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Les prix du mouton en Algérie à des niveaux inégalés : voici les causes

Les prix du mouton en Algérie à des niveaux inégalés : voici les causes

Par JK2507 / Adobe Stock
Des moutons.

Les prix des moutons en Algérie flambent à des niveaux jamais égalés. Si l’irrégularité des pluies est en grande partie responsable du manque de fourrages, des éleveurs pointent du doigt les minoteries. Celles-ci spéculeraient sur la vente de son de blé.

Sur les marchés hebdomadaires de bestiaux, de nombreux témoignages d’éleveurs font état de leurs préoccupations face au coût de l’orge et du son nécessaires à l’alimentation de leurs moutons, dont le prix peut atteindre 140.000 DA. Un ordre de grandeur, le SMIC est actuellement de 20.000 DA.

Déjà, à l’été 2023, des éleveurs confiaient à la chaîne Web Tiaret News leurs difficultés. Un éleveur appelait les autorités à « frapper d’une main de fer, sans quoi le cheptel est menacé de disparition ».

Cet éleveur laissait transparaître son désarroi : « Comment se fait-il que nous n’ayons droit qu’à un seul quota d’orge par an, alors qu’au niveau des garages [ceux des marchands privés] il est à 7.000 DA le quintal ? »

L’éleveur poursuivait : « J’ai 34 ans de métier et tous mes revenus viennent de l’élevage pour nourrir mes 7 enfants. Nous n’y arrivons plus, l’État doit faire quelque chose. J’élève les moutons toute l’année et mes enfants m’aident et sont privés de tout, de télévision, et même de limonade fraîche. Avoir un réfrigérateur, cela n’est pas possible quand on est nomade ».

Un autre éleveur témoignait : « Les problèmes se situent avec les minoteries et le dock [la CCLS qui affecte les quotas d’orge]. C’est à l’État de faire des contrôles ».

Le recensement du cheptel ovin opéré en 2023 a permis de détecter une partie des fausses déclarations et l’attribution d’orge à ces faux éleveurs. Reste le son en provenance des minoteries.

Insuffisance de l’offre en fourrages

Traditionnellement, la steppe permet d’accueillir les troupeaux de moutons, mais la sécheresse et le surpâturage ont mis à mal ces réserves de fourrages.

La valeur de ces pâturages peut atteindre 300 unités fourragères (UF) par hectare, soit l’équivalent de 300 kg d’orge. Une offre fourragère gratuite qui attire les convoitises, bien que la moyenne se situe à 150 UF, mais ces dernières années, elle est tombée à 60 UF, selon les services agricoles de Naâma.

Les éleveurs disposant de moyens de transport profitent actuellement des pâturages steppiques qui ont reverdi après les pluies comme c’est le cas dans la wilaya de Béchar.

Ceux qui en ont les moyens nourrissent leurs bêtes à partir de fourrages cultivés en conditions irriguées. Pour les autres, la rareté actuelle des disponibilités en fourrages les amène à n’avoir comme solution que d’utiliser plus d’orge et de son de blé.

Nombreux sont les éleveurs qui se plaignent du prix pratiqué par les minoteries. Bien que le prix du son soit plafonné à 1.800 DA le quintal, certaines minoteries le cèdent au tarif de 4.700 DA alors que sur les factures délivrées, le prix indiqué est de 1.800 DA.

À la demande des propriétaires de moulin, l’ancien prix de vente réglementé, auparavant fixé à 1.500 DA le quintal, a été revalorisé. Il est passé à 1.800 DA en 2022. Mais rien n’y fait, des minoteries persistent à pratiquer des prix excessifs, selon le témoignage des éleveurs.

Les minoteries ne sont pas obligées de vendre la totalité du son qu’elles produisent à prix réglementé, mais seulement une partie.

En juin 2022, le ministère de l’Agriculture et du Développement rural faisait savoir que : « Les unités spécialisées dans la mouture du blé tendre et dur seront tenues, dès la saison prochaine, de redistribuer 60 % des quantités de son issues des opérations de transformation aux éleveurs de bétail ».

À cette occasion, le ministre de l’Agriculture avait déclaré devant l’Assemblée populaire nationale (APN) qu’il souhaitait que l’ensemble du son produit par les minoteries soit vendu au prix réglementé de 1.800 DA.

Minoteries, des activités rentables

En avril 2024, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa a précisé lors d’une intervention devant l’APN qu’une quantité totale de blé « estimée à 29 millions de quintaux en 2023 » avait été distribuée aux minoteries.

À raison d’un taux d’extraction de farine de 75 % par quintal, les 25 % restants constituent des issues de meunerie, dont le son de blé.

En 2023, ces issues de meunerie se sont donc élevées en moyenne à 7,25 millions de quintaux. La vente de 60 % de celles-ci à un prix spéculatif moyen de 4.500 DA qui représente un gain de près de 20 milliards DA, contre seulement moins de 8 milliards DA au prix réglementé de 1.800 DA.

Avec un différentiel de 12 milliards DA entre les deux sommes, ce montant correspond donc à l’équivalent de 600.000 SMIC illégalement perçu par les minoteries.

Le manque de fourrages naturels et le prix élevé des aliments pour bétail ont amené les éleveurs à vendre une partie de leurs animaux. Une situation qui s’est traduite par l’abattage de brebis.

Ce qui expliquerait le manque actuel des petits agneaux de quelques jours et leur prix qui atteint 35.000 DA au moment où les éleveurs spécialisés dans l’engraissement pour le mois de Ramadan recherchent des animaux.

Le 12 novembre, sur le marché à bestiaux de Bougtob (El Bayadh), un éleveur affirmait qu’il avait reçu une offre de 25.000 DA pour vendre un agneau de trois jours et que lui en demandait 35.000 DA pour le céder. Un prix qui a choqué les Algériens.

En mai 2023, le ministre de l’Agriculture avait dû rappeler que l’abattage des brebis était interdit. « Nous présenterons dans les plus brefs délais un projet de loi criminalisant l’abattage des femelles du cheptel comme les brebis et les vaches », avait-il déclaré.

À raison de 2.800 DA le kilo, le consommateur n’est pas sûr de trouver de la viande de mouton à prix accessible, à moins de se tourner vers la viande de mouton en provenance de Roumanie au prix de 1.900 DA.

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