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Les Marocains ne sont pas seulement les sujets du roi du Maroc mais ils sont aussi ses clients

Les Marocains ne sont pas seulement les sujets du roi du Maroc mais ils sont aussi ses clients

Au Maroc, une campagne de boycott, lancée le 20 avril 2018 sur les réseaux sociaux avec comme slogan « Ne fais pas mal à ma poche », vise les produits laitiers de marque Danone, l’eau minérale Sidi Ali et les produits pétroliers des stations-services Afriquia, jugés trop chers par les consommateurs.

Ce boycott est très efficace puisque la société Danone a dû réduire aussi bien ses achats de lait cru de 30%, que ses effectifs par centaines de salariés. Même les commerces et établissements de restaurations n’achètent plus les produits boycottés de peur de ne pouvoir les revendre, selon les médias marocains. Ce boycott risque de s’élargir à d’autres sociétés si les appels lancés dans ce sens sur Facebook sont suivis.

Gouvernement et entreprises marocains : même combat

Face à cette situation, le gouvernement a tout simplement pris fait et cause pour les compagnies visées par le boycott. Le ministre marocain de l’Economie et des Finances, Mohammed Boussaïd, a qualifié les meneurs du boycott « d’étourdis » alors que le ministre des Affaires générales et de la Gouvernance, Lahcen Daoudi, a rejoint la manifestation de salariés du groupe Danone qui réclamaient la fin du boycott.

Le gouvernement marocain a publié un communiqué dans lequel il avertit que : « la poursuite du boycott est à même de causer de gros dommages pour les coopératives laitières et les producteurs qui y adhèrent, dont une majorité de petits agriculteurs, ainsi que pour le tissu économique national dans ce secteur et les secteurs qui y sont liés » avant d’ajouter que: « ce mouvement pourrait avoir un impact négatif sur l’investissement national et étranger et, par conséquent, sur l’économie nationale».

Même si le gouvernement marocain, dans ce communiqué, se dit « déterminé à améliorer le pouvoir d’achat des citoyens et à agir avec fermeté en matière de contrôle du marché, de la qualité des produits et de lutte contre la spéculation et le monopole », l’impression qui s’en dégage est que les préoccupations de la population quant à son pouvoir d’achat passent au second plan.

Imbrication entre intérêts des élites et du monde des affaires marocaines

Cela n’a rien d’étonnant quand on connaît l’imbrication des intérêts des élites marocaines avec le monde des affaires. L’une des enseignes visées par le boycott, les stations-services Afriquia, appartient à Aziz Akhanouch, actuel ministre de l’Agriculture et proche du roi du Maroc. La marque d’eau minérale Sidi Ali, appartient à Miriem Bensalah, ex-dirigeante du patronat marocain. Centrale Danone, était jusqu’en novembre 2014, le produit d’une fusion entre Danone et la Centrale laitière appartenant au roi du Maroc.

En réalité, l’économie de tout le royaume marocain est sous la coupe de la holding Al-Mada, dont l’ancêtre est la Société nationale d’investissement (SNI) fondée par le roi Hassan 2, et qui appartient maintenant au roi Mohamed VI.

La holding Al Mada a des participations dans toutes les grandes entreprises de l’économie marocaine et tous secteurs confondus : l’agriculture, la distribution, les banques, l’immobilier, les mines, la construction, les télécoms, les médias, l’énergie, le tourisme, la construction et l’assurance. Jusqu’à 2015, la holding royale était aussi présente dans l’agroalimentaire, y compris dans la Centrale Danone, mais elle s’en est progressivement retirée au profit d’investisseurs internationaux.

A l’accession du trône de Mohamed VI, la holding royale avait initialement pour objectif de transformer l’économie du Maroc et de la sortir de l’ère du petit commerce. Dans les faits, elle est un instrument à l’aide duquel le roi lui-même, sa famille et les grandes familles qui soutiennent son pouvoir, maintiennent leur emprise sur toute l’économie du pays.

Les Marocains ne sont pas seulement les sujets du roi du Maroc mais ils sont aussi ses clients, car beaucoup de produits qu’ils consomment sont le fait d’entreprises dans lesquelles la holding royale possède des participations.

L’imbrication des intérêts des élites et du capitalisme marocains explique en grande partie le succès d’une campagne de boycott soutenue par une grande partie des Marocains, surtout les jeunes et la classe moyenne, et qui est un indicateur du malaise social dans ce pays après les mouvements du Hirak du Rif, les manifestations de la soif à Zagora et les manifestations de Jerada en 2017.

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