Depuis le début de l’année, l’Algérie est plongée dans une crise politique inédite. Par millions, les Algériens manifestent tous les vendredis pour exiger le départ du système. En semaine, les étudiants et les travailleurs prennent le relais, avec toujours la même revendication : une transition démocratique qui rendrait le pouvoir au peuple.
En face, le régime résiste. Certes, l’armée a lâché le président Bouteflika, poussé à la démission le 2 avril dernier. Plusieurs de ses proches, dont son frère Said, ont été arrêtés. Mais sur l’essentiel, le régime ne cède rien. A la place, il a décidé de lancer une vaste opération « mains propres » qui touchent des dizaines d’hommes d’affaires, qu’ils soient proches ou non de l’ancien président.
« Tous les parquets ont ouvert des enquêtes. C’est une opération de grande ampleur », confie une source bien informée. « Les enquêteurs s’intéressent à tout, pas uniquement au seul aspect de la corruption. Ils épluchent les comptes des entreprises, les propriétés, les terrains, les comptes bancaires. Tout est passé au crible », ajoute la même source.
Les personnes concernées par les enquêtes sont interdites de quitter le territoire national. Leurs comptes bancaires personnels sont également gelés. « Pour l’instant, seuls les comptes personnels sont concernés. Ceux des entreprises ne le sont pas. Il semble qu’il n’y ait pas de volonté de nuire aux entreprises », explique un connaisseur du dossier.
Toutefois si les enquêtes ne ciblent pas directement les entreprises, les retombées commencent à se faire ressentir. « C’est la crise. Même le secteur agroalimentaire, réputé défensif, est touché par la baisse d’activité », affirme un patron qui a requis l’anonymat. Il ajoute : « Personne ne prend de décision. Les banques n’accordent plus de crédit. Même les lignes de crédit accordées dans le passé sont gelées ».
Les banques ne sont pas les seules concernées. À tous les niveaux, personne ne veut prendre de risque. « Personne ne souhaite être convoqué par la gendarmerie ou la justice », explique notre source.
Dans ce contexte, les investissements seraient en forte baisse. Les investisseurs locaux sont déstabilisés par les enquêtes en cours. Quant aux investisseurs étrangers, déjà peu nombreux depuis quelques années, ils préfèrent sans doute attendre une éclaircie sur le plan politique. La dernière décision du gouvernement Bedoui, donnant un coup d’arrêt brutal, à l’activité de montage automobile n’est pas de nature à rétablir la confiance. « Il faut s’attendre à des licenciements dans presque tous les secteurs », estime le même patron.
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Les investissements étrangers dans l’énergie affectés
Plus inquiétant encore, le secteur de l’énergie, poumon de l’économie nationale, risque à son tour d’être touché. Selon le média spécialise Petroleum Economist, les investisseurs étrangers doutent de la survie du programme de réformes de Sonatrach.
« L’annonce du procureur militaire de la réouverture de l’enquête sur Sonatrach a jeté un pavé dans la mare », affirme John Hamilton, directeur au sein du cabinet de consulting énergétique londonien Cross Border Information, cité par la même source. « Sonatrach venait à peine de se remettre de ses émotions après une longue chasse aux sorcières. Si vous êtes une compagnie pétrolière internationale qui regarde la situation, vous vous dites ‘je croyais qu’il allait y avoir une loi avec de meilleures conditions, un environnement des affaires plus propice et plus de stabilité. Rien de cela n’a eu lieu’explique-t-il.
« Et les troubles politiques ne sont peut-être pas finis », avance l’analyse. « La chute de Bouteflika verra les élections reportées avoir lieu en juillet. Il n’y a aucun moyen de savoir de quoi sera composé le nouveau parlement et son attitude vis-à-vis des compagnies pétrolières internationales », déplore-t-on.
Les enquêtes sur les hommes d’affaires et les entreprises conjuguées à la réduction drastique des importations aggravent l’état de l’économie nationale, déjà très malade, et préparent les conditions d’une grave crise économique et d’une explosion sociale.
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