Depuis un an, le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, Noureddine Boutayeb négocie avec l’Inde pour la conception d’un Registre national pour la population à la double fonction, sécuritaire et sociale. L’accord vient d’être acté avec un institut de Bangalore. Des questions demeurent cependant d’actualité, notamment sur la fiabilité du système indien réputé pour sa vulnérabilité
Le ministère de l’Intérieur et l’Institut international de technologie de l’information de Bangalore, la Silicon Valley indienne, ont signé, lundi à Rabat, un mémorandum d’entente pour la conception et le développement d’une plateforme logicielle open source modulaire dénommée « MOSIP », qui constituera le noyau du système de gestion du Registre national de la population (RNP) en cours de mise en œuvre par le gouvernement.
Signé lors d’une cérémonie présidée par le ministre délégué auprès du ministre de l’Intérieur, Noureddine Boutayeb, ce mémorandum porte sur une durée de cinq ans. Il a été signé par le Wali, secrétaire général du ministre de l’Intérieur, Mohamed Faouzi, et le Commodore Sridhar Srinivasa, Ratnam, de l’Institut international de technologie de l’information à Bangalore.
La cérémonie de signature s’est déroulée en présence de Kheya Bhattacharya, Ambassadeur de l’Inde à Rabat, de Ferid Belhaj, vice-président de la Banque mondiale pour la région MENA et de Marie-Françoise Marie-Nelly, directrice des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb, ainsi que des hauts responsables du ministère de l’Intérieur et des départements ministériels partenaires.
Le Maroc se positionne en pionnier
En novembre 2017, Noureddine Boutayeb avait séjourné en Inde durant dix jours à la tête d’une délégation d’experts en TIC. Objectif du voyage, évaluer la possibilité de dupliquer au Maroc son système d’identification biométrique Aadhaar qui fiche toute la population sans recourir à la carte d’identité. Lutte antiterroriste et ciblage des aides sociales étaient au menu des discussions.
« Le Maroc sera, ainsi, le premier pays à participer au développement de ce noyau MOSIP et à l’utiliser, ce qui lui permettra de jouer un rôle stratégique dans le cadre d’une coopération sud-sud pour la promotion de cette plateforme logicielle open source »,commente aujourd’hui l’agence MAP.
A travers ce mémorandum, l’expérience et le savoir-faire technologique indiens, capitalisés lors de la mise en œuvre du plus important registre de la population au monde, seront mis à la disposition du Maroc, ajoute la même source.
Confidentialité et vulnérabilité en cause
Le Registre national de la population assurera au profit du Registre social unique (RSU) la fiabilité des données d’identification et les services d’authentification des bénéficiaires des programmes sociaux, et ce, conformément aux directives royales du 29 juillet 2018 à l’occasion de la Fête du Trône, poursuit la MAP.
Le projet de mise en place du RNP et du RSU associé bénéficie d’un appui financier et technique de la Banque mondiale. Dans ce cadre, celle-ci a facilité un échange sud-sud avec le gouvernement indien pour le développement du RNP et fournit un appui technique à travers l’Initiative d’identification pour le développement (ID4D), qui aide les pays à mettre en place des systèmes d’identification numérique qui rendent le ciblage et d’une manière plus large les programmes de protection sociale beaucoup plus efficients.
Mais comme pour tout système de fichage intégral, aussi utile soit-il, celui-ci soulève les éternelles questions de la confidentialité des informations, notamment pour les régimes autoritaires qui ne respectent pas à la lettre les données personnelles. La coopération franco-marocaine dans ce domaine prouve les dérives potentielles d’une telle démarche.
En Inde, la Cour suprême a refusé l’usage de la base de données à la police, qui souhaitait identifier des criminels grâce à un relevé d’empreintes. La plus haute autorité indienne a réaffirmé que les données ne pouvaient être partagées sans l’autorisation de leur propriétaire. Peu sûr qu’il en soit de même pour le Maroc.
Par ailleurs, la duplication par le Maroc le système d’identification biométrique indien Aadhaar qui fiche toute la population sans recourir à la carte d’identité pose un autre problème : deux enquêtes ont prouvé qu’il pouvait être hacké, exposant ainsi les données personnelles les plus sensibles des citoyens…