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L’extrême-droite aux portes du pouvoir en France : le Maroc jubile

L’extrême-droite aux portes du pouvoir en France : le Maroc jubile

Paradoxalement, l’éventualité de l’accession au pouvoir en France de l’extrême-droite qui est ouvertement hostile aux Maghrébins et aux musulmans est applaudie par le Makhzen.

Au Maroc, si les officiels se gardent de formuler des positions sur la politique française, les observateurs et les commentateurs des médias du Makhzen se chargent de le faire, dans un unanimisme total et avec des éléments de langage communs, ce qui suppose une action concertée.

Ces médias et commentateurs présentent la probable victoire du Rassemblement national (RN) aux législatives du 30 juin et du 7 juillet prochains comme une aubaine pour le royaume.

De tout le programme du parti fondé par Jean-Marie Le Pen et les anciens de l’Organisation armée secrète (OAS) qui a semé la mort et la terreur durant les derniers mois de la colonisation française de l’Algérie, à Rabat on préfère ne retenir qu’un point accessoire : ce parti pourrait reconnaître la "marocanité" du Sahara occidental.

Suffisant pour que les Marocains passent l’éponge sur le reste, y compris sur ce qui pourrait advenir de la très forte communauté marocaine en France.

Un tel scénario, écrit le 360.ma, pourrait être "un accélérateur de la reconnaissance définitive par la France de la marocanité du Sahara".

L’extrême droite aux portes du pouvoir en France : les plans des médias marocains

Cela fait plusieurs années que le Maroc ne regarde l’actualité internationale et ne considère sa politique étrangère que sous le prisme de l’Algérie et de la question du Sahara occidental.

Et il se trouve qu’en plus de son positionnement sur les thèses marocaines concernant la question sahraouie, l’extrême-droite française, dont le noyau fondateur est constitué de nostalgiques de l’Algérie française, est aussi ouvertement hostile à l’Algérie.

Le site Bladi.net abonde dans le même sens et cite Emmanuel Dupuy, président de l’Institut prospective et sécurité en Europe (IPSE), qui estime que l’arrivée à Matignon du RN de Jordan Bardella « pourrait déboucher sur la reconnaissance de la souveraineté du Maroc sur le Sahara ».

En plus de la question sahraouie, le Makhzen espère aussi tirer d’autres dividendes d’une victoire de l’extrême-droite en France : récupérer le terrain perdu et laver ses « pêchés » après les scandales à répétition dans lesquels ses services secrets sont impliqués dans l’Hexagone et dans toute l’Europe, comme l’affaire d’espionnage Pegasus ou la corruption des députés européens.

"En prime, il faudra compter avec un éclaircissement tant attendu de la part de la France quant à sa position sur le Sahara, tranchant avec le ‘en même temps’ qui a trop longtemps prévalu au sein de l’Exécutif actuel", estime pour sa part le politologue marocain Mohamed Bouden, cité par Le 360.ma.

Ce site proche du Palais royal balaie les craintes concernant le sort de l’immigration marocaine en France et préfère nuancer, rappelant que contrairement à l’Algérie, "le Maroc a diplomatiquement la cote auprès de la droite française, y compris la plus radicale". Ce qui n’est pas totalement faux.

Des médias marocains applaudissent l’éventualité de l’arrivée au pouvoir en France de l’extrême-droite

La droite et l’extrême-droite ont fait pression ces dernières années sur le président Emmanuel Macron pour l’amener à abandonner son rapprochement avec l’Algérie et à "rééquilibrer" sa politique maghrébine au profit du Maroc.

Les déclarations dans ce sens des responsables de ce courant sont sans équivoque. En mai 2023, Éric Ciotti, président des Républicains (droite), l’avait dit ouvertement au cours d’une visite à Rabat en compagnie de Rachida Dati, l’ancienne ministre de la Justice actuellement en charge de la culture, d’origine marocaine.

Les deux politiques avaient plaidé pour la reconnaissance de la "souveraineté" marocaine sur le Sahara occidental. Eric Ciotti a, immédiatement après l’annonce de législatives anticipées, rejoint le RN avec armes et bagages.

Les déclarations des responsables des différentes composantes de l’extrême-droite ne laissent pas de doute quant à leur préférence pour le Maroc.

Les journaux et sites proches du palais royal les rappellent à l’envi depuis la victoire du RN aux européennes du 9 juin.

"Le Pen n’a jamais caché son admiration pour le modèle marocain", écrit le360.ma qui aurait pu ajouter ceci : la fille de Jean-Marie Le Pen a toujours affiché son hostilité à l’Algérie et aux Algériens et ce pour des raisons historiques liées à la guerre d’Algérie.

Les déclarations les plus reprises sont évidemment celles de Marine Le Pen, de Jordan Bardella et du député européen Thierry Mariani. Au Maroc, on se frotte les mains à l’idée que celui-ci soit désigné chef de la diplomatie dans le probable futur gouvernement RN, et ce n’est pas sans raison.

Lors du vote de deux résolutions défavorables au Maroc par le Parlement européen début 2023, Mariani avait tenté de s’y opposer, contrairement aux députés du groupe Renew dont faisaient partie les élus du parti d’Emmanuel Macron.

Thierry Mariani a une réputation qui le précède au Maroc, lui qui a toujours prôné « un déblocage immédiat de la question de la reconnaissance de la marocanité du Sahara », insiste le média marocain.

De son côté, Maroc Hebdo souligne que l’extrême-droite a percé dans toute l’Europe, mais ne se soucie pas davantage du sort de la très forte communauté marocaine en France, en Belgique, en Espagne et aux Pays-Bas.

Le Maroc rêve d’un axe Tel-Aviv – Paris – Rabat – Washington

Encore moins de la place de l’Islam, sans parler de la cause palestinienne que le royaume a sacrifiée il y a près de quatre ans sur l’autel de la normalisation, en se rangeant derrière Israël dans la guerre que l’État hébreu mène à l’enclave palestinienne depuis le 7 octobre.

Le soutien affiché des médias proches du Palais royal à l’extrême-droite française illustre aussi les divisions de la communauté musulmane en France entre les pro-palestiniens et les pro-israéliens.

Les services secrets français ont même reproché à leurs homologues marocains de mettre des membres de la diaspora marocaine en France au service du Mossad israélien. Le Makhzen espère l’arrivée du RN au pouvoir en France et le retour de Donald Trump à la tête de la Maison Blanche.

Avant de quitter le pouvoir après avoir perdu les présidentielles de 2020 face à Joe Biden, l’ancien président américain a reconnu la marocanité du Sahara occidental en échange de la normalisation des relations entre le Maroc et Israël.

Le Maroc rêve ainsi d’un axe d’extrême-droite de Tel-Aviv à Rabat en passant par Paris et Washington.

"Quoi qu’il en soit, le résultat des dernières élections n’aura pas un impact négatif sur les relations maroco-européennes. Pour la simple raison que la majorité des eurodéputés de l’extrême-droite soutiennent constamment le royaume sur le dossier du Sahara", écrit l’hebdomadaire.

Comme quoi, seul le fait accompli de la colonisation du Sahara occidental compte. Ce qui équivaut à ne pas regarder plus loin que le bout de son nez.

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