À la grande manifestation de samedi dernier à Barcelone, pour rejeter le terrorisme qui a frappé la Catalogne le 17 août, il y avait un grand absent : le Maroc. Aucun représentant officiel marocain n’a fait le déplacement même si dans la foule, d’un demi-million de personnes, il y avait nombre de musulmans majoritairement marocains.
Après les attentats, les responsables marocains avaient laissé entendre que le royaume serait représenté dans la capitale catalane par Abdallah Boussouf, secrétaire général du Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME). Boussouf, qui a rang de ministre et nommé par le roi Mohamed VI, est à la tête de cette institution officielle chargée de superviser l’émigration marocaine.
Ayant eu vent du déplacement de Boussouf, une Plateforme pour la coexistence et la prévention de la radicalisation, mise sur pied juste après les attentats par une poignée de musulmans résidant en Catalogne, lui a demandé de ne pas venir à Barcelone. Dans un communiqué ils expliquent que la CCME n’a aucune légitimité et que sa gestion est un échec.
À cause de ce communiqué ou pour d’autres raisons non expliquées, Boussouf ne s’est pas rendu à Barcelone. Il n’a pas été remplacé par un autre ministre ni par un membre de l’ambassade du Maroc à Madrid ou du consulat général à Barcelone.
Deux pays du Maghreb, la Tunisie et l’Algérie, étaient représentés dans la manifestation par leurs ambassadeurs ainsi qu’un autre pays arabe, le Qatar, sans doute soucieux de se démarquer de l’Arabie saoudite qui a aussi brillé par son absence.
Des dix membres morts ou en prison de la cellule terroriste qui a perpétré les attentats –avec un bilan de 16 morts et 120 blessés- neuf étaient Marocains même s’ils avaient grandi en Espagne. La majorité de la cellule qui, en mars 2004, avait fait sauter les trains dans les gares de Madrid, causant 191 morts et plus de 2 000 blessés, était aussi Marocains. Sur instruction de Mohammed VI, Mohamed Benaissa, qui était à l’époque ministre des Affaires étrangères, s’était rendu à Madrid pour participer à la grande manifestation de rejet du terrorisme.
Un an après, le 11 mars 2005, c’est le souverain marocain en personne qui, avec d’autres chefs d’État dont Abdelaziz Bouteflika, est venu à Madrid rendre hommage aux victimes et exprimer sa solidarité.
Des sources diplomatiques marocaines citées par la presse avaient expliqué, en 2004 et 2005, qu’il ne s’agissait nullement de présenter des excuses, mais d’être au côté des victimes et du peuple espagnol.
Samedi dernier, au grand dam d’une partie de l’immigration marocaine c’est finalement une jeune femme musulmane, Miriam Hatibi, proche du CCME de Boussouf qui a pris la parole à la fin de la manifestation. Elle est la belle-fille de Mohamed Chaib, ancien député socialiste au Parlement régional catalan et président de l’association Ibn Batouta, subventionnée par Rabat. Il est surtout membre du CCME. Le représentant en Catalogne de la Commission islamique d’Espagne, Mohamed el Ghaidouni, a publiquement critiqué le rôle attribué à Hatibi.
L’ambassadeur du Qatar en Espagne, Mohammed Jaham al Kuwairi, a eu droit aussi à des reproches pour sa présence à Barcelone mais d’un tout autre genre. En début de semaine, a commencé à circuler sur les réseaux une vidéo en arabe ironisant sur sa participation à la manifestation. Elle a été réalisée par une entreprise de production audiovisuelle proche des Emirats Arabes Unis, selon des sources diplomatiques qataries. Les ennemis du Qatar auraient donc profité de cette marche contre le terrorisme pour régler des comptes avec leurs voisins du Golfe.
الدور المشبوه للسفير القطري في اسبانيا محمد الكواري#كشف_الحساب#قطر pic.twitter.com/tFnMutPjbV
— زعيمهُم (@bujsem) 28 août 2017