Politique

Les forces de Haftar aux frontières algériennes : une fake news ?

Les relations entre l’Algérie et le maréchal libyen Khalifa Haftar se sont détériorées davantage depuis que ce dernier a déclaré, le 19 juin, la frontière avec l’Algérie « zone militaire fermée ». Simultanément, l’information de l’occupation par ses troupes du poste frontalier d’Issine a fait le tour du monde.

L’annonce des forces de Haftar a été abondamment commentée et analysée sous toutes ses facettes, mais moins de deux semaines plus tard, l’hypothèse d’une fake news savamment orchestrée prend de l’ampleur.

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Le poste frontalier n’aurait en fait jamais été occupé par les forces de Haftar. C’est ce qu’a avancé dès le 21 juin le site Mena Défense, spécialisé dans les questions militaires et de défense dans le monde arabe.

« Les médias de Haftar auraient monté l’histoire de toutes pièces, il n’y a jamais eu de prise du poste frontière d’Issine par les forces de la LNA », a tweeté le fondateur du site, Akram Kharief.

Mieux, Dr Ryma Rouibi, enseignante à l’école de journalisme d’Alger, soutient que les images diffusées pour illustrer l’avancée des troupes du maréchal sont « des images d’archives ».

« En utilisant des images d’archives […] cette information relayée par les médias mainstream tel que les chaînes Al Jazeera, Al Arabiya ou encore l’agence Reuters, démontre le danger de cette propagation asymétrique de l’infox et la dualité télévisions-réseaux sociaux où le consommateur, qu’il soit algérien ou étranger, se retrouve dans une véritable confusion », explique-t-elle à l’agence russe Sputnik.

Quel intérêt pour Haftar ?

Reste la grande question : pourquoi les médias proches des forces de Khalifa Haftar auraient-elles procédé à une telle manipulation au risque de rendre ses rapports avec l’Algérie encore plus complexes ?

Dr Rouibi estime que ce sont les positions de l’Algérie sur le dossier libyen, réaffirmées plusieurs fois par le président de la République « au sommet de Berlin 1 en janvier 2020 et dans ses dernières déclarations à Al Jazzera » qui ont amené Haftar à lancer « cette fausse information quatre jours avant le sommet de Berlin 2 sur la Libye (23 juin, NDLR) ».

« Le maréchal libyen s’inspire davantage des stratégies de tromperie en mode US pour distiller des informations qui impactent directement la sécurité nationale algérienne », explique-t-elle encore, rappelant qu’en 2003, les Américains ont envahi l’Irak « à partir d’une fake news ‘officielle’, celle des armes de destruction massive ».

L’information lancée par les médias proche de Haftar a pris du crédit à cause du contexte dans lequel elle est survenue. La décision avait été précédée d’une visite à Alger du chef du gouvernement libyen Abdel Hamid Dbeibah, fin mai, et surtout de l’interview du président algérien à Al Jazeera, le 8 juin, dans laquelle il a révélé que l’Algérie allait intervenir « d’une manière ou d’une autre » en Libye si Tripoli était tombée.

« Tripoli est une ligne rouge ! Nous n’acceptons pas que la capitale d’un pays maghrébin et africain soit occupée par des mercenaires. L’Algérie allait intervenir d’une manière ou d’une autre », avait déclaré Abdelmadjid Tebboune.

Fake news ou non, Said Chanegriha, chef d’état-major de l’ANP, a lancé mardi à partir de Djanet à la frontière algéro-libyenne un avertissement clair à tous ceux qui menacent l’Algérie. Le lendemain, il a supervisé un exercice militaire d’ampleur, simulant une attaque terroriste venant des frontières avec la Libye.

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