L’un des derniers grands procès anti-corruption impliquant des « oligarques » algériens de l’ère Bouteflika, se déroule en ce moment au tribunal de Sidi M’hamed (Alger).
Il s’agit de celui des frères Kouninef, propriétaires du groupe KouGC qui a prospéré sous l’ancien président dans divers secteurs. Réda, Tarek et Abdelkader Kouninef, qui croupissent en prison depuis le 24 avril dernier, leur sœur Souad-Nour, en fuite à l’étranger, ainsi qu’une douzaine d’autres accusés, dont des fonctionnaires de ministères sont poursuivis pour trafic d’influence, blanchiment d’argent, obtention d’indus avantages, détournement de fonciers et de concessions, et non-respect des engagements contractuels dans la réalisation de projets publics. 45 sociétés sont en outre jugées en tant que personnes morales.
À la différence de tous les procès anti-corruption qui ont eu lieu ces derniers mois, aucun ancien ministre n’est à la barre. La justice a, a-t-on expliqué à l’ouverture du procès, décidé de séparer les dossiers des principaux accusés de ceux des anciens hauts responsables, qui sont encore en cours de traitement au niveau de la Cour suprême.
Qu’ils soient jugés ou pas dans cette affaire, cela ne change rien aux anciens responsables impliqués, étant pour la plupart condamnés dans d’autres procès. Le Code de procédure pénale algérien ne prévoit pas de cumul de peines, seule la plus forte est purgée.
La famille Kouninef était considérée comme très proche de l’ancien président, notamment de son frère et conseiller Saïd Bouteflika. Elle est soupçonnée d’avoir profité de sa proximité avec le cercle présidentiel pour obtenir d’indus avantages, notamment des marchés publics et la reprise d’entreprises publiques.
Rien que dans le secteur de l’hydraulique, le groupe familial a obtenu pour 14 000 milliards de centimes (environ 1.1 milliard dollars) de marchés publics. Autre chiffre confirmé à l’audience, celui de l’acquisition de l’entreprise publique de production d’huiles, Cogral (42 milliards de centimes pour l’unité d’Alger et 53 milliards pour celle d’Oran), un prix jugé dérisoire au vu de la taille des deux unités.
Le groupe a aussi obtenu de nombreux terrains, dont certains dans des zones convoitées, comme les ports d’Alger, d’Oran et de Jijel. Concernant l’accusation de « financement de parti politique », il s’agit de quatre milliards de centimes versés comme contribution des frères Kouninef à la campagne électorale du président Bouteflika en 2014, lorsqu’il briguait un quatrième mandat à la tête de l’État.
L’un des derniers grands procès des « oligarques de Bouteflika »
Ce n’est en contrepartie d’aucun avantage, a assuré Réda Kouninef qui a reconnu que Saïd Bouteflika, le frère-conseiller du président, était son « ami » mais qu’il ne l’a jamais sollicité pour intervenir en sa faveur.
Réda et ses frères ont adopté la même ligne de défense, niant toutes les charges et assurant qu’ils ont obtenu tous leurs marchés dans le cadre d’appels d’offres conformes à la loi.
Le procès des Kouninef est l’un des derniers grands procès anti-corruption impliquant des « oligarques » du premier cercle de Bouteflika. Les plus en vue, notamment Ali Haddad et Mahieddine Tahkout, ont été jugés et condamnés respectivement à 18 et 16 ans de prison ferme.
De nombreux autres hommes d’affaires sont néanmoins détenus et attendent leur jugement ainsi que plusieurs anciens hauts responsables. Les deux anciens ministres de la Solidarité, Djamel Ould Abbas et Saïd Barkat, très proches du président déchu, sont justement jugés en ce moment même par le tribunal de Sidi M’hamed pour malversations dans l’utilisation des fonds de solidarité lors de leurs passages respectifs au ministère.
Hier, c’était l’ancien député Baha-Eddine Tliba qui a été condamné à huit ans de prison, ainsi qu’un des enfants du même Ould Abbas. Tliba avait révélé à l’audience avoir fait l’objet de chantage pour figurer en tête d’une liste du FLN, que dirigeait Ould Abbas, lors des législatives de 2017.