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Les violentes, puériles et douteuses caméras cachées de Ramadan

Les violentes, puériles et douteuses caméras cachées de Ramadan

Les caméras cachées de mauvais goût, diffusées après El Iftar, sont devenues, on ne sait par quel triste accident, une tradition ramadanesque respectée scrupuleusement par la quasi-totalité des chaînes de télévision algériennes.

Violence, humiliations, misogynie, intrigues mal ficelées voire inexistantes, lourdeur des présentateurs et du montage sont ce qu’ont en commun la plupart des émissions sorties de l’imagination peu fertile des producteurs algériens d’émissions de télévision. Sélection de quelques pires moments de télévision.

Ennahar a presque retenu la leçon

Ennahar, qui se présente comme une des chaînes de télévision les plus regardées en Algérie, a presque retenu la leçon de la déconvenue qu’elle a vécue le Ramadan passée, avec « l’ignominie » qu’a été le piège tendu à Rachid Boudjedra et qui a scandalisé une bonne partie de l’opinion publique.

Cette année, les caméras cachées de la chaîne ne se penchent plus sur les convictions religieuses de leurs victimes. Mais Ennahar fait encore dans la provocation bête et simple en faisant, par exemple, accuser, par un faux médecin, Mohamed Cherif El Ouazzani, le jeune footballeur du MCA de dopage.

Le médecin qui se montre d’emblée provocant use de mots crus, accuse directement le joueur et tape même sur la table donnant le principal, voire l’unique thème de l’émission : la violence.

Le piégé qui arrive tant bien que mal à rester calme au début est poussé à bout par les comédiens, dont une équipe d’Ennahar venue couvrir le « scoop » du dopage du joueur, qui n’hésitent pas à aller très loin dans la provocation, menant à l’inévitable dans ce genre de situation : un spectacle consternant de violence physique et verbale.

La violence est omniprésente dans les caméras cachées d’Ennahar et lorsqu’elle n’est pas physique, elle est verbale, comme lors de l’émission dans laquelle a été piégé le chanteur raï Cheb Sofiane.

Celui-ci est provoqué par « un producteur tunisien » et même s’il garde son calme et n’en arrive pas aux mains, les insultes et les menaces fusent des deux côtés. « Je vais te frapper avec la chaise, je vais te frapper avec le téléphone », a-t-il asséné à son « piégeur ».

Dans une autre émission, la chaîne piège des passants par un « tour de magie ». Même si le piège semble pacifique, les coups sont inévitables et sont mis en avant dans des ralentis. Coups de tête, croche-pieds et bousculades sont même largement exploités dans le générique de l’émission. À croire que, pour les producteurs d’Ennahar, la violence est tout ce qui fait rire les Algériens.

Misère scénaristique à l’ENTV

L’ENTV assume clairement l’objectif de son émission de caméra cachée en lui donnant le titre de « Tnekhlaâ », qui veut littéralement dire en derdja « faire peur ».

Dans cette émission, la violence commence dès les premières secondes avec un présentateur dont les gesticulations et la façon de parler sont inutilement violentes.

« L’invité de cette émission est grand, large et peut me soulever et me jeter facilement ». C’est ainsi que cet animateur annonce l’invité d’un des numéros de l’émission, qui est le chanteur raï Cheb Houssem.

Les séquences « piège », de l’émission de l’ENTV sont plutôt courtes, elles durent à peine quelques minutes, ce qui a poussé le producteur à meubler avec des séquences loufoques dans lesquelles on voit l’animateur filmer la ville où se déroule le numéro du jour, avec un selfie-stick sans oublier de bien se mettre au milieu du cadre.

De courtes séquences entrecoupées plusieurs fois par un jingle qui fait sursauter le téléspectateur est une autre astuce trouvée par le producteur pour meubler son temps d’antenne.

L’émission a toutefois le mérite d’annoncer clairement ses intentions : faire peur, mettre « lkhelâa » à ses victimes. Son principe est simple, puéril : choquer, énerver, provoquer ou terroriser « l’invité » pour le pousser à bout, comme lors du numéro consacré à l’acteur Mustapha Himoun à qui a on a fait subir un faux séisme, coincé dans une grosse berline verrouillée, en compagnie d’une complice de l’émission qui surjoue la panique au point d’en devenir ridicule.

Cheb Houssem est invité dans un numéro de l’émission à chanter dans un faux mariage. Au moment des dédicaces (tebrah), une femme interrompt le chanteur et prend le micro de sa main pour demander au marié de « payer ses dettes avant d’organiser un mariage aussi somptueux ».

Le chanteur offusqué par les propos du supposé frère du marié qui lui reproche d’avoir cédé le micro à l’importune tente de s’en aller malgré les tentatives des figurants qui jouent les invités de le retenir, avant d’être informé qu’il est victime d’une caméra cachée au moment où il franchit la porte de sortie.

C’est tout ce à quoi se résume la pauvre intrigue de cette caméra cachée payée par l’argent public. Une misère scénaristique constatée dans tous les numéros de l’émission diffusée jusqu’à dimanche soir.

Sur El Bilad TV, les femmes se battent à coups de poings

Dans les deux premiers numéros de « Reddou Balkoum » (faites attention), diffusée par El Bilad TV, le scénario est le même, un mari ou fiancé complice est confronté, en présence de sa vraie femme ou fiancée, à une prétendue « première épouse » qu’il a abonnée.

Cette situation, dramatique si elle était réelle, ne suffisant pas aux yeux des producteurs, l’animateur pousse le bouchon encore plus loin en demandant au mari complice s’il veut bien épouser officiellement sa première femme qu’il a délaissée.

Les femmes piégées, voyant leurs maris répondre par oui à cette demande entrent immédiatement dans une crise d’hystérie violente, s’en prenant à la comédienne.

En plus de leur violence dégradante, les trois numéro de « Reddou Balkoum » diffusés jusqu’à ce jour, renvoient à l’idée sexiste de la femme boulet qu’on veut à tout prix attacher à la cheville d’un bon parti et à qui l’homme rend un grand service en l’épousant. Dans les trois numéros, ce sont toujours les femmes qui sont quittées, abandonnées par leurs fiancés ou maris et toujours elles qui se battent, à coups de poings, pour les garder ou les récupérer.

Où est l’humour dans cette émission dont aucun numéro diffusé jusqu’à maintenant ne s’est terminé sans qu’une bagarre ne se déclenche ?

Seule une caméra cachée a pu dérider l’auteur de cet article : celle de Dzaïr TV qui a piégé la chanteuse rai « Warda Charlemonti ». L’émission sympathique et drôle s’est distinguée des autres non par un scénario sophistiqué ou une idée originale mais grâce à la personnalité de la chanteuse, son ego démesuré qui la rend imperméable aux piques de l’animateur-piégeur et son sens de la répartie qui a désarçonné plus d’une fois l’animateur.

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