Deux scènes ont marqué l’acte VIII des « gilets jaunes » en France, samedi dernier, largement relayées par les réseaux sociaux.
À Paris, un homme qui sera identifié comme un ancien champion de boxe est en train de faire reculer des gendarmes avant d’en rouer un de coups de pieds au sol. À Toulon, dans le Sud, un policier frappe un homme plaqué contre un mur.
Le premier est en détention dans l’attente de son jugement le mois prochain, privé de sa cagnotte de solidarité à la demande du gouvernement. Les donateurs sont accusés de « complicité de tentative d’assassinat » et la secrétaire d’État, Marlène Schiappa, est allée jusqu’à demander la publication de leurs noms.
Le second fait certes l’objet d’une enquête judicaire et administrative mais il est glorifié par les autorités qui font tout pour amocher l’image des « gilets jaunes » afin de les discréditer auprès de l’opinion publique : « Un mouvement violent, antisémite et homophobe ».
Le discours officiel les présente comme une « foule haineuse », des « agitateurs » et des « hooligans ». Ils « n’auront pas le dernier mot », martèle le Premier ministre, Edouard Philippe, engagé dans une réponse chaque semaine plus répressive et qui veut mettre en place une loi « anti-casseurs » empêchant des personnes fichées de se rendre aux manifestations.
En moins de deux mois, les manifestations ont donné lieu à 5.339 gardes à vue, dont des centaines de prévenus jugés en comparution immédiate. Des centaines d’autres dossiers n’ont pas connu de suite judiciaire, démontrant par là le caractère abusif de ces interpellations.
Quoi qu’il en soit, la violence est là, révélant même des adeptes dans des milieux intellectuels insoupçonnables où l’on n’hésite pas à puiser son vocabulaire dans les sombres moments de l’histoire.
Le porte-parle du gouvernement Benjamin Griveaux parle de « l’esprit munichois » évoquant la capitulation face à l’Allemagne. Une manière d’assimiler les « gilets jaunes » aux nazis.
Le philosophe et ancien ministre de l’Education, Luc Ferry, en est la parfaite caricature. « On ne donne pas aux policiers les moyens de mettre fin aux violences. Quand on voit des types qui tabassent à coups de pieds un malheureux policier… qu’ils servent de leurs armes une bonne fois. Ça suffit. Il y a un moment où ces espèces de nervis d’extrême droite ou d’extrême gauche ou des quartiers qui viennent tabasser des flics ça suffit. On a, je crois, la quatrième armée du monde. Elle est capable de mettre fin à ces saloperies, faut dire les choses comme elles sont », s’est emporté le philosophe dont on vient d’apprendre qu’il touche un salaire mensuel de près de 5.000 euros de l’université sans avoir donné de cours depuis 2010.
« Ces prétendus philosophes et philantropes peuvent se transformer en génocidaires lorsque leurs intérêts et leur confort sont menacés », a raillé l’historien Frédéric Pichon.
Jean-Luc Mélenchon l’accuse, lui et l’ensemble de la « macronie » de « jeter de l’huile sur le feu ». « Ne laissez pas ces violents qui sont au gouvernement manipuler l’opinion », exhorté le chef de file de La France Insoumise. Sur sa page Facebook, il évoque un « état de délire auquel poussent les escalades verbales du pouvoir en matière d’autorité ». Il accuse des ministres de vouloir « armer les bras des fous et des violents ».
La répression des manifestations a fait plus de 1.400 blessés, selon un bilan d’Amnesty International qui a dénoncé un « recours excessif à la force par les policiers ». Il s’agit souvent de manifestants touchés par des tirs de flash-balls, de lance-grenades lacrymogènes ou des lanceurs de balles de défense (LBD). Même ds syndicats de police parlent de « blessures de guerre » de victimes mutilées ayant perdu un oeil ou une main.
En plus des émeutes qui ont émaillé les manifestations, des députés de la majorité ont été la cible de menaces, de tentatives d’intrusion dans leur domicile et permanence ou d’incendie de leur véhicule. Une cinquantaine de cas ont été enregistrés. Un député s’est vu promettre « une balle dans la tête » dans un courrier. Certains élus se sont mis sous protection policière.
« Cette multiplication des violences contre les députés n’a pas d’équivalent sous la Ve République », remarque l’historien Christophe Bellon cité par Le Monde. « La pression qui pèse sur nos épaules est hyper forte », déplore un élu également cité par le journal du soir. « Je crains que cela finisse par un mort », confie un autre.
Après s’être soulevée contre la cagnotte de soutien au boxeur, Marlène Schiappa est la cible d’un intensif cyber harcèlement qui s’est traduit par des milliers de menaces. Elle a déposé plainte. Résultat : le mythe du maintien de l’ordre à la française est en train de s’écrouler sous nos yeux samedi après samedi, constate le spécialiste David Dufresne. Si la police recevait un jour l’ordre de tirer elle le ferait parce que « c’est la police la plus politique » que la France ait jamais eue, selon ce spécialiste qui observe que « la déontologie policière a explosé ».