« Ma vie est en train d’être détruite »: Ali Paphi craint de ne plus pouvoir trouver de travail ou acheter à manger après le rétablissement de sévères sanctions américaines qui risquent d’aggraver les difficultés économiques des Iraniens.
Beaucoup d’Iraniens tiennent leur propre gouvernement pour responsable du retour des sanctions, imposées à la suite du retrait des Etats-Unis de l’accord de 2015 sur le nucléaire. Et ils craignent qu’elles ne portent un coup fatal à leurs conditions de vie.
Malgré des protestations sporadiques et des grèves dans plusieurs villes du pays la semaine dernière, le calme semblait régner dans la plupart des villes après l’entrée en vigueur des sanctions tôt mardi.
Ce qui n’a pas empêché les Iraniens rencontrés par l’AFP dans la rue à Téhéran d’exprimer leur désespoir, surtout ceux parmi les classes pauvres de la société.
« J’ai l’impression que ma vie est en train d’être détruite. Comme je vois la situation économique aujourd’hui, la classe ouvrière va mourir », lance Ali Paphi, un ouvrier du bâtiment.
« Les sanctions affectent déjà gravement la vie des gens. Je ne peux pas acheter à manger, payer le loyer (…) Personne ne se soucie des ouvriers », se lamente-t-il.
Ces dernières semaines, l’annonce de la prochaine entrée en vigueur des sanctions avait déjà affecté le quotidien des Iraniens, la rhétorique agressive du président américain Donald Trump contre l’Iran ayant effrayé les investisseurs et fait plonger la monnaie nationale.
« Les prix ont augmenté depuis trois, quatre mois et tout ce dont nous avons besoin est devenu tellement cher, avant même le retour des sanctions », déplore Yasaman, un photographe de 31 ans à Téhéran.
Comme beaucoup, il espère que les dirigeants iraniens accepteront de négocier pour sortir de la crise.
« J’espère que cela arrivera un jour. La plupart des gens estiment que les politiciens devront finir par avaler le poison », dit-il en référence à une phrase célèbre de l’ayatollah Khomeiny, fondateur de la République islamique, qui avait décrit en 1988 la décision de conclure un cessez-le-feu avec l’Irak « comme aussi amère que de boire un verre de poison ».
« Dernier clou »
La plupart des Iraniens sont habitués à l’hostilité des Etats-Unis, avec laquelle ils ont vécu pendant quatre décennies. Leur colère est donc principalement dirigée contre leurs propres dirigeants.
« Les prix augmentent à nouveau, mais c’est à cause de la corruption du gouvernement, pas des sanctions américaines », lance Ali, un travailleur indépendant de 35 ans.
Il estime que le président Hassan Rohani n’est pas capable d’améliorer les choses. « Il ne peut pas résoudre les problèmes. Il est clair que ce n’est pas lui qui prend les décisions dans ce pays. Le problème, ce sont nos représentants et notre système », lâche-t-il.
Les Iraniens fortunés et éduqués ont eux aussi perdu espoir, mais ils ont toujours la possibilité de partir -même si c’est à contrecœur.
Sogand, une jeune Irano-américaine, s’était installée en Iran pour la première fois il y a cinq ans. Elle a d’abord profité du dégel des tensions avec la signature de l’accord nucléaire de 2015.
Mais ces derniers mois, son inquiétude n’a cessé de grandir en raison de sa double nationalité, un cas propre à d’autres personnes qui avaient été arrêtées sous accusation d’espionnage. Pour elle, il était temps de partir.
« J’ai honte d’avoir abandonné mes collègues pendant la crise économique. Je me sens coupable d’avoir eu les moyens de partir si vite », confie-t-elle à l’AFP par message.
Mais « la déstabilisation économique et l’absence de toute perspective financière dans ce pays ont été le dernier clou sur le cercueil ».