Société

Les médecins cubains très sollicités face au coronavirus : une compétence mondialement reconnue

Tout a commencé par une première mission envoyée soigner les malades de l’Algérie fraîchement indépendante, en 1963. Depuis, les médecins cubains sillonnent la planète, notamment les pays du tiers-monde, apportant leur aide aux États nouvellement indépendants, sortant d’un conflit ou subissant une épidémie ou une catastrophe naturelle. Ils étaient par exemple sur le terrain en Afrique lors de l’épidémie d’Ebola en 2014 où lors du séisme en Haïti en 2010.

La tradition s’est ancrée jusqu’à ce que l’île compte, en 2019, 50 000 médecins exerçant à l’étranger. Jusque-là, le champ d’action des blouses blanches cubaines se limitait aux pays du tiers-monde et ceux considérés politiquement proches du régime castriste. Mais depuis le début de la crise du Covid-19, chose inimaginable il y a quelques années, ils sont sollicités par de grands pays occidentaux, dont l’Italie, pays le plus touché en Europe, et même la France.

L’île envoie actuellement ses brigades de blouses blanches dans 38 pays pour lutter contre l’épidémie du nouveau coronavirus. En Europe, l’Italie et Andorre ont déjà accepté cette aide cubaine. La France aussi, mais pour le moment uniquement pour ses départements d’outre-mer. La Martinique, la Guadeloupe, la Guyane et Saint-Pierre-et-Miquelon sont concernés.

L’origine du développement de la médecine cubaine remonte aux premières années de la révolution de 1959, lorsque les 6000 médecins de l’île s’étaient volontairement exilés, fuyant le castrisme. Pour les remplacer, le nouveau régime avait alors lancé un vaste programme de formation. Des milliers de praticiens seront formés, prenant en charge les besoins du pays et ceux de ses alliés et amis.

L’internationalisation a commencé en 1963 avec la première « brigade médicale cubaine en mission internationale » envoyée en Algérie, alors fraichement indépendante. Au fil des années, Cuba a fait de ses médecins une arme diplomatique et surtout une source de revenus pour le pays qui souffre du plus long embargo de l’histoire.

«Notre pays ne largue pas des bombes sur d’autres peuples. […] Notre pays ne possède pas d’arme nucléaire ni d’arme chimique ni d’armes biologiques. […] Les dizaines de milliers de scientifiques que compte notre pays, ses médecins, ont été sensibilisés à l’idée de sauver des vies. Des dizaines de milliers de médecins cubains ont prêté leurs services internationalistes dans les endroits les plus reculés et les plus inhospitaliers », déclarait Fidel Castro dans un discours à Buenos Aires en 2003.

Selon les statistiques du ministère cubain de la Santé, le pays compte 76 000 médecins (pour 11 millions d’habitants), 15 000 chirurgiens-dentistes, 89 000 infirmières et une faculté de médecine ouverte aux pays du sud. Selon les données de la Banque mondiale, Cuba est le pays du monde qui compte le meilleur taux mondial de médecins par rapport à la taille de la population : 8,2 médecins pour 1000 habitants, soit loin devant des pays comme la Suède (5,4) la Suisse (4,2), la France (3,2) et les États-Unis (2,6).

50 000 médecins cubains exercent en outre à l’étranger et rapportent à l’économie de l’île plus que le tourisme et les transferts des expatriés. Entre 8 et 10 milliards de dollars chaque année. Les praticiens exercent dans le cadre de conventions entre leur gouvernement et ceux des pays où ils sont affectés et une partie de leur salaire va renflouer les caisses de l’État.

Il arrive certes que ces missions soient renvoyées, au gré des changements politiques, comme cela s’est passé ces dernières années en Bolivie, en Équateur, au Salvador et au Brésil avec l’arrivée de Jair Bolsonaro au pouvoir, mais les médecins cubains demeurent fortement présents aux quatre coins du globe.

Depuis le début de la pandémie du coronavirus, 508 praticiens ont été envoyés à l’étranger. Au fil des années, la médecine cubaine a acquis une réputation qui transcende la politique et la géostratégie et l’expérience de ses médecins et soignants dans la gestion des crises ne pouvait être ignorée au moment les systèmes sanitaires de beaucoup de pays sont débordés.

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