« Voleurs, vous avez bouffé le pays ! » Ce slogan est devenu le cri de dénonciation de la rapine qui a marqué le règne sans partage de Bouteflika. Entendu lors des manifestations, il s’élève aussi à tout instant dans la rue.
C’est l’expression de ce désir de voir le glaive de la justice s’abattre sur la « issaba » (gang) qui a dépouillé le pays de ses ressources, pillé ses biens, saccagé son économie et dépossédé les citoyens de leurs droits. C’est le cri de poursuite que va déclencher toute figure du gang qui aura le culot de s’extraire de son luxueux repaire et de s’exposer à la vue des citoyens.
En campagne en 1999, le candidat des généraux promettait une Algérie « fière et digne » où le citoyen devait porter la tête haute après des années de terrorisme qui l’avaient conduit à raser les murs de son pays. À baisser les yeux quand il voyageait.
Bouteflika avait popularisé l’expression « relève ta tête » (arfa3 rassek) que les habitants de la frontière ouest savent tirée d’une histoire racontée chez les voisins. C’est celle d’un jeune qui s’est corrompu dans une affaire de mœurs. Arrêté par les villageois et accablé de honte, il dut traverser toutes les rues, la tête baissée sous l’effet des insultes et des crachats. Parvenu devant le domicile de ses parents, le père lui demande de « relever » la tête. « Tu as conquis la plus belle fille du village », lui dit-il.
Après vingt ans de règne, Bouteflika a corrompu sans rien conquérir. Il s’est retiré tête basse, vilipendé, insulté et promis à l’enfer. Ses courtisans, ses obligés, ses séides sont promis, eux, à vivre enfermés ou exilés, à sortir tête baissée, criblés d’indignité, la caquet rabattu, l’arrogance avalée.
En matière de flagornerie, il est difficile de trouver le plus indépassable au sein du « gang ». Parmi eux , figure Djamal Ould Abbas, soupçonné d’avoir détourné des milliards, quand il était ministre de la Solidarité nationale.
Pris au piège d’un embouteillage à Alger, il a senti la honte le parcourir. C’est peut-être la première fois de sa carrière bouteflikienne tant les membres du gang vivent naturellement dans la transgression des normes éthiques et morales, avec le sentiment de supériorité et d’impunité. Et dans la négation de l’autre. C’est à dire du citoyen.
Face à une petite foule, d’ailleurs pacifique, Ould Abbas s’est vu dépouiller de son arrogance comme si on lui ôtait des vêtements. Moqué, il s’est même dit en faveur du « hirak » en réponse à la question d’un jeune homme tandis qu’un autre lui fait remarquer qu’avec sa bande ils ont « détourné l’argent du peuple ».
Tassé dans son siège, l’indécent menteur est d’abord apparu tétanisé, incapable de prononcer un mot. Son chauffeur est reparti sous le cri de « klitou leblad », le même qui retentit autour du tribunal d’Alger quand doivent comparaître d’autres figures du gang. Les enquêtes en cours démontrent tous les jours l’immensité des affaires qu’ils ont réalisées.
Les membres du gang ne sont à l’abri ni dans les avions ni à l’étranger comme l’ont montré les exemples de Hamraoui Habib Chawki et Bouguerra Soltani.
Pour d’autres, Club des Pins ressemble désormais à une luxueuse annexe de la prison d’El-Harrach, enfermés derrière les regards des citoyens qu’ils ne peuvent pas affronter. Ces regards sont le miroir de leurs turpitudes. Qu’ils s’y exposent et les voilà rabaissés au rang de paltoquets.