La période de dépôt des candidatures pour la présidentielle du 4 juillet prend fin dans une semaine. Le délai légal est de 45 jours après la convocation du corps électoral, pour laisser aux institutions concernées le temps d’organiser la suite, notamment la validation des candidatures et l’organisation de la campagne électorale.
À ce jour, aucun postulant sérieux n’a annoncé son intention de déposer son dossier auprès du conseil constitutionnel avant cette échéance. Le ministère de l’Intérieur a annoncé près de 70 intentions de candidature, mais aucune personnalité crédible ne figure sur la liste. Aucune activité liée à la présidentielle n’a été perçue nulle part, notamment la collecte des signatures et l’ouverture de permanences électorales. En raison du climat politique actuel, aucun candidat considéré comme poids lourd de la vie politique ne peut postuler, au risque de s’aliéner l’opinion publique.
Cette situation inédite va pousser le pouvoir à révéler son plan B, ce qui serait imminent. Et confirmer ainsi que derrière la façade légaliste publiquement affichée, l’état-major de l’armée, qui détient la réalité du pouvoir, ne prenait guère au sérieux l’échéance du 4 juillet. Ceux qui le soupçonnaient de vouloir passer en force avaient une étape de retard. Ils se battaient pour un résultat déjà acquis.
Dualité de pouvoirs
Il reste au pouvoir à formaliser cette nouvelle situation, ce qui va se révéler très complexe. D’abord parce qu’il y a une dualité de pouvoirs : un pouvoir formel, représenté par le président intérimaire Abdelkader Bensalah et le Premier ministre Bedoui, et un pouvoir réel, représenté par le chef d’état-major de l’armée, le général Gaïd Salah.
Le pouvoir formel a placidement poursuivi, depuis un mois, un processus bureaucratique vide de sens pour aller au scrutin du 4 juillet. Il l’a fait sans conviction, et sans convaincre. Cette semaine encore, M. Bensalah a reçu M. Bedoui, pour parler des préparatifs de la présidentielle. Difficile de dire si, aux postes qu’ils occupent, ils n’avaient pas encore réalisé que l’échéance était oubliée. Il serait plus aisé de dire qu’ils s’en tenaient à des rôles auxquels ils étaient astreints : permettre à l’état-major de l’armée de sauver la face, et d’éviter toute accusation de viol de la constitution.
C’est d’ailleurs l’un des paradoxes de la situation actuelle en Algérie : l’armée s’accroche à la Constitution, affirmant que le salut viendra des procédures constitutionnelles, alors que l’opposition démocratique demande à passer outre, et refuse d’aller aux urnes dans les conditions actuelles et avec le personnel politique en place.
Aveu d’échec du gouvernement
Tout soupçon étant levé, l’état-major de l’armée peut passer à l’étape suivante, et tenter de débloquer la situation, pour permettre au pays de se lancer dans une nouvelle aventure de construction démocratique. Cela passera d’abord par l’aveu d’échec du gouvernement, qui doit constater l’impasse à laquelle il est arrivé, du moment qu’il ne peut organiser la présidentielle. Mécaniquement, cela se traduira par le départ du gouvernement Bedoui, ce qui lèvera une des hypothèques qui bloquent le lancement d’un dialogue entre le pouvoir et la contestation, du moment que le hirak refuse de dialoguer avec les symboles de l’ancien régime.
M. Bensalah, dont le mandat court jusqu’au 9 juillet, ne serait pas démis dans un premier temps. D’un côté, son mandat est limité dans le temps. Inutile de se précipiter pour le remercier. D’un autre côté, il représente un autre étage du pouvoir, le côté régalien. Il symbolise la continuité de l’État, jusqu’à ce qu’une formule de remplacement soit mise en place. Le déstabiliser serait dangereux, en raison du vide supplémentaire que cela peut créer. En outre, M. Bensalah a le profil idéal pour jouer le rôle qui lui est imparti : il s’en tient strictement aux impératifs de sa fonction, sans jamais improviser ni déborder de son territoire.
Reprendre l’initiative
Prendre acte de l’impossibilité d’organiser la présidentielle du 4 juillet, faire le constat d’échec du gouvernement Bedoui, c’est reconnaître, de fait, la nécessité de reporter la présidentielle et de passer par une transition, quelle qu’en soit la forme. Pour le pouvoir de fait, le terrain est ouvert à de nouvelles initiatives, d’autant plus que de nombreux éléments de blocage auront été levés. De là à dire que des annonces sont imminentes, il y a un pas qu’il est raisonnable de pouvoir franchir. C’est une question de jours.
Mais le moment est délicat. De la nature des décisions prises va dépendre tout le reste. Car jusque-là, le commandement de l’armée a réagi, sans réellement prendre l’initiative. Il a géré des situations héritées. Il a désormais la charge d’accompagner la nouvelle Algérie née du 22 février, d’être à la hauteur de ce moment exceptionnel qu’un pays ne peut vivre qu’une fois tous les cinquante ans.
* Abed Charef est journaliste et écrivain
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