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Libération de la parole xénophobe en France : Mourad Boudjellal et Darmanin pas épargnés

Si l’intégration est, comme le prétend le courant extrémiste en France, l’unique critère pour accepter les « étrangers », il est difficile de faire mieux que Mourad Boudjellal ou Gérald  Darmanin.

Or, dans une France où la parole haineuse se libère à l’approche de l’éventuelle accession de l’extrême-droite au pouvoir, même l’emblématique homme d’affaires et personnage du rugby français n’est pas épargné.

Pour le courant xénophobe, le nom est parfois ce qui fait le bon ou le mauvais citoyen. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin a été lui aussi attaqué sur son deuxième prénom, Moussa, qu’il tient de son grand-père d’origine algérienne.

Mourad Boudjellal est un peu le Bernard Tapie du rugby français. Homme d’affaires à succès, éditeur, homme politique et chroniqueur télé, il est surtout connu pour ce qu’il a fait au club de rugby de Toulon qu’il a pris en deuxième division pour le placer sur le toit de l’Europe.

Mourad Boudjellal est pour beaucoup en France le parfait exemple de l’enfant d’immigrés parfaitement intégré.

Mais à 64 ans, on lui rappelle subitement qu’il est un « Arabe ». Sur le plateau des « Grandes gueules » sur RMC, dont il est chroniqueur, Boudjellal n’en revient pas. L’homme a paru dépité, abattu.

Il se trouve que, comme de nombreux Français d’origine immigrée, il est ciblé par des attaques racistes depuis la victoire du Rassemblement national (RN) aux élections européennes, le 9 juin.

« J’ai vu mon père se faire traiter de sale arabe, parce qu’il était banalisé, le racisme. Il a baissé la tête et il a pleuré. Moi je me suis dit : personne ne me traitera jamais de sale arabe. Je me suis tué dans la vie pour mériter le fait d’être français. Parce que pour moi, ça se mérite », commence-t-il par raconter.

L’émotion de Mourad Boudjellal

Mais, poursuit-il, depuis 15 jours, « j’ai vraiment l’impression d’être redevenu un simple arabe, un Français de second choix ».

Mourad Boudjellal a révélé qu’il reçoit désormais beaucoup d’insultes, du genre « va brûler les voitures, c’est dans tes gènes », « vendeur de merguez » ou encore « marchand de tapis ».

Selon lui, en France, le racisme est en train de se légitimer auprès de certaines personnes qui se disent : « Finalement, maintenant on a un peu le droit ».

 « C’est très dur de se dire que, on est né ici, on y a vécu, on a essayé d’apporter ce qu’on peut au pays, et on est mélangés avec des délinquants », regrette Mourad Boudjellal.

Très lucide, Mourad Boudjellal reconnaît qu’il y a de la petite délinquance, des gens qui se comportent mal, mais il refuse que tout le monde soit associé à eux.

J’ai pas envie que tout le monde soit associé à des mecs qui n’ont pas un problème d’origine, mais un problème social », dit-il. D’autant plus qu’il en a lui-même été victime, rappelant qu’il a été cambriolé, qu’on lui a brûlé sa voiture et qu’il a été mis sous protection policière après avoir été menacé de mort en tant qu’éditeur de Charlie Hebdo.

« Il y a des mecs qui ont un problème d’intégration (…) Je n’ai rien à voir avec eux et il y a des millions qui n’ont rien à voir avec eux, mais en n’en parle jamais. On va toujours préféré mettre le doigt sur cette minorité », fustige-il.

Boudjellal est conscient que son problème, en fait, c’est son nom. « J’ai envie d’avoir le droit de porter un prénom qui ne soit pas le même que tous les autres. Mes enfants ont des prénoms d’origine arabe par respect à l’histoire de ma famille, mais je suis français… Je ne veux pas qu’on dise : il y a les Français de souche et il y a les Français qui ne sont pas de souche », conclut celui qui a été décoré à plusieurs reprises des plus hautes distinctions de l’État français (chevalier de l’Ordre national du mérite et chevalier de la Légion d’honneur).

Même Gérald Darmanin n’est pas épargné

Mourad Boudjellal n’est pas la seule personnalité française qui à être victime de racisme à cause de son nom ou prénom arabe. Le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin n’a pas été épargné par la vague raciste qui déferle sur la France depuis la victoire du RN aux Européennes du 9 juin.

Vendredi, au micro de Franceinfo, il a dit qu’il reçoit « périodiquement, depuis plusieurs semaines, sur les réseaux sociaux ou par lettre », des messages l’interpellant par Moussa, son deuxième prénom qui  lui a été donné en hommage à son grand-père tirailleur algérien.

Le ministre de l’Intérieur a accusé des gens proches du candidat du Rassemblement national qui est son adversaire dans la 10e circonscription du nord pour les législatives anticipées du 30 juin et du 7 juillet.

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