Politique

Libertés, hirak, Lamamra, Khelil : les réponses de l’ambassadeur des États-Unis

John Desrocher quitte l’Algérie après trois ans au poste d’ambassadeur des États-Unis d’Amérique.

« Nous y avons passé trois ans. Nous avons visité 22 wilayas et ce fut une expérience magnifique. Ce pays va nous manquer, à moi et ma femme », commence-t-il sa dernière conférence de presse qu’il a donnée ce mardi 11 août au siège de sa résidence à Alger.

Concernant sa prochaine destination, il dit qu’il va retourner aux États-Unis, probablement pour enseigner. « Il n’y a rien de précis à l’horizon, mais certainement, il n’y aura pas une autre destination aussi enrichissante et aussi intéressante que de servir ici en Algérie ».

L’homme a visiblement plus que bien apprécié son séjour. Il promet d’ailleurs de revenir pour « visiter les 26 wilayas restantes ».

Desrocher se dit fier d’avoir contribué à développer les relations entre les deux pays « dans tous les domaines ». Une coopération appelée à se développer davantage, notamment dans le domaine de l’éducation et de la recherche. « Chaque année, 200 Algériens sont envoyés aux États-Unis par l’ambassade dans le cadre d’échanges éducatifs et nous sommes en train de discuter avec le gouvernement algérien pour envoyer encore plus d’Algériens », révèle-t-il.

Desrocher retient surtout cet « honneur » d’avoir vécu « les événements de l’année dernière et les manifestations pacifiques qui ont fait de l’Algérie un symbole ».

Invité à apporter son témoignage sur le hirak, le diplomate dira : « J’ai eu cet honneur de vivre le hirak en Algérie. Nous avons été émerveillés par le pacifisme des marches et l’énergie dont ont fait montre les Algériens ainsi que leur détermination à réaliser leurs rêve. Nous avons vu un nombre impressionnant d’Algériens qui sont sortis dans les rues. Le plus important c’est le caractère pacifique du hirak qui a émerveillé le monde. Un moment où les Algériens se sont unis pour obtenir un changement palpable. C’est un mouvement algérien, mené par des Algériens pour déterminer leur avenir. »

Concernant la position de son pays vis-à-vis de ces événements, il rappelle que les États-Unis ont fait part « à plusieurs occasions de leur soutien au droit des citoyens à manifester pacifiquement pour exprimer leur opinions ».

« La liberté de la presse est nécessaire au bon fonctionnement d’une démocratie »

L’actualité brûlante, son statut oblige, il la commente avec prudence, quand il lui est demandé son avis sur la lourde condamnation du journaliste Khaled Drareni, la veille. « La question des droits de l’Homme en général constitue la pierre angulaire de la politique étrangère des États-Unis. Je vous encourage à lire le rapport annuel du Département d’Etat qui est disponible sur le net. Concernant ce qui s’est passé hier, nous suivons tous ces cas, tous ces procès. Certaines des personnes impliquées nous les connaissons. Je ne vais pas m’exprimer sur des cas spécifiques, je vais juste profiter de cette occasion pour réitérer le soutien américain à la liberté d’expression et à la liberté de la presse qui sont nécessaires au bon fonctionnement d’une démocratie », se contente-t-il de dire.

« La situation en Libye exige une personnalité qui a un soutien total »

Abordant la situation en Libye, John Desrocher rappelle que les positions de l’Algérie et des États-Unis sont « similaires » et regrettent que certains facteurs rendent la situation plus compliquée.

« Je peux dire que nos positions sur la Libye sont des positions similaires. Les États-Unis soutiennent le processus de l’ONU pour rétablir la paix et la stabilité en Libye. Actuellement, il y a des efforts pour arriver à un cessez-le-feu, mais il y a plusieurs facteurs qui compliquent un peu la situation, comme le soutien à l’armement des différentes factions libyennes. Bien sûr, les États-Unis comprennent la position de l’Algérie. Nous accordons une grande valeur à nos consultations avec l’Algérie sur le dossier libyen. La compréhension et la connaissance par l’Algérie de la réalité du terrain sont très solides et nous les apprécions beaucoup. Nous apprécions les efforts de l’Algérie pour arriver à une solution qui est dans l’intérêt de tous », dit-il.

Le fait d’avoir des positions similaires n’a pas empêché les États-Unis de s’opposer en avril dernier à la nomination de Ramtane Lamamra comme représentant spécial du SG de l’ONU. L’ambassadeur américain ne nie pas le veto de son pays, et le justifie même presque.

« Les États-Unis respectent beaucoup le ministre Ramtane Lamamra (…). Concernant la Libye, le monde et les Nations-Unies ont besoin d’une personnalité qui jouit d’un soutien total pour concrétiser les résolutions du Conseil de sécurité et les efforts des Nations-Unies pour arriver à un cessez-le-feu permanent. La situation est compliquée et demande beaucoup d’efforts et beaucoup et de créativité. Nous connaissons bien le ministre Lamamra et nous le respectons beaucoup ».

701 Kg de cocaïne et Chakib Khellil : no comment

La pandémie de Covid-19 est un problème mondial qui requiert une solution mondiale et beaucoup de coopération, estime l’ambassadeur des États-Unis.

« Entre l’Algérie et les États-Unis, cette coopération est très solide. Les deux gouvernements ont travaillé ensemble pour le rapatriement des citoyens et nous avons soutenu la lutte contre la pandémie en Algérie par le don d’environ 4 millions de dollars via des organisations internationales, telles que l’Unicef, et nous sommes fiers de cette assistance. J’ai eu des discussions avec mes homologues algériens pour faciliter les pourparlers entre le gouvernement algérien et les sociétés pharmaceutiques américaines pour surmonter cette crise, et je suis très satisfait de cette coopération », se félicite-t-il.

Des sociétés américaines sont en train de mettre au point des vaccins et le président Trump a approuvé un programme spécial pour développer un vaccin efficace et sûr le plus rapidement possible, dit l’ambassadeur, mais il lui est signalé que c’est la Russie qui a annoncé dans la matinée même la mise au point d’un vaccin.

« Je n’ai pas suivi l’annonce de cette information. Mais je répète que la pandémie est mondiale et nécessite les efforts et la coopération du monde entier », répond-il très diplomatiquement.

Toujours en bon diplomate, il refuse de s’étaler sur deux épineuses questions : la prétendue aide américaine dans l’enquête sur l’affaire de la cocaïne d’Oran et une éventuelle demande algérienne pour l’extradition de l’ancien ministre de l’Énergie Chakib Khellil.

« Nous avons une importante coopération avec les services de sécurité algériens, mais je ne suis pas au courant de l’implication des services de sécurité américains dans ce cas spécifique (…) Concernant cette question (Chakib Khellil, ndlr), je ne pense pas qu’il est très approprié pour moi de m’exprimer sur les contacts et les communications entre nos deux gouvernements. »

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