Société

Les migrants, une épine dans le pied de l’Europe

Rome a accueilli mercredi sept pays du sud de l’Europe dans un sommet où il était question de s’accorder sur l’instauration d’une politique migratoire commune afin de faire face à cette crise humaine de grande ampleur, marquée par de nouveaux drames en ce début d’année.

La marine libyenne a relaté récemment la disparition de près de 100 migrants en Méditerranée après le naufrage de leur embarcation de fortune au large de la Libye, tandis que l’Espagne a vu débarquer sur ses côtes près de 23.000 migrants algériens et marocains en 2017. C’est dans ce contexte difficile que les pays du sud de l’Union européenne (UE) continuent de réclamer une meilleure répartition de la charge migratoire au sein de la communauté.

« Nous devons lutter tous ensemble pour mettre en place une politique migratoire qui soit commune avec une solidarité, surtout envers les pays qui reçoivent ces flux importants », a souligné devant la presse le Premier ministre grec Alexis Tsipras, dont le gouvernement demande régulièrement d’intégrer les Irakiens et les Afghans dans les procédures de relocalisation.

Tout le monde ne tire pas dans le même sens

Mais tous ne sont pas d’accord avec ces déclarations d’intention. À commencer par les pays de l’Est, clairement hostiles à l’intégration des migrants au sein de leurs frontières. Connu pour être farouchement opposé à l’accueil des migrants sur son sol, le Premier ministre hongrois Viktor Orban s’est prêté dernièrement à des déclarations houleuses, considérant les réfugiés comme des « envahisseurs musulmans ».

Ce jeudi 11 janvier, le nouveau ministre autrichien de l’Intérieur Herbert Kickl, membre du FPO – un parti d’extrême droite – s’est quant à lui proposé de cantonner les demandeurs d’asile de façon « concentrée » dans des centres dédiés, un terme faisant écho aux camps de concentration nazis. En Allemagne, la question des migrants divise. Tandis que les conservateurs réclament un durcissement de la politique migratoire, les sociaux-démocrates du SPD veulent un assouplissement du regroupement familial pour les réfugiés. Angela Merkel, qui joue en ce jeudi 11 janvier une partie de son avenir politique (le CDU, le parti conservateur dont elle est la chef de file et la SPD tentent de trouver un accord afin de reconduire la coalition qui gouverne le pays depuis 2013) a néanmoins marqué sa tendance. En octobre, la chancelière a accepté pour la première fois de limiter le nombre de réfugiés, chose à laquelle elle s’était jusqu’alors toujours refusée.

S’étant senti longtemps dépassé par l’afflux de migrants sur son sol, le gouvernement italien s’est orienté vers les prémices d’une immigration choisie, au prix d’accords controversés avec la Libye, Rome ayant été accusé d’avoir passé des accords avec des milices de passeurs afin d’enrayer le départ de migrants depuis les côtes libyennes. Le chef du gouvernement transalpin Paolo Gentiloni a néanmoins voulu se montrer optimiste lors de cette réunion, assurant que l’UE a déjà obtenu « des résultats encourageants dans la maîtrise des flux et dans la lutte contre la traite des êtres humains. »

Les accords de Dublin, la source du problème ?

Tout juste rentré de Chine, Emmanuel Macron a appelé dans la capitale italienne à « beaucoup mieux gérer les règles de solidarité en répondant très rapidement aux incohérences de la règle de Dublin ».

Un accord qui laisse la responsabilité de l’accueil des migrants au premier pays d’arrivée, ce qui a mis l’Italie ou la Grèce dans des situations périlleuses. Mais derrière ces déclarations empreintes de bons sentiments, se cache sans doute un relent d’hypocrisie. Certains dénoncent en premier lieu la contradiction du président français. Entre les paroles et les actions, l’incohérence règne. Le gouvernement agit avec minimalisme sur la question migratoire, comme pour se dédouaner de ne rien faire en faveur des réfugiés. Le cas des migrants bloqués à Vintimille, à la frontière franco-italienne, ou l’annonce des 3.500 places supplémentaires accordées dans les centres d’accueil pour 2018 – un chiffre jugé comme dérisoire par les détracteurs de Macron en matière de politique migratoire – témoignent de cette contradiction.

Le projet de loi « asile et immigration », discuté ce jeudi à l’Élysée, paraît s’inscrire dans cette veine. S’il promet une amélioration du droit d’asile, le texte, qui évoque aussi une forte augmentation des reconduites, suscite révoltes et divisions, jusqu’au sein du gouvernement. Une preuve que la question des migrants reste une épine dans le pied de l’Union européenne.

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