahara occidental.

Début novembre, les Émirats ont annoncé l’ouverture d’un consulat dans la ville Laâyoune occupée, une décision vite suivie par une nette détérioration de la situation sur le terrain avec l’attaque de l’armée marocaine contre des manifestants sahraouis dans la zone tampon de Guerguarat, qui a obligé le Front Polisario à se retirer de l’accord de cessez-le-feu.

Quelques semaines auparavant, l’Algérie avait refusé de bénir la nouvelle tendance à la normalisation des relations avec Israël qui compte depuis septembre dernier deux autres pays arabes qui le reconnaissent officiellement, les Émirats arabes unis et Bahreïn.

« Nous ne participerons pas à la course à la normalisation, et nous ne la bénissons pas (…) La question palestinienne est sacrée pour nous et pour le peuple algérien », a déclaré le président Abdelmadjid Tebboune le 20 septembre dernier, moins d’une semaine après la signature à Washington des accords de normalisation des relations entre les deux pays arabes et l’État hébreu.

Que les Émirats aient réagi par représailles ou pour une autre considération géostratégique, il reste que la décision de suspendre la délivrance des visas aux Algériens est d’une gravité que ne sauraient occulter par les propos pompeux et mielleux du ministre algérien du Commerce Kamel Rezig qui, le 22 novembre, soit quatre jours après l’entrée en vigueur de la suspension, palabrait avec l’ambassadeur émirati des « voies et moyens de renforcer la coopération bilatérale et d’attirer davantage d’investissements ».

Une déclaration surprenante d’autant que dans les us diplomatiques, la décision de suspendre les visas s’apparente à un acte inamical, voire hostile, de la part des Émiratis.

Pour l’Algérie, le geste est d’autant plus inacceptable qu’elle se voit réserver le même traitement que des pays en guerre. Pour prendre la mesure du caractère grave et inédit de la décision du pays de MBZ, il suffit de rappeler que même au plus fort de la décennie de terrorisme traversée par le pays, aucun pays du monde n’avait franchi le pas de suspendre l’octroi de visas aux Algériens.

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