Les élections législatives ont débuté dimanche au Liban, les premières en près d’une décennie, mais le scrutin ne devrait pas bouleverser les fragiles équilibres politiques d’un pays mis à rude épreuve par le tumulte régional.
Les bureaux de vote ont ouvert à 07h00 (04h00 GMT) pour accueillir les quelque 3,7 millions d’électeurs, sous haute sécurité. Malgré l’heure matinale, des files s’étaient déjà formées dans la capitale Beyrouth devant plusieurs bureaux, et les principaux partis du pays avaient installés leur stand.
Le Parlement (128 députés) devrait être dominé par les partis traditionnels, parmi lesquels figure le puissant Hezbollah chiite, allié de la Syrie et de l’Iran.
Ces dernières années, le pays a connu des crises politiques à répétition, évitant, souvent de justesse, l’engrenage de la violence malgré une situation géographique sensible, entre la Syrie en guerre et Israël.
Entre 20.000 et 30.000 policiers et soldats seront déployés pour sécuriser le vote, a annoncé le ministère de l’Intérieur, dans un pays frappé ces dernières années par des attentats meurtriers.
Avec une classe politique accusée de corruption et de népotisme, dominée depuis longtemps par les mêmes partis et incapable de relancer une économie brinquebalante, la population aspire à un changement qui semble difficile à concrétiser.
Devant un bureau de vote de la capitale, les forces de sécurité vérifient les cartes d’identité et indiquent aux électeurs par où entrer.
“C’est la première fois que je vote”, confie Thérèse, soixante ans, arborant un teint hâlé.
“Je viens soutenir la société civile, parce que personne d’autre ne me plaît dans ce pays, même si je ne pense pas qu’ils vont gagner”, poursuit-elle. “Je soutiens du sang frais”.
A des dizaines de kilomètres de là, dans la ville de Tyr dans le sud du pays, Jalal Naanou, partage une même conviction.
“On est venu voter et oeuvrer au changement, pour avoir de nouveaux députés, parce que sans changement notre situation va rester la même, voire elle va empirer” lâche le jeune homme de 28 ans.
– Hezbollah –
Indépendamment de l’issue du scrutin, le Hezbollah, seule formation à ne pas avoir abandonné les armes après la guerre civile (1975-1990), devrait continuer de dominer le jeu politique, estiment les analystes. Le mouvement chiite devrait aussi profiter du morcellement du paysage électoral.
“Le nouveau Parlement ne sera pas une source de nuisance pour le Hezbollah. Il bénéficiera de l’absence d’une large coalition face à lui”, confirme Imad Salamey, professeur de sciences politiques à l’Université libanaise américaine (LAU), à Beyrouth.
Les dernières législatives au Liban remontent à 2009. Le Parlement avait prorogé à trois reprises son mandat, invoquant notamment des risques sécuritaires liés au débordement de la guerre en Syrie.
Quelque 597 candidats répartis en 77 listes sont en lice, pour des législatives organisées pour la première fois selon un mode de scrutin proportionnel.
Mais la répartition des sièges est aussi régie par un subtil partage confessionnel, entre les différentes communautés religieuses, et respecte une parité islamo-chrétienne.
Les 1.880 bureaux de vote fermeront à 19H00 (16H00 GMT) et les résultats pourraient être annoncés dès le lendemain dans les 15 circonscriptions.
– Dossiers épineux –
La nouvelle loi électorale adoptée en 2017 a incité des candidats de la société civile à tenter une percée.
C’est le cas notamment de la coalition “Koullouna Watani”, qui appelle les électeurs à se mobiliser contre l’establishment politique traditionnel.
Le Liban, qui accueille 1,5 million de réfugiés venus de la Syrie voisine, n’échappe pas aux répercussions du conflit.
Le Hezbollah intervient d’ailleurs militairement au côté du régime syrien, et même si cet engagement divise la classe politique, les candidats se sont abstenus d’évoquer la délicate question de son arsenal militaire.
Son grand rival, le Premier ministre Saad Hariri, soutenu par l’Arabie saoudite, devrait conserver son poste, même si sa formation, le Courant du Futur, risque de perdre plusieurs sièges.
Mais malgré les divergences et parfois même l’animosité, les décisions politiques majeures sont souvent prises par consensus entre les forces politiques rivales.
Et c’est ce qu’a rappelé samedi soir le président Michel Aoun, dans un entretien avec la chaîne arabe de la BBC: “si nous gagnons, nous gagnons tous ensemble. Et si nous perdons, nous perdons tous ensemble”, a-t-il insisté.
Les prochains élus devront se pencher sur des questions politiques, mais aussi économiques majeures, dans un pays habitué aux coupures d’électricité quotidiennes, aux pénuries d’eau et un problème de gestion des déchets ménagers qui perdure depuis trois ans.
Le Liban doit par ailleurs se lancer dans ses premières explorations d’hydrocarbures en Méditerranée, une possible manne financière qui pourrait aider un pays qui croule sous une dette publique culminant à 150% du PIB, le troisième taux le plus élevé à l’échelle mondiale.