L’Algérie a vécu une nuit de samedi à dimanche agitée. Ce n’est pas la nuit des longs couteaux, mais beaucoup de lignes ont bougé. Du moins, les événements se sont accélérés d’une manière brusque et inattendue avec le ton ferme adopté par l’état-major de l’ANP vis-à-vis, disons-le clairement, du cercle présidentiel et de ses derniers soutiens.
La matinée de ce dimanche devait être celle de toutes les décantations. Comme par exemple une auto-saisine du Conseil constitutionnel, qui détient la clé d’une issue légale à la crise, pour signifier à Bouteflika qu’il a perdu la partie.
Mais tout le problème semble résider précisément là. Le cercle présidentiel fait de la résistance et le président du Conseil constitutionnel est un de ses membres les plus fidèles. C’est dans la prévision d’une telle situation que Bouteflika a fait fi des dispositions de la constitution le 10 février dernier en portant son choix sur Tayeb Belaïz, pourtant inéligible au poste pour y avoir déjà fait un passage.
L’essentiel à retenir après la sortie « musclée » du chef de l’armée, c’est que Bouteflika et ses proches ne sont pas près de partir. Du moins, ils sont décidés à vendre chèrement leur peau. La divulgation d’une réunion secrète entre des « individus connus » pour concocter d’autres plans autres que ceux proposés par l’armée, pour reprendre la teneur du dernier communiqué du MDN, démontre que « les individus » en question ne sont pas encore réduits à espérer une sortie honorable. Ils comptent encore peser sur le processus de transition à venir. Peut-être même qu’ils nourrissent le rêve insensé de garder le pouvoir. Insensé, car ils n’ont ni le soutien du peuple ni celui de l’armée. Qu’en aurait-il été si cette dernière s’était rangée de leur côté ? Sans doute que le scénario aurait été désastreux.
Reprendre le contrôle de l’armée figurait parmi les points à l’ordre du jour de la réunion d’hier qui a été dénoncée par le MDN. Les présents auraient décidé de faire endosser au président de la République un décret mettant fin aux fonctions de l’actuel chef d’état-major, indiquent à TSA des sources informées.
L’armée a immédiatement pris les choses en main, en mettant en avant ses responsabilités constitutionnelle et la volonté du peuple. L’Algérie a-t-elle échappé au pire ? Sans doute. Il est aujourd’hui plus que certain qu’une neutralité de l’armée dans la crise aurait permis aux tenants actuels du pouvoir de le garder pour plusieurs années encore, quitte à propulser le pays dans le chaos.
Des mesures concrètes sont d’ores et déjà prises par l’armée, comme l’arrestation d’Ali Haddad et l’interdiction de vol des avions privées, mais les Algériens ne doivent pas crier victoire pour autant.
Le communiqué du MDN a certes situé la solution dans l’application des articles de la Constitution qui disposent que la souveraineté appartient exclusivement au peuple (articles 7 et 8), mais il a réitéré la nécessité de recourir à l’article 102, synonyme de remise de l’intérim, donc de la transition, à l’actuel président du Sénat, un pur produit du système.
Pour l’instant, personne ne sait ce que comptent faire les chefs de l’armée, d’abord pour amener Bouteflika et le Conseil constitutionnel à la raison, ensuite pour contenter la rue qui réclame des garanties pour que la transition débouche sur un véritable changement. L’armée ne peut rien proposer d’autre que ce que prévoient les textes. Sortir du cadre constitutionnel est un pas que ses chefs ne franchiront pas facilement, au risque de tomber dans le piège de ceux qui les poussent à l’erreur. C’est compréhensible, mais la situation ne permet pas les tergiversations.
Le peuple est de plus en plus impatient et intransigeant. Il pourra apporter le soutien nécessaire à toute initiative allant dans le sens d’un déblocage de la situation, pour peu que des garanties lui soient données qu’il ne s’agit pas d’une énième tentative de sauver le système et, surtout, que le positionnement actuel de l’armée nationale ne procède pas d’une guerre des clans. Il est plus qu’important de lever les équivoques.