Les carottes ne sont donc pas cuites pour le président de la République. Il entend bien rester au pouvoir sept ans après avoir proclamé la mort politique de la génération issue de la guerre d’indépendance. “Jili tab jnanou, tab jnanou”, martelait Abdelaziz Bouteflika un certain 8 mai 2012, l’année du cinquantenaire de l’indépendance.
Il était en train d’effectuer son troisième quinquennat. Un mandat déjà de trop puisqu’il avait dû modifier la Loi fondamentale pour pouvoir prolonger sa mission. La Constitution de 1996, adoptée sous l’ère Zeroual, avait introduit pour la première fois une limitation du nombre de mandats présidentiels. “L’honneur de conduire le pays pendant dix ans me suffira”, disait M. Bouteflika après avoir conquis le palais d’El Mouradia en 1999.
Il ne tiendra pas cette promesse alors que la maladie l’avait déjà conduit à l’hôpital dès le début du second mandat, en novembre 2005. Mais il ne faut pas soupçonner M. Bouteflika d’un appétit immodéré du pouvoir. Il ne se lance pas dans la course spontanément. Si en 1998 il fut appelé par le commandement de l’armée à succéder au départ précipité de Liamine Zeroual, il a pu s’en affranchir. Depuis, il se réclame uniquement de la volonté populaire incarnée par quelques appareils partisans, syndicaux ou associatifs.
M. Bouteflika ne court pas derrière le pouvoir. Il se sacrifie pour répondre au désir prétendu des citoyens qui lui demandent à chaque fois de poursuivre sa noble mission au “service de la patrie”. La “continuité” est le mantra de la “majorité présidentielle” qui ne fait même pas semblant d’aller à une compétition électorale. “Ce sera juste une formalité”, soutient le patron de l’UGTA avec un indépassable aplomb.
Que dit aujourd’hui M. Bouteflika dans sa lettre de candidature ? “Ce sont sans doute les avancées qu’a réalisées notre pays et la conscience des citoyens des enjeux et difficultés qui le guettent qui ont amené ces derniers mois de nombreuses voix au sein de la classe politique et de la société civile à encore me solliciter pour poursuivre la mission au service de la patrie”, écrit-il.
“Je voudrais exprimer ici ma profonde reconnaissance aux auteurs de ces appels dont j’ai perçu les attentes. Ils me rassurent que je n’ai pas déçu la majorité de notre peuple même si je n’ai certainement pas concrétisé la totalité de mes engagements envers lui, ni encore moins satisfait toutes ses attentes et ses ambitions qui sont grandes”, plaide-t-il.
Donc, “c’est en réponse à toutes les sollicitations et dans un esprit de continuité dans l’accomplissement d’un devoir ultime que j’annonce aujourd’hui ma candidature à l’élection présidentielle d’avril prochain”.
Le président de la République a entendu les appels de sa propre majorité. Mais certainement pas tous les autres, ceux de l’opposition mais aussi de citoyens qui lui vouent de l’affection et qui souhaitent le voir se reposer.
Cela s’appelle “l’audition sélective” que les parents connaissent bien face à des enfants dont le cerveau décrypte seulement les informations qui lui arrange. Pour le reste, ils peuvent hurler. Il y a aussi des oreilles qui peuvent ignorer tous les vacarmes mais percevoir les signaux les plus faibles de leurs congénères.
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