La campagne pour les élections présidentielles du 12 décembre aura été marquée globalement par la remarquable indigence des programmes économiques des principaux candidats.
La plupart des prétendants à la fonction présidentielle se seront comportés, dans ce domaine, en véritables marchands d’illusions, ignorant la situation de crise multidimensionnelle dans laquelle se trouve d’ores et déjà l’économie de notre pays et multipliant les promesses qui s’avéreront impossibles à tenir au risque d’augmenter le mécontentement populaire.
Des candidats qui dépensent sans compter
La palme de la démagogie revient certainement au candidat Tebboune qui a inauguré sa campagne en assurant qu’une de ses premières décisions de président de la République consisterait à augmenter l’allocation touristique en la portant carrément à 1500 euros.
Une promesse dont le coût financier s’élèverait au minimum à 5 ou 6 milliards de dollars par an et qui gonflerait du même montant le déficit de notre balance des paiements qui sera déjà proche de 20 milliards de dollars à la fin de l’année en cours.
Abdelmadjid Tebboune ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Il a également promis la suppression de l’IRG pour tous les salaires inférieurs à 30 000 dinars. Une proposition visiblement très populaire qui a été reprise par quasiment tous les candidats. Son coût financier devrait se situer aux alentours de 100 milliards de dinars par an qui s’ajouteraient aux 2400 milliards de dinars de déficit prévus tout à fait officiellement par la Loi de finances 2020.
Pour faire bonne mesure, le candidat Abdelkader Bengrina promet lui aussi plein de belles choses dont « l’augmentation du salaire de base, la réduction de l’IRG, l’augmentation des allocations attribuées aux femmes au foyer et aux mères en congé de maternité ».
Abdelaziz Belaïd, de son côté, s’engage à réaliser une zone industrielle dans chaque commune. Il promet également une allocation pour les chômeurs.
Des emplois par millions
Tous les candidats ont également promis de créer massivement des emplois, de préférence dans la fonction publique dans le cas de Tebboune. Ce dernier s’est d’ailleurs engagé à « éradiquer définitivement le chômage et la crise du logement » en commençant par « l’intégration rapide de 400 000 fonctionnaires ».
Le favori des pronostics pour l’élection du 12 décembre, Azzeddine Mihoubi, n’est pas en reste. Après avoir estimé que « les promesses étaient à l’origine de l’effondrement de la confiance entre le pouvoir et le peuple », Mihoubi s’est engagé à créer pas moins de 4 millions d’emplois au cours de son mandat de futur président, soit 800.000 emplois par an, sans donner la moindre indication sur la manière dont il compte réaliser un tel exploit.
Interrogé sur ce point par les médias nationaux, les représentants du candidat Mihoubi se sont contentés d’assurer que la « volonté politique » fera la différence.
Une économie en apesanteur
Au total, les promesses des candidats sont presque impossibles à chiffrer. Elles ont pour point commun de se situer dans une sorte d’économie en apesanteur où les ressources financières seraient disponibles en quantité illimitée et n’attendraient que l’occasion d’être dépensées.
Le mot déficit a d’ailleurs été complètement banni d’une campagne présidentielle. Les candidats ont décidé de tourner résolument le dos à la réalité de la situation financière actuelle de notre pays.
Dans ce domaine aussi, le candidat Tebboune va au bout de sa démarche démagogique. « Il y a de l’argent, je sais où le trouver et où l’investir », a-t-il indiqué en assurant que l’opération de lutte contre la corruption engagée par le ministre de la Justice se poursuivra s’il est élu président de la République et que « l’argent volé sera bien rapatrié ».
Quelques rares pistes de réformes
Au cours d’une campagne électorale bien terne et très avare en propositions réalistes, on aura quand même relevé quelques pistes de réformes institutionnelles. Mihoubi s’est engagé à mener des « réformes structurelles » qui permettront d’améliorer le climat des affaires et de réunir les conditions du décollage économique de l’Algérie, affirmant qu’il formera un gouvernement de compétences nationales, créera un « grand ministère de l’Économie » et qu’il relancera le rôle consultatif du Conseil national économique et social (Cnes) ».
Le candidat Mihoubi a également mis en avant le principe d’un « service public de qualité », la poursuite des « formules de logement réussies » et le lancement d’un programme national dédié à la relance des hôpitaux.
Dans l’ambiance de démagogie généralisée qui a caractérisé la campagne présidentielle, le candidat Benflis est sans doute celui qui échappe le plus au reproche populiste. Seul à évoquer dans ses interventions publiques la « crise financière aiguë » dans laquelle se trouve notre pays, il promet prudemment « l’ouverture du dialogue avec les partenaires sociaux en vue de débattre des dossiers du pouvoir d’achat et augmenter le Smig, avec étude de la question de la valeur du dinar algérien, comparativement à la situation générale de l’économie nationale ».
Plus proche des réalités économiques que ses principaux concurrents, Benflis évoque également le caractère inévitable du recours à l’endettement extérieur en soulignant la nécessité de limiter son montant et de réserver son usage au financement des investissements productifs.