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Les pandémies : graves menaces à la sécurité nationale  

Les pandémies : graves menaces à la sécurité nationale  

CONTRIBUTION. Le SARS-CoV-2, responsable de la pandémie au coronavirus 19 (COVID-19), a été introduit dans notre pays à partir de deux sources, l’une italienne et l’autre française, respectivement le 25 février et le 11 mars 2020.

Après presque une année, le virus s’est propagé sur tout le territoire national, entrainant 2843 décès sur un total de 104.341 personnes infectées, à la date du 20 janvier 2021 (1).

L’apparition de trois nouveaux variants au Royaume uni, en Afrique du sud et au Brésil, nettement plus contagieux que les variants présents jusque-là, fait craindre une flambée sans précédent de la pandémie.

Le secrétaire général de l’OMS a récemment annoncé que ces nouveaux variants ont déjà été détectés dans plus de 70 pays, malgré l’instauration d’un confinement sévère et une fermeture quasi totale des frontières, comme en France et au Royaume uni par exemple.

Il est fort probable que ces variants ne tarderont pas à atteindre notre pays et potentiellement ravager notre population, d’autant que nous naviguons à l’aveuglette, car il n’y a actuellement aucune surveillance génomique systématisée chez nous.

De plus, il n’est pas exclu que de nouveaux variants puissent émerger chez nous. Alors qu’une vingtaine de souches du virus, isolées dans différentes wilayas du pays, ont été séquencées par l’Institut Pasteur de Paris (2).

C’est dans ce contexte de la pandémie la plus grave que le monde ait jamais connue, dépassant le simple cadre de la santé publique par ses conséquences sociale, humanitaire et économique, que nous lançons cette alerte sur la menace que font peser les infections émergentes dont la pandémie actuelle sur la sécurité nationale. Il y va de la survie au sens propre du terme de notre population et, au-delà, de notre pays.

Dans une précédente contribution, publiée en 2014 dans le quotidien d’Oran (3) et intitulée « Repenser la sécurité nationale à la lumière de la pandémie Ebola » nous avions lancé une alerte similaire qui aurait pu aider à préparer note pays à faire face au COVID-19.

Nous avions expliqué comment la pandémie d’Ebola, qui avait sévi en Afrique de l’ouest (Guinée, Sierra Leone et Liberia principalement), a servi de révélateur puissant pour tous les pays en développement.

La première leçon fondamentale est qu’il ne fallait compter sur aucune aide extérieure significative, incluant celle des organisations internationales dont l’OMS.

La communauté internationale n’avait réagi que lorsque la pandémie africaine menaçait de s’étendre vers le reste du monde. Plusieurs pays avancés avaient tous sous la main des molécules efficaces et des candidats vaccins contre les filovirus responsables de la maladie d’Ebola.

Ces produits sont développés par des programmes de recherche en bio-défense vis-à-vis de la plupart des virus dont les coronavirus et bien d’autres agents pathogènes encore, incluant certaines bactéries, en raison de leur potentiel épidémique et d’utilisation comme armes biologiques (4).

Cependant, ils n’ont été proposés qu’en 2014 à ces pays d’Afrique de l’ouest qui subissaient les affres d’Ebola depuis 1976.

Un autre exemple qu’on pourrait citer sur le danger de dépendre des autres est celui de la pandémie de grippe aviaire engendrée par le virus H1N1 en 2009 où l’on prédisait 300 millions de personnes infectées et 50 millions de morts.

Les firmes multinationales Roche et Glaxo qui avaient mis au point un traitement (le Tamiflu) et un vaccin, avaient rapidement annoncé qu’elles ne pourraient pas en produire suffisamment pour satisfaire une demande  potentiellement mondiale.

Cette annonce avait provoqué à l’époque une compétition inter-états féroce à l’accaparement des stocks disponibles. Par conséquent, chaque pays, dont le nôtre, devrait considérer les infections émergentes, particulièrement virales, et autres menaces biologiques malveillantes comme une menace à la sécurité nationale.

Il est donc absolument vital que des mesures adéquates soient rapidement mises en œuvre pour protéger notre population.

La pandémie du COVID-9 ne fait que confirmer le chacun pour soi. L’anecdote des masques commandés par la France à la Chine et rachetés trois fois leur prix par les USA sur le tarmac d’un aéroport illustre bien la férocité des luttes où ne comptent ni l’éthique, ni les alliances, ni les amitiés entre États.

Ainsi, quand le Royaume-Uni a annoncé l’apparition d’un nouveau variant très contagieux, les pays européens ont immédiatement instauré un véritable blocus sur l’Île Britannique, avec même l’interdiction aux camions transportant des marchandises essentielles de traverser la Manche vers la France.

