Un Algérien qui voyage peut se sentir dépaysé partout, sauf à Barbès, quartier du 18e arrondissement de la capitale française. C’est ce morceau d’Algérie à Paris qu’a tenté de dépeindre le cinéaste franco-algérien Hassan Guerrar dans son premier long métrage, “Barbès, little Algérie”.
Hassan Guerrar, 57 ans, a posé un regard sans équivoque sur ce quartier populaire qui compte la plus forte concentration de la diaspora algérienne de France. Sans la subjectivité à laquelle on pouvait s’attendre, le réalisateur étant lui-même issu de l’immigration algérienne.
Le film sort mardi 15 octobre en salles en France, dans un contexte qui ne pouvait pas mieux -ou mal- tomber. Un contexte marqué par les débats passionnés sur l’immigration, les attaques récurrentes qui ciblent les Algériens de France plus que les autres étrangers, une énième crise politique entre les deux pays…
Hassan Guerrar a choisi de plonger dans les entrailles de Barbès à une période exceptionnelle, pas comme les autres, celle de la crise sanitaire et ses restrictions.
C’est peut-être le but recherché, le film renvoie l’image d’un quartier qui continue à vivre alors que le reste du pays, et du monde, est à l’arrêt, cloîtré.
Barbès semble vivre hors du temps, hors de France. Les rues sont très vivantes et tout continue à tourner comme si de rien n’était, les commerces et bien sûr les petits trafics, les bagarres, la solidarité et la générosité…
L’histoire se passe en 2020. Un quadragénaire, Malek, nouvellement installé à Montmartre, quartier emblématique de l’arrondissement, accueille chez lui Ryad, un cousin venu directement d’Algérie.
Malek ne connaît pas plus Barbès que son cousin. C’est ensemble qu’ils vont donc découvrir le quartier des Algériens de France. Ils vont faire bien des rencontres, assisteront à bien des scènes qui, au final, permettront à Malek de découvrir une part de lui-même et se réconcilier avec ces origines.
C’est un clin d’œil au passé, mais aussi au présent. C’est à Barbès qu’atterrissent de nombreux nouveaux immigrés algériens, souvent sans papiers, ceux dont on parle tant en France depuis quelque temps.
« Barbès, little Algérie » : un clin d’œil au passé et surtout au présent
Pour le casting, Guerrar a choisi des acteurs qui rentrent facilement dans la peau des personnages principaux. Sofiane Zermani a joué le rôle de Malek et Khalil Gharbia celui de Ryad.
Malgré son succès dans le Rap, Zermani a fait part à l’AFP de «ce truc de ne pas être chez soi, nulle part”, expliquant qu’ “on finit par se croire chez soi quelque part, jusqu’à ce qu’on vienne te rappeler d’où tu viens, qui tu es, et de te calmer”.
Le réalisateur a lui-même connu le déchirement qu’on devine à travers le film. Son attachement à ses origines algériennes a transcendé les difficultés. Ses parents sont rentrés en Algérie alors qu’il avait dix ans, le laissant seul face aux vicissitudes de l’exil. “Je me suis retrouvé dans des squats, j’étais livré à moi-même. Je vivais à Passage Moulin, Gare de Lyon”, raconte-t-il sur le plateau de France 5.
Avant de passer derrière la caméra, il a été attaché de presse cinématographique, accompagnant de nombreuses œuvres de réalisateurs algériens, français ou franco-algériens, comme Papicha de Mounia Meddour, London River et Indigènes de Rachid Bouchareb, La Graine et le Mulet de Abdellatif Kechiche…
Pour faire ce métier d’attaché de presse, on lui a demandé de cesser de s’appeler Hassan, pour devenir François.
“Quand j’ai commencé en 1984, s’appeler Mohamed ou Kamel, ce n’était pas possible, tout court, dans la vie (…) Un jour j’ai trouvé un travail comme coursier, ils ont trouvé que je me débrouillais bien. Cela m’a permis de connaître du monde. Ensuite, on m’a proposé d’être attaché de presse, mais je devais changer de prénom : j’ai dit ok, mais jamais je ne cacherais que je suis algérien. Je suis très fier d’être un binational !”, a-t-il témoigné.
C’était en 1984. Quarante ans après, la France ne semble pas avoir trop changé. Quelques jours seulement avant la sortie du premier film de Hassan Guerrar, une jeune fille a déclenché un tollé sur les réseaux sociaux en enregistrant un entretien d’embauche dans lequel on lui a clairement signifié que si elle voulait avoir le poste, elle devait choisir un autre prénom “plus adéquat”.