Le roi Mohamed VI du Maroc a-t-il divorcé de la princesse Lalla Salma ? Les journaux espagnols l’affirment, nombre de Marocains se posent la question, mais les médias marocains ne cherchent pas à y répondre et le palais royal garde le silence.
Une fois de plus, les Marocains s’informent de ce qui arrive dans leur pays à travers la presse étrangère. Il y avait certes quelques indices avant-coureurs, mais c’est le magazine espagnol « Hola » qui l’a révélé le mercredi 21 mars : « Mohamed VI et la princesse Lalla Salma ont divorcé ».
À quelques rares exceptions près, aucun média marocain ne s’est fait écho de cette information et le porte-parole du gouvernement, Mustapha El Khalfi, a conseillé, jeudi, au journaliste Mohamed Siali, de l’agence de presse espagnole EFE, qui lui demandait des éclaircissements, de s’adresser au cabinet royal. Peine perdue, celui-ci est aux abonnés absents.
Pourtant « Hola » mérite d’être pris en considération. Ce n’est pas un magazine people quelconque. Depuis sa création, en 1944, il est un peu le journal officieux des monarchies du monde entier qu’il n’a jamais cherché à incommoder. Il entretient d’ailleurs une relation étroite avec l’institution monarchique marocaine.
Le conseiller royal, André Azoulay, est intervenu plus d’une fois auprès de sa direction pour lui demander, par exemple, de supprimer de son site les photos prises en 2001 en Espagne de Lalla Hasna, une des sœurs du souverain, avec le torero Miguel Báez, plus connu comme « El Litri », son surnom. Les clichés déplaisaient au palais. L’hebdomadaire espagnol s’est exécuté tout de suite.
Parmi ses nombreuses éditions internationales, « Hola » en possède une en français pour le Maroc qui exalte constamment la monarchie alaouite. C’est d’ailleurs la seule publication marocaine qui a eu le privilège de photographier le roi dans l’intimité de ses palais et de sa vie familiale.
Il ne serait donc pas étonnant que le palais se soit servi de «Hola » pour confirmer l’intense rumeur qui circule sur les désaccords prononcés au sein du couple royal. Le magazine espagnol précise d’ailleurs que toute cette affaire de divorce « sera abordé dans un cadre privé, ce qui suppose un changement dans la communication de Mohamed VI (…) ». Autrement dit, il ne devrait pas y avoir de communiqué du palais expliquant le changement intervenu dans la relation entre le roi, 54 ans, et sa femme, âgée de 39 ans.
Quand le couple a décidé de se marier, en mars 2002, la bonne nouvelle avait pourtant été annoncée officiellement au Maroc par monts et par vaux. Le palais se modernisait en matière de communication. Le roi Hassan II, le père de Mohamed VI, n’avait, lui, jamais donné la moindre information sur sa vie privée. Lalla Latifa Amahzoune, la mère de de Mohamed VI, n’a jamais été vue en public sauf une fois à l’occasion du mariage d’une de ses filles.
Seize ans après les épousailles royales, l’institution monarchique garde cette fois un silence de plomb. Considère-t-elle que les Marocains ne sont pas assez mûrs pour apprendre l’échec du couple formé par Mohamed VI et Lalla Salma et les informer sur le futur statut de la princesse divorcée ? La vie des familles royales est pourtant saupoudrée de divorces et pas seulement en Angleterre. Cela arrive aussi dans le monde arabe. La princesse Aisha bint Hussein, sœur cadette du roi Abullah II de Jordanie, a, par exemple, divorcé en 2016, après seulement six mois de mariage, et c’est par un communiqué du palais que les Jordaniens l’ont appris.
En fait le palais communique discrètement au Maroc ou, plus précisément, autorise un autre genre de communication. Du 27 février au 4 mars « Le Crapouillot Marocain », un mystérieux journal numérique, a affiché en « une » deux « papiers » dénigrants celle qui a été la « première dame » du Maroc. Leurs titres sont révélateurs de leurs contenus : « L’absence d’une princesse dilettante » et « La cool attitude trompeuse d’une princesse ». Comme le site du quotidien ne reçoit que très peu de visites, les deux articles ont été envoyés par courriels anonymes à des centaines de personnes qui suivent de près l’actualité du Maroc.
Pour avoir publié quelques détails anodins sur les goûts de Lalla Salma, le journal marocain « Al Jarida al Oukhra», aujourd’hui disparu, avait eu en 2005 quelques démêlés avec les autorités de Rabat. Après avoir insulté la princesse, les responsables du « Crapouillot Marocain », dont les noms ne figurent pas sur le site du journal, n’ont eu aucun ennui. Ils avaient sans doute rempli leur rôle en la discréditant pour préparer le terrain et justifier que la « première dame » soit tombée en disgrâce. Depuis près de quatre mois elle a entièrement disparu de la vie publique.
« Le fait qu’un média local, fusse-t-il aussi insignifiant, publie de tels propos ne peut manifestement être le fait d’une initiative isolée (…) », écrit Ali Amar dans son journal, « Le Desk », l’un des rares au Maroc à avoir osé aborder, certes sur la pointe de pieds, le sujet du divorce. « L’absence de Lalla Salma, sujet tabou pour la presse marocaine », est le titre révélateur de son article.
Même si l’affaire est amplement débattue dans les salles de rédaction -et dans bien d’autres forums- presque toute la presse marocaine, publique et privée, l’ignore. Le Marocain qui cherche à être informé doit à nouveau regarder par-delà les frontières de son pays.