Tribune. Doit-on craindre la guerre des généraux ? Les menaces récentes du général chef d’état-major contre l’ancien général chef du DRS (Département ou Direction du Renseignement et de la Sécurité) font froid dans le dos. D’autres généraux, anciens chefs des régions 1 et 2 si importantes pour la sécurité du pays sont déjà incarcérés ou en voie de l’être. Cette guerre doit cesser car elle risque d’entraîner un enchaînement aux conséquences incalculables sur l’unité et la stabilité de notre pays.
Plus grave encore, le chef d’état-major actuel déclarait ceci le Mardi 23 Avril 2019 : « J’ai appelé l’appareil de la justice, dans mes interventions précédentes, à accélérer la cadence des poursuites judiciaires concernant les affaires de corruption et de dilapidation des deniers publics et de juger tous ceux qui ont pillé l’argent du peuple ».
Si haut soit-il, si puissant qu’il peut être, le chef d’état-major n’est pas dans son rôle. Car rien ne l’autorise, ni lui ni toute l’ANP, à s’arroger des pouvoirs que la Constitution qui est brandie à tout propos, souvent à tort, ne lui donne pas. Il s’agit ni plus ni moins que d’une usurpation de pouvoirs que les lois du pays, que nul ne doit ignorer, encore moins piétiner, punissent sévèrement.
A quel titre le chef d’état-major se donnerait le pouvoir ou le beau rôle démagogique d’instruire la justice puisque les articles 165 et 166 de la Constitution disposent ceci :
Pour le premier : « Le juge n’obéit qu’à la loi ».
Pour le second : « Le juge est protégé contre toute forme de pression, intervention ou manœuvre de nature à nuire à l’accomplissement de sa mission ou au respect de son libre arbitre…. ».
Instaurer une justice politique est le dernier coup de grâce donné ces jours-ci aux institutions malmenées et chancelantes du pays. Car que veux-t-on au juste en envoyant en prison, en moins de vingt-quatre heures, dans des conditions dégradantes et humiliantes un Issad Rebrab mondialement connu et respecté pour les créations de richesses qu’il a été l’un des rares algériens à réaliser en Algérie comme ailleurs ?
Faut-il qu’un général ordonne ce qu’il faut faire à une justice supposée indépendante ?
Pourquoi n’a-t-on pas respecté toutes les étapes judiciaires ?
Pourquoi tant de précipitations et d’usurpations de pouvoirs ?
Veux-t-on provoquer une cassure, voire même des affrontements au sein du mouvement citoyen admirable et indomptable à ce jour ?
Veux-t-on des soulèvements en Kabylie ?
Il est grave de jouer avec l’unité et le destin de la nation.
Nous le disons avec respect et gravité : l’ANP (Il s’agit surtout de sa haute hiérarchie) doit se faire pardonner d’avoir fait et défait tous les présidents et chefs d’Etat algériens, de Benbella à Bensalah.
Se faire pardonner, c’est redonner le pouvoir au peuple souverain de choisir en toute liberté, en toute sérénité et en toute lucidité les hommes et les femmes qui doivent rapidement composer la Haute Autorité de Transition (HAT).Deux critères doivent prévaloir dans ce choix :
1- Ne pas avoir été « mêlé », ni de loin ni de près, à la gestion des affaires politiques depuis l’indépendance du pays en 1962
2- Avoir une haute autorité morale et être au-dessus de tout soupçon
Appliqués à la lettre, ces deux critères conduisent à proposer les noms suivants :
1-Mr Youcef Khatib dit colonel Hassan, ancien chef de la Wilaya IV et seul survivant de ce grade de la glorieuse ALN.
2-Mme Djamila Bouhired, ancienne condamnée à mort pour participation héroïque à la ‘’Bataille d’Alger’’.
3-Mme Djamila Boupacha, héroïne de la guerre d’indépendance.
4-Un représentant de l’ANP.
5-Un représentant du mouvement du 22 Février.
6-Un représentant du monde des travailleurs.
7-Un représentant du monde économique.
Cette autorité de transition aurait les pleins pouvoirs pour une période ne dépassant pas les six mois. Dès le jour de son installation au Palais d’El Mouradia ; elle prendrait par voie d’ordonnances les mesures suivantes :
1-Nomination d’un gouvernement de 15 à 20 membres.
2-Nomination d’une commission d’audit de 10 experts financiers et économiques pour examiner les comptes de la Nation.
3-Dissolution des trois institutions (APN, Conseil de la Nation et Conseil Constitutionnel) qui se sont compromises dans leur soumission au régime ancien.
4-Désignation d’une commission pour élaborer une nouvelle constitution. Y seraient désignés comme membres :
– Tous les doyens des Facultés de droit du pays
– Tous les secrétaires ou présidents des unions professionnelles du pays : Avocats, médecins, architectes, journalistes, sociologues, historiens, écrivains etc…
Ainsi toutes les régions et sensibilités du pays y seraient présentes de préférence à une assemblée constituante qui serait dans l’impossibilité d’adopter en peu de mois les trois premiers articles de nos constitutions qui portent, je le rappelle, sur l’identité, les langues et la religion du pays.
5-Enfin mesure immédiate, dès après dissolution des trois institutions défaillantes, procéder à l’augmentation (mai 2019) des bas salaires dans les corporations suivantes :
Education nationale, personnel hospitalier, fonctions publiques nationale et territoriale et enfin bourses des étudiants. D’autres corporations pourraient en bénéficier après étude.
Les crédits alloués mensuellement aux ‘’bas salaires’’ proviendraient, au dinar prés, des indemnités des parlementaires déjà budgétées dès lors que la dissolution des 3 institutions indiquées ci-haut dégagerait des montants qui peuvent se chiffrer à plusieurs centaines de milliards de dinars en centimes.
Le temps presse et la situation du pays risque d’échapper à tout contrôle, y compris celui de l’ANP. Celle-ci doit être mise, par un dernier appel solennel du peuple dès vendredi, face à ses responsabilités historiques : ou elle accepte d’installer sous quinzaine la Haute autorité proposée ci-haut dont les noms peuvent changer au jugement du seul peuple ou bien des grèves nationales et générales qui paralyseraient tout le pays viendraient relayer les manifestations qui ne peuvent pas durer indéfiniment.
L’honneur de l’ANP est de prouver concrètement, clairement et « immédiatement » qu’elle est aux côtés du peuple puisqu’elle dit qu’elle en est issue.
*Khalfa Mameri est auteur, ancien Maître de conférences
Djillali Leghima est ancien Moudjahid
Important – Les tribunes publiées sur TSA ont pour but de permettre aux lecteurs de participer au débat. Elles ne reflètent pas la position de la rédaction de notre média.