Après une pause de quelques semaines à cause de la crise sanitaire, la contestation sociale et politique a repris au Liban. Alors que le pays est en confinement total, la reprise de l’activité parlementaire, le 21 avril, a redonné vie au mouvement de contestation.
Depuis, le Liban connaît un regain de tensions et les manifestants ont relancé leur mobilisation pour dénoncer, en plein confinement sanitaire et ramadan, une inflation galopante et une dépréciation sans précédent de la livre libanaise, tandis que plusieurs banques ont été vandalisées à travers le pays.
Le mouvement a fait tache d’huile et les tensions ont atteint leur paroxysme dans la nuit de lundi à mardi, avec des violents affrontements dans les rues de la ville de Tripoli. Des témoins décrivent des scènes de guérilla urbaine dans cette grande ville du nord du pays.
Un jeune homme de 26 ans a été tué durant de violents affrontements entre l’armée et des centaines de manifestants, ont annoncé mardi sa famille et une organisation de secouristes, selon plusieurs médias.
Les affrontements se sont poursuivis jusqu’à tard dans la nuit, dans une ville envahie par la fumée des gaz lacrymogènes et où retentissaient des tirs de semonce, d’après un vidéaste de l’AFP.
Une vingtaine de personnes ont été blessées, tout comme 40 militaires selon l’armée. Cette dernière a annoncé que trois banques avaient été incendiées et neuf individus interpellés pour des jets de pierre.
Dans la nuit, le vidéaste de l’AFP a pu voir à Tripoli des jeunes saccager la vitrine d’une banque avec un poteau en fer et un extincteur, avant de mettre le feu à l’établissement.
La grave crise économique dans laquelle le Liban est englué depuis des mois avait été un des déclencheurs en octobre 2019 d’un soulèvement inédit contre la classe politique, accusée de corruption et d’incompétence.
Environ 45% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon des estimations officielles.
La crise s’est amplifiée avec les mesures préventives adoptées contre la propagation du nouveau coronavirus, qui ont paralysé un pays où ont été officiellement recensés 710 cas, dont 24 décès.
Mardi, le ministre de l’Économie a reconnu une hausse des prix de 55%.
« Vers une explosion sociale inévitable »
Cette inflation est quotidiennement dénoncée sur les réseaux sociaux, alors que par exemple les couches pour bébé sont passées de 20 000 à 30 000 livres libanaises (de 5 à 6 dollars environ), et le kilo de viande de 18 000 à 32 000 livres libanaises.
Au marché noir, la monnaie locale a dépassé le seuil des 4000 livres pour un dollar, tandis que le taux officiel de 1507 livres est resté inchangé.
Le gouvernement planche sur un plan de relance économique, mais celui-ci n’a toujours pas été finalisé.
« Jusqu’à maintenant, le gouvernement n’a rien fait, si ce n’est suspendre le paiement des eurobonds », déclare à l’AFP l’économiste Sami Nader, en référence au défaut de paiement de la dette du Liban, annoncé officiellement le 7 mars.
Le pays se dirige « vers une explosion sociale inévitable, avec une monnaie qui a perdu près de 200% de sa valeur, et la baisse du pouvoir d’achat », ajoute-t-il.
L’Association des Banques du Liban a annoncé la fermeture des agences à Tripoli, en raison « des attaques et actes de vandalisme ».
Peu avant l’aube, des cocktails Molotov ont aussi été lancés sur une banque à Beyrouth.
Les banques libanaises sont accusées par la rue de complicité avec le pouvoir politique et d’avoir contribué à l’endettement public effréné et la faillite de l’État.
Depuis l’automne, elles ont imposé des restrictions importantes sur les retraits en dollars avant de les arrêter complètement en mars et d’interdire les virements à l’étranger.