Ce mois du Ramadan est marqué par des contestations sociales dans certains pays arabes comme en Jordanie et au Maroc. Hani Al Mulki, premier ministre jordanien, a présenté, ce lundi 4 juin, sa démission après la vague de protestation que traverse le pays depuis le mercredi 30 mai 2018.
Selon Reuters, le roi Abdallah a demandé à Al Mulki de partir aux fins d’apaiser la tension sociale dans le pays. Il est remplacé par Omar Al Razaz qui occupait le poste de ministre de l’Éducation. Désigné en juin 2016, Al Mulki avait la charge de relancer l’économie de la Jordanie en difficulté depuis des années. Mais sa politique sociale ne passe pas parmi la population. Des manifestations nocturnes ont lieu dans plusieurs villes du Royaume comme à Aman et à Al Karak pour dénoncer le projet de loi sur les impôts.
Selon le quotidien jordanien Al Ray, les protestataires ont exprimé leur rejet, lors d’un rassemblement à Al Karak, du projet de loi et de toutes les décisions relatives au « redressement économique » imposées par le FMI à la faveur de « réformes structurelles ». Ils ont demandé à ce que des solutions soient trouvées à la crise économique « loin des poches des citoyens » et des « bas revenus ».
La loi sur les impôts provoque la colère
Ahmed Samar Al Zaabi, le premier responsable du syndicat des ingénieurs, a appelé à adopter « un plan global de réforme économique, politique et sociale » et à « remettre de l’ordre dans les priorités nationales ». La Jordanian Businessmen Association (JBA), principale organisation patronale du pays, a exhorté le gouvernement à ne pas se presser pour promulguer la loi sur les impôts qui introduit une taxe directe sur les revenus. La JBA a proposé au gouvernement d’améliorer la collecte fiscale en poursuivant pénalement ceux qui ne payent pas leurs impôts.
Selon la chaîne saoudienne Al Arabiya, le gouvernement jordanien, qui a amendé quatre fois la loi sur les impôts en 8 ans, prévoit une augmentation d’au moins 5% des taxes pour les particuliers et de 20 à 40% pour les entreprises. Les salariés ayant un revenu annuel de 8000 dinars (14.500 dollars) seront également imposés.
À travers ces mesures, le gouvernement prévoit des recettes annuelles de l’ordre de 420 millions de dollars. L’objectif à terme est d’atteindre la barre de 1,2 milliards d dollars en élargissant l’imposition fiscale à plusieurs catégories sociales et à des secteurs telle que l’agriculture.
Le roi Abdallah veut « un dialogue global »
En 2016, le FMI a accordé à la Jordanie une ligne de crédit de 723 millions de dollars à condition d’engager des mesures visant notamment à réduire la dette publique qui est de plus de 80% du Produit intérieur brut (PIB) actuellement.
« Il est injuste que le citoyen paie seul les conséquences des réformes fiscales dans le pays », a déclaré le Roi Abdallah, cité par des médias jordaniens. Le souverain a appelé le Parlement à ouvrir un « dialogue global » sur le projet de loi sur les impôts alors que les manifestants ont réclamé la dissolution de ce même Parlement, accusé de n’avoir rien fait « pour défendre les intérêts du peuple », deux ans après son élection.
Les syndicats ont appelé à une grève générale, pour ce mercredi 6 juin, pour réclamer le retrait du projet de loi contesté. Selon Al Jazeera, au moins une soixantaine de personnes ont été interpellées après les manifestations.
Riyad annule son aide annuelle à la Jordanie
Les services de sécurité jordaniens évoquent la présence d’étrangers parmi les manifestants mis aux arrêts. D’après le journal israélien Yadot Ahranout, la Jordanie serait sous pression de la part d’Israël, de l’Arabie Saoudite, de l’Égypte et des États-Unis en raison de sa position par rapport au transfert de l’Ambassade US vers Jérusalem.
Washington a supprimé dernièrement une aide annuelle estimée à 250 millions de dollars à la Jordanie. Sans explications. Tel Aviv, Riyad, Le Caire et Washington n’auraient pas apprécié la présence du Roi Abdallah au Sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) à Ankara, le 18 mai dernier, après la mort de dizaines de civils palestiniens, tombés sous les balles de soldats israéliens. Un sommet convoqué par le président turc Tayyep Erdogan.
Boycott de produits laitiers et pétroliers au Maroc
Au Maroc, la protestation sociale prend une autre forme à travers la poursuite du boycott de certains produits en raison de la hausse des prix. Un appel anonyme au boycott a été lancé sur les réseaux sociaux le 20 avril 2018 sous le slogan « Ne fais pas mal à ma poche ».
Il s’agit principalement des produits laitiers de marque Danone, de l’eau minérale Sidi Ali et des produits pétroliers des stations-services Afriquia. Propriété d’Aziz Akhanouch, actuel ministre de l’Agriculture, Afriquia est le premier réseau au Maroc, avant Shell et Total, avec 40% du marché. Les boycotteurs accusent les trois marques de pratiquer des prix élevés.
Selon l’hebdomadaire marocain TelQuel, Danone (Centrale laitière), en difficulté à cause de ce boycott, a décidé de réduire de 30% ses achats de lait cru auprès de fournisseurs locaux. La société aurait décidé de « libérer » des centaines de salariés pour faire face à la crise.
Selon des médias marocains, les commerces, les restaurants et les cafés refusent de prendre les produits faisant objet du boycott de peur de ne pouvoir les revendre. Des appels lancés sur Facebook ont demandé « l’élargissement » du boycott à d’autres sociétés.
L’Association Uniconso a appelé, sur sa page Facebook, les consommateurs à « se réveiller » et à défendre leurs droits, sous le mot d’ordre « Kafa » (ça suffit !). Uniconso, qui défend les consommateurs marocains, a annoncé, dans un communiqué, qu’elle soutient le boycott qu’elle qualifié de « moyen légitime et civilisé ».
Côté officiel, le Premier ministre Saad Eddine El Othmani a demandé, devant le Parlement, d’arrêter le boycott pour « sauvegarder les postes d’emploi » alors que Lahcen Daoudi, ministre délégué chargé des Affaires générales et de la Gouvernance, a prévenu contre l’impact du boycott sur l’économie du Maroc. « La logique du boycott pourrait donner un effet inverse que celui souhaité par les citoyens. La société (il parlait de Danone) peut quitter le Maroc et on aura tué le paysan marocain », a-t-il dit, dans une interview à la télévision marocaine.
Le secteur agricole est le premier employeur du Maroc. Un pays où le SNMG s’approche des 300 euros.