Khaled Drareni est porte-parole du collectif des Journalistes Algériens Unis (JAU). Il évoque dans cet entretien accordé à TSA la situation de la presse en Algérie ainsi que de l’action prévue par le collectif JAU en faveur de Sofiane Merakechi, journaliste emprisonné depuis quatre mois.
Quelle est la situation de la presse en Algérie ?
La situation est très mauvaise actuellement, marquée par la précarité d’abord socioprofessionnelle mais surtout par la poursuite des intimidations et des pressions contre les journalistes qui veulent faire leur travail en toute liberté et en toute indépendance.
Cela concerne aussi bien ceux qui travaillent dans des médias étatiques ou des médias qui ne bénéficient pas d’une grande indépendance. Même eux subissent des pressions lorsqu’ils veulent faire du vrai journalisme.
Quel genre de pressions subissent les journalistes ?
Il y a beaucoup de sources de pressions. Cela peut se manifester par des pressions venant de leurs responsables, qui leur interdisent de couvrir tel ou tel sujet ou d’être critique avec tel ou tel responsable. Il y a aussi des menaces de sanctions, avec des journalistes qui ont été sanctionnés pour avoir voulu faire du vrai journalisme.
Il y a aussi des journalistes qui subissent des intimidations très régulières de la part des services de sécurité surtout pendant la couverture des manifestations, sous prétexte qu’ils n’ont pas d’accréditation ou qu’ils filment les forces de l’ordre. On sait très bien que quand on veut empêcher un journaliste de travailler, on trouve toujours quelque chose pour le faire.
Des journalistes ont-ils été emprisonnés pour avoir exercé leur travail ?
Officiellement, il n’y a pas de journalistes pour un lien direct avec le journalisme, mais on se débrouille toujours pour trouver quelque chose pour l’emprisonner. C’est le cas pour Sofiane Merakechi qui est aujourd’hui le seul journaliste algérien en prison, officiellement pour avoir utilisé du matériel non autorisé. Mais on sait très bien que Sofiane est emprisonné parce que c’est un journaliste et qu’il a travaillé pour des chaînes de télévision étrangères.
Depuis quand Merakechi est-il en prison ?
Il a été placé sous mandat de dépôt le 26 septembre 2019. Depuis ce jour, il n’y a pas eu de procès. Nous considérons que c’est un fait inacceptable. C’est inacceptable qu’on jette un journaliste en prison de cette manière, juste parce qu’il a fait son travail. Juste parce qu’il a fait son travail pas comme les autorités auraient voulu qu’ils le fassent.
Que font les journalistes pour tenter de remédier à cette situation ?
Nous nous essayons de nous organiser. Nous avons effectué notre première réunion le 9 novembre dernier, durant laquelle nous avons fondé le collectif des Journalistes Algériens Unis (JAU). Ce collectif a été fondé avec le but principal de militer pour la libération de nos confrères en prison. A l’époque il y avait trois journalistes en prison : Adel Azeb Cheikh, Abdelmonji Khellladi et Sofiane Merakechi. Les deux premiers ont été remis en liberté et aujourd’hui il reste Sofiane Merakchi qui demeure en prison et qui semble être oublié par les autorités. Il y a aussi le journaliste Belkacem Djir qui est en prison depuis plusieurs mois pour une affaire de droit commun. Nous nous mobilisons également pour lui afin qu’il ait droit à un procès juste et équitable.
Quelles actions concrètes sont prévues ?
Nous envisageons de faire des actions pour non seulement demander la libération de Sofiane Merakechi mais aussi pour marquer l’opinion publique nationale pour lui rappeler le cas de ce journaliste et pour que les gens sachent qu’il y a un journaliste en prison et que c’est inadmissible.
Nous organisons une action ce vendredi, pendant la marche, à partir de 14h à la rue Didouche Mourad. Nous serons plusieurs journalistes, citoyens et autres acteurs de la société civile pour demander la libération de Sofiane Merakechi.
Nous organisons également le lendemain samedi matin un rassemblement devant la Maison de la presse Tahar Djaout à Alger, auquel pourront participer également les citoyens.