Politique

Libertés et démocratie : des promesses, en attendant les réformes

On ne peut pas dire que le plan d’action du gouvernement, adopté jeudi en Conseil des ministres, manque d’ambition. Y compris en matière de démocratie, des libertés et de la moralisation de la vie publique. C’est peut-être même sur ce volet que les projections du nouveau président de la République et son Premier ministre sont le plus prometteuses.

Les promesses de ce genre, les Algériens ont en entendus à foison depuis au moins trente ans, mais jamais tenues. Faut-il de ce fait mettre d’emblée le discours de la nouvelle équipe dirigeante sur le compte d’une stratégie visant à endormir le hirak pour lui tordre définitivement le cou ? Ou, au contraire, y voir l’expression d’une réelle disposition à entamer un processus d’ouverture ?

Abdelmadjid Tebboune avait, pendant la campagne électorale et dès le lendemain de son élection, pris l’engagement de satisfaire ce qui reste à concrétiser des revendications de la rue. L’action du chef de l’Etat s’inscrit donc dans l’esprit du mouvement avec comme credo l’édification d’une nouvelle République, une Algérie nouvelle.

Comparé au discours des premières semaines au pouvoir de Bouteflika, qui disait presque que le peuple algérien n’était pas suffisamment mûr pour vivre en démocratie, celui de Tebboune est résolument en faveur de l’ouverture et de la démocratisation véritable du pays. Il est vrai que l’ancien président, même mal élu et en déficit de légitimité, n’avait pas de rue bouillonnante à calmer. Pour Tebboune, le plus urgent est de convaincre les Algériens de rester chez eux le vendredi et il est dans l’ordre des choses que certains voient dans ses promesses d’ouverture un discours conjoncturel imposé par la force et la détermination des manifestants.

Mais il reste que jusque-là, il y a au moins une constance dans tout ce qu’a pu dire le chef de l’Etat depuis son élection quant à ses projets politiques. Le hirak est pour lui un mouvement « béni », ses revendications « légitimes » et leur satisfaction n’est qu’une question de temps.

Le plan d’action du gouvernement qui vient d’être divulgué est venu traduire cet engagement en mesures concrètes à mettre en œuvre. Le gouvernement dit faire sienne la « dynamique historique » et le « formidable sursaut, historique, caractérisé par un pacifisme hors du commun » du peuple algérien qui a « exprimé et affirmé sa forte aspiration pour le changement, la démocratie, la justice sociale et l’Etat de droit ».

Une aspiration que le nouveau pouvoir promet de concrétiser à travers la révision de la Constitution et de nombreuses lois qui permettront « un exercice plein des droits et libertés » et garantiront notamment la liberté de réunion et de manifestation, une justice indépendante et moderne, une liberté de la presse et des médias. Le gouvernement promet en outre « la prévention et la lutte sans merci contre la corruption » ainsi que des scrutins honnêtes à travers le renforcement du « caractère inclusif de l’autorité nationale indépendante des élections dans le souci de consolider le processus démocratique du pays ».

Dans l’immédiat, il est question de procéder à l’apaisement du climat général, tel que réclamé comme préalable à tout processus de sortie de crise. C’est du moins la lecture que l’on peut faire de cet engagement contenu dans le plan d’action : « Conscient que l’apaisement et la stabilité constituent les préalables de la réalisation du projet ambitieux de renouveau engagé par le président de la République, le gouvernement mobilisera toutes ses forces afin de lui assurer les conditions favorables d’une rapide mise en œuvre et de réussite. »

En évoquant l’apaisement, tout le crédit des promesses du président Tebboune est en partie tributaire de cette question. Pour convaincre, le gouvernement doit donner des gages de sa détermination à démocratiser le pays et à rompre avec les pratiques d’un système qui a mené le pays à l’impasse.

Même si des certaines de mesures ont été prises comme la libération de détenus d’opinion, jusque-là, c’est mal parti car rien dans les textes en vigueur n’empêche le gouvernement d’ordonner ne serait-ce que l’arrêt du harcèlement des manifestants et la levée du blocage de la capitale.

Le nouveau président aura du mal à convaincre de sa bonne foi et à susciter un élan d’espoir par les textes annoncés s’il continue à ignorer ceux qu’il a déjà sous la main, sachant que les libertés et droits qu’il promet sont tous garantis par la Constitution et les lois en vigueur.

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