Tribune. Dans toute révolution qui conteste un régime en phase finale, il y a des hardliners prêts à mettre le feu aux poudres pour créer des diversions, et des sofliners qui sont prêts à des concessions pour accompagner un changement inéluctable.
Du point de vue historique, il y a des transitions qui échouent (l’Algérie en 1991, la Syrie en 2011), d’autres qui s’opèrent à travers une violence sanglante (l’Iran de 1978) où les hardliners finissent par prendre la fuite à l’étranger, et des transitions qui se déroulent pacifiquement (les pays de l’Est européen au début des années 1990).
Les transitions pacifiques sont celles où les softliners arrivent à neutraliser les hardliners avec comme perspective leur recyclage dans les nouvelles institutions. Comment lire la situation actuelle en Algérie à travers cette grille de lecture ?
La première hypothèse à faire est que les hardliners craignent qu’ils soient les seuls à porter le fardeau de l’héritage des années 1990, et que les textes de « la réconciliation nationale » soient remis en cause par un nouveau processus de justice transitionnelle. Les déclarations du général Gaid Salah mardi 16 avril et l’avertissement qu’il a donné à Tewfik Médiène, figure emblématique de la répression des années 1990, indiquent que jusqu’à présent, c’est le point de vue des softliners qui prévaut à l’état-major. Ils s’opposent aux hardliners qui cherchent le pourrissement de la situation pour justifier une proclamation de l’état d’urgence.
Admirateurs du général Massu, les hardliners veulent refaire la Bataille d’Alger dans une Algérie indépendante. Ils rêvent de quadriller La Casbah et Bab el Oued par les parachutistes. Ce qu’ils oublient, c’est que l’ANP n’est pas une armée étrangère, et il n’est pas sûr que les officiers et la troupe les suivront. Ils sont cependant prêts à tout pour pousser les manifestants à la violence. Le recrutement de jeunes voyous qui provoquent la police fait partie d’un plan qui cherche à discréditer le mouvement populaire. Les hardliners veulent provoquer l’irréparable pour éviter un changement de régime.
Sur ce terrain, leurs plans sont exécutés par les anciens militaires du DRS encore présents dans différents service de sécurité. Ce sont eux qui arrêtent des manifestants et qui dénudent de jeunes manifestantes pour créer un climat insurrectionnel. C’est le sens de l’avertissement adressé par le général Gaid Salah à Tewfik Médiène, l’ancien « Rab Dzair » et que Amar Saidani appelle « Chitane Tiguentourine ».
Pour faire échouer ce plan diabolique, les manifestants doivent neutraliser les lanceurs de pierre et les livrer à la police qui fera des enquêtes sur eux et surtout pour savoir qui les manipule. Il faut rappeler que si la Syrie a sombré dans la destruction, c’est parce que les hardliners se sont imposés aux softliners. Ils ont fait libérer des prisonniers de droit commun à qui ils ont donné des armes pour tirer sur l’armée régulière. Les soldats ont été obligés de riposter, ce qui a créé un fossé entre les manifestants et l’armée. Les hardliners syriens sont au pouvoir mais le pays est détruit.
L’expérience syrienne sert de leçon à beaucoup de généraux algériens qui ont gardé la tête froide et qui ont compris que seul le compromis pourra faire sortir le pays de l’impasse. C’est pourquoi ils sont prêts à accompagner le mouvement populaire du fait que la répression militaire ne viendra pas à bout d’une protestation aussi profonde.
Les softliners ont perçu que l’évolution de la société algérienne impose une autre façon de gouverner le pays et qu’aucune force ne pourra s’opposer à la mutation en cours. Ceci dit, ce ne sont pas eux qui sont le moteur du changement. Ils ne font qu’accompagner le mouvement populaire qui les sollicite à travers le slogan « djeich chaab, khawa, khawa ». Les softliners ont une lourde responsabilité historique : éviter au pays une deuxième tragédie nationale.
*Lahouari Addi est universitaire
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