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Libye : grosses tensions entre la Turquie et la France en Méditerranée

La France et la Turquie sont passées près d’un accrochage militaire en mer Méditerranée lorsqu’un navire de guerre français a tenté d’identifier un bateau cargo suspecté de livrer des armes depuis la Turquie vers la Libye sous embargo, rapportent plusieurs médias dont Valeurs Actuelles, qui relate ce dimanche les épisodes de tension ayant eu lieu ces derniers jours en haute mer.

Entre le 19 et 24 mai, un navire cargo battant pavillon tanzanien a fait escale en Turquie avant de déclarer se rendre au port de Gabès en Tunisie. En cours de route, ce bateau désactive son système satellite anticollisions (AIS) et « maquille » simultanément son identification pour ne pas être reconnaissable. Un bateau de la Marine française est dépêché près du bateau afin d’en savoir plus sur le comportement suspect du navire. Ils sont vite rejoints par deux frégates de l’armée turque qui s’interposent et refusent que le bateau cargo soit inspecté.

Afin d’éviter d’accroître la tension et un accrochage avec la Turquie, la frégate française renonce alors à inspecter le bateau mais continue de suivre son trajet. Le bateau cargo finit par accoster le 28 mai non pas en Tunisie comme annoncé mais au port de Misrata, en Libye, rapporte la même source. Il décharge plusieurs véhicules semi-remorques transportant du matériel sous bâches, des véhicules blindés et des armements lourds. Plus précisément, il s’agit de matériel ultra-sensible américain : des chars M-60, des missiles Hawk anti-aériens ainsi que des mercenaires syriens.

Quelques jours plus tard, le même bateau effectue le même trajet entre la Turquie et la Libye en étant escorté cette fois par deux frégates de l’armée turque ainsi qu’un avion de chasse. Une autre frégate de l’armée française, employée dans le cadre d’une mission de l’Otan, tente de s’approcher du navire cargo pour l’arraisonner. Le navire français est alors immédiatement pris en chasse par une frégate turque, et la marine turque procède à une illumination radar de la frégate française.

« Dans les armées françaises, l’illumination radar est considérée comme un acte de guerre car c’est la dernière action avant l’ouverture du feu. En théorie, cela provoque le déclenchement immédiat du feu de celui qui est illuminé », explique un militaire cité par Valeurs Actuelles. Cette dernière fait ainsi savoir que la France et la Turquie ne sont pas passées loin d’un grave accrochage aux lourdes conséquences.

La situation est d’une gravité telle que le ministère des Armées français a dénoncé ce mercredi une affaire « très grave » impliquant un partenaire de l’Otan, en l’occurrence la Turquie. Ces « illuminations radar » de la part d’un navire turc constituent « un acte extrêmement agressif qui ne peut pas être l’acte d’un allié vis-à-vis d’un navire de l’OTAN », affirme le ministère des Armées français cité par Le Monde.

« Cette affaire est, à nos yeux, très grave. On ne peut pas accepter qu’un allié se comporte comme cela, fasse cela contre un navire de l’OTAN sous commandement OTAN menant une mission OTAN », estime le ministère, précisant que la ministre des Armées, Florence Parly, allait « mettre les points sur les i » sur « l’attitude turque dans le conflit libyen » lors d’une réunion des ministres de la Défense de l’Otan devant