Les longues files d’attente devant les magasins d’alimentation pour l’achat de certains produits de première nécessité ont fait leur réapparition en Algérie depuis plusieurs mois.
Le phénomène a particulièrement pris de l’ampleur en ce mois de ramadan 2022 et trois produits sont particulièrement concernés : l’huile de table, le lait en sachet et la semoule.
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Leur point commun : ils sont tous fabriqués à partir de matières premières importées et leurs prix de vente au public sont subventionnés.
Toutes proportions gardées, la situation rappelle celle vécue par le pays dans les années 1980 lorsque pratiquement tous les produits de base étaient vendus sous le manteau ou sous haute surveillance.
L’Algérie traversait alors une grave crise économique causée par la chute brutale des prix du pétrole et le programme anti-pénurie mis en place lorsque l’argent coulait à flot, ne pouvait plus être maintenu à la même cadence.
La similitude est aussi à ce niveau. C’est après la baisse drastique des revenus pétroliers que l’Algérie a décidé de revoir sa politique d’importations pour préserver ses réserves de change.
La comparaison s’arrête là car les tensions actuelles, du moins sur les trois produits cités, ne peuvent être imputées à la réduction des volumes importés. C’est le cas peut-être de certains autres produits qui ont vu leur prix flamber, mais pas de l’huile, du lait et de la semoule que les privés et les offices publics importent, au contraire, en plus grandes quantités depuis le début de la crise.
Celle-ci a commencé avec la pandémie de covid-19, début 2020, avec un double impact : hausse des prix de certains produits sur les marchés mondiaux et tensions en interne, en Algérie et partout dans le monde.
La crise en Ukraine a eu les mêmes retombées, particulièrement sur les produits émanant des deux pays en conflit (blé, soja…). La hausse des prix des produits énergétiques et des frais de logistique, comme le fret maritime, a fait que tous les produits ont flambé, partout dans le monde.
Une conjonction de facteurs
En Algérie, la situation est aggravée par la conjugaison de facteurs endogènes, dont cette nouvelle politique de restriction des importations, le maintien de deux collèges de produits (subventionnés et libres), la spéculation, la tendance des citoyens à constituer des stocks dès la moindre rumeur de pénurie, la frénésie d’achat à l’approche et pendant le mois de ramadan et la dérégulation du marché du fait de la prépondérance de l’informel dans certains secteurs d’activité.
Le mois sacré est d’habitude l’occasion d’une flambée généralisée des prix, et il l’est encore plus en cette année exceptionnelle. Les fruits et légumes, dont la pomme de terre, les viandes rouges et blanches et les poissons sont inaccessibles. Mais les files d’attente, les bousculades et les ventes sous le manteau ne concernent que les produits subventionnés, et c’est compréhensible.
L’Etat avait mis fin aux tensions des années 1980 en libérant le commerce extérieur et les prix. Le café par exemple n’était plus vendu à des prix très bas, mais était devenu disponible. La multiplication des importateurs et des torréfacteurs a permis de maintenir les prix à des niveaux accessibles et aujourd’hui encore, le café ne pose plus de problème même si aucun kilogramme n’est produit localement.
Un cap économique clair, c’est ce qui manque visiblement à l’Algérie aujourd’hui. On l’a vu avec le recul sur l’application de taxes sur certains produits alimentaires introduites par la loi de finances 2022 ou encore sur la révision du système des subventions, prévue par le même texte.
Les arguments avancés tiennent la route, certes. On ne peut pas laisser les prix des produits alimentaires augmenter encore plus, dans un contexte de hausse des prix sur les marchés mondiaux, de surcroît en l’absence d’un filet social efficace et d’un mécanisme de compensation en faveur des plus défavorisés.
Mais la question doit être tranchée une fois pour toutes : lever les subventions et mettre en place un véritable filet social ou les maintenir et se doter d’outils efficaces de lutte contre la spéculation et les autres comportements négatifs.
On l’a vu avec l’huile de table, toutes les quantités mises sur le marché par les unités de production, supérieures aux besoins habituels du pays, n’ont pas suffi pour résorber la crise. Tout comme la fameuse mesure du ministre du Commerce Kamel Rezig d’interdire la vente de ce produit aux mineurs.
Le scénario est peut-être en train de se reproduire avec la semoule et c’est sans doute l’effet conjugué de la spéculation et de la frénésie d’achat.