Pour les mêmes raisons et à son tour, le Royaume-Uni a fermé toutes ses frontières aux ressortissants des États d’Amérique latine avec l’apparition du variant brésilien.

Notre pays peine à se procurer le vaccin contre le COVID-19, malgré les annonces d’un accord avec les russes et les chinois, pourtant nos alliés traditionnels.

Alors que les vaccins les plus performants, ceux de Pfizer et Moderna, ne nous seront certainement pas accessibles à terme raisonnable. Les promesses d’un accès équitable aux vaccins à l’échelle mondiale resteront probablement aussi de simples effets d’annonce, avec très peu de chance d’être appliquées avant que les États les plus puissants et ceux qui avaient bien anticipé en misant beaucoup d’argent avant même les essais thérapeutiques, ne soient amplement servis.

Les USA ont mis 10 milliards de dollars sur la table, dans une opération appelée Warp speed (vitesse de la lumière), en investissant massivement sur tous les types de vaccins.

Un grand nombre de pays, dont beaucoup bien moins avancés que le nôtre, ont su participer aux essais thérapeutiques initiés par les européens, les chinois et les russes.

Ce qui leur a permis de négocier un accès prioritaire au vaccin testé et éventuellement de le produire localement, s’ils disposaient des capacités de production aux normes.

Notre pays doit d’abord et avant tout considérer frontalement la crise grave de notre système de santé. Décrié par toute la population et mis entièrement à nue par la pandémie. Un système de santé fort est une nécessité stratégique impérieuse pour la sécurité nationale.

Nous avons des atouts non négligeables que sont les nombreux professionnels de santé, dévoués et bien formés pour la plupart, bien qu’injustement pris comme bouc-émissaires d’une situation qu’ils n’ont pas créée et dont ils sont eux-mêmes victimes.

Il faut plutôt leur rendre hommage au moment où ils font face à ce terrible virus dans des conditions précaires que beaucoup ont payé de leur vie.

Repenser tout le système de santé, à la lumière de la pandémie du COVID-19 et de ses insuffisances structurelles manifestes est désormais une nécessité absolue.

Tout d’abord, par l’accès et la généralisation des moyens de diagnostics moléculaires, dont la PCR banalement connue de tous maintenant, dans la majorité des laboratoires du pays sur tout le territoire et à la disposition de personnels soignants bien formés à ces techniques.

Avec la mise en place des techniques de séquençage afin de suivre en temps réel l’évolution génomique des virus et autres agents infectieux, parallèlement aux enquêtes épidémiologiques classiques.

Pour illustrer son importance, l’absence de surveillance génomique est comparable à une guerre aérienne sans radars. Comme on ne peut compter sur les radars de pays voisins, eux-mêmes en guerre.

Les techniques de séquençage sont très largement à notre portée. Toutes les phases de développement de vaccins basés sur toutes les plateformes connues, dont la très prometteuse base à ARN, et jusqu’à leur commercialisation sont également accessibles à nos chercheurs. Particulièrement ceux de notre diaspora et elles doivent être impérativement maitrisées quel qu’en soit le coût.

Un investissement prioritaire et exceptionnel devrait être consenti pour toutes les start-up et entreprises de biotechnologie. Des laboratoires de niveau P3 fixes et/ou mobiles, et même P4 dans les grandes régions du pays, devraient être mis en place pour manipuler des microorganismes hautement pathogènes et sans thérapies possibles, comme les filovirus ou les coronavirus.

Enfin, des plans de réactions rapides sont à mettre au point et à tester régulièrement pour faire face convenablement à ces risques infectieux émergents, d’un danger extrême et potentiellement de plus en plus fréquents et voire même aux périls d’une agression avec des armes biologiques. Il y va de la survie de notre nation et de notre peuple, avant que ne frappe une nouvelle pandémie dont le virus pourrait s’avérer plus létal que le SARS-CoV-2.

  1. (1) John Hopkins Coronavirus Resource Center : https://coronavirus.jhu.edu/map.html
  2. (2) GISAID: Global initiative on sharing all influenza data https://www.gisaid.org/
  3. (3) http://www.lequotidien-oran.com/?archive_date=2014-10-22&news=5204682
  4. (4) Ebola research fueled by bioterrorism threat. CMAJ 2014.

*Dr Abderrezak Bouchama (Rezakbouchama@gmail.com)

Médecin Réanimateur, Chercheur

King Abdullah International Medical Research center

Riyad, Saudi Arabia

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