En Libye, la situation se complique depuis que le maréchal Khalifa Haftar s’est autoproclamé lundi 27 avril, “seul dirigeant du pays”, sans s’appuyer sur une légitimité juridique ou reconnaissance internationale.
Dans la nuit de mercredi à jeudi, l’homme fort de l’Est de la Libye a annoncé néanmoins «la cessation des opérations militaires» à l’occasion du mois de jeûne du ramadan.
La trêve a été acceptée en «réponse aux appels de pays amis», a précisé un porte-parole des forces pro-Haftar. Il a prévenu toutefois que «la réponse sera très dure et immédiate en cas de violation» de l’autre camp.
Des explosions continuaient toutefois à être entendues depuis le centre de la capitale après cette annonce, selon l’AFP. Depuis le début de l’offensive du maréchal Haftar contre Tripoli il y a une année, plusieurs trêves ont été décrétées mais elles n’ont été que relativement respectées, les deux camps s’accusant mutuellement de violations.
En décembre 2015, les parties au conflit en Libye ont signé un accord politique dans la ville marocaine de Skhirat, qui a abouti à la formation d’un conseil présidentiel dirigeant le gouvernement d’entente nationale, en plus de l’extension du Parlement, et à la création d’un conseil supérieur de l’État, la majorité de ses membres provenant du Congrès national général (Assemblée constituante).
Depuis, Haftar a cherché à annuler cet accord. Le 27 avril, il a annoncé son retrait de l’accord, s’autoproclamant unique dirigeant de la Libye. L’annonce unilatérale de Haftar intervient après plusieurs revers subis par ses forces durant ces dernières semaines.
Forts du soutien turc, les forces du Gouvernement d’une nationale (GNA, reconnu par l’ONU) lui ont repris il y a deux semaines deux villes stratégiques de l’ouest et cernent Tarhouna, la plus importante base arrière du maréchal, à une cinquantaine de kilomètres au sud-est de Tripoli.
La décision de Haftar de se retirer des accords de 2015 et de s’autoproclamer unique dirigeant de la Libye a été dénoncée par la communauté internationale, sauf par les Etats du Golfe et l’Egypte qui soutiennent ouvertement le maréchal.
L’accord de Skhirat reste l’unique cadre international pour résoudre le conflit libyen, affirme l’ONU en réaction aux dernières déclarations du maréchal Haftar. «Tout changement politique en Libye doit se faire via un processus démocratique et non militaire», a affirmé Stéphane Dujarric, porte-parole du secrétaire général de l’ONU, lors d’un point de presse mardi. «L’ONU est très inquiète et préoccupée par la situation en Libye et considère que l’accord de Skhirat est l’unique cadre international reconnaissant la situation actuelle en Libye”, a-t-il ajouté.
Les Etats-Unis aussi considèrent « l’Accord politique libyen et les institutions qui y sont associées, y compris le gouvernement d’union nationale, comme le seul cadre internationalement reconnu pour gouverner la Libye et la transition politique”, a affirmé mercredi leur ambassadeur en Libye, Richard Norland.
La Russie s’est dite de son côté surprise par les déclarations de Haftar qu’elle « ne soutient pas », a réagi Sergei Lavrov, le ministre des Affaires étrangères. Le porte-parole du Kremlin rappelle lui que l’unique solution reste le dialogue politique.
La Turquie et l’Egypte s’accusent mutuellement
Pour Ankara, fortement impliqué militairement en Libye, cette sortie du maréchal libyen est « un coup d’État » qui ne l’empêchera pas de continuer à soutenir le gouvernement d’union nationale.
Les Emirats Arabes Unis, soutien ouvert de Haftar, ont insisté sur la nécessité de trouver une solution politique et de mettre fin à l’intervention turque en Libye, en allusion à la Turquie. Ils ont réitéré leur soutien à l’armée de Haftar qui “fait face aux attaques terroristes”, et sa “poursuite incessante” des efforts pour la stabilité et de la lutte contre les milices extrémistes et terroristes en Libye, allusion aux troupes fidèles au GNA, selon Al Arabiya.
L’Egypte, autre soutien de Haftar, cite aussi nommément la Turquie. Elle dit s’accrocher à la solution politique, mais insiste sur la nécessité d’en finir avec les milices et de lutter « contre les courants extrémistes et terroristes en Libye » soutenus, selon elle, « par la Turquie ».
L’événement a donné lieu à une passe d’armes diplomatique entre Ankara et le Caire. Le porte-parole du ministère turc des Affaires étrangères, Hami Aksoy a diffusé un communiqué en réponse aux accusations de son homologue égyptien, Ahmed Hafez. « L’accusation du porte-parole du ministère des affaires étrangères de l’Égypte selon laquelle notre pays soutiendrait les terroristes extrémistes en Libye est une expression forte et claire des efforts de ce pays pour couvrir ses complots en Libye », lit-on dans le communiqué, repris par l’agence turque Anadolu.
Pour Aksoy, “il n’est pas surprenant que le gouvernement égyptien soutienne Haftar, qui vise à créer une dictature militaire en Libye, estimant qu’il est très problématique de soutenir Haftar d’une part et d’annoncer son engagement dans le processus de solution politique en Libye, de l’autre. Il appelle ainsi l’Égypte à cesser de soutenir les « tentatives de coup d’État » du général à la retraite.
“Si le gouvernement égyptien veut vraiment encourager un processus de solution politique en Libye et se soucie du bien-être du peuple libyen, il devrait immédiatement cesser son soutien aux tentatives de coup d’État de Haftar”, a conclu le diplomate turc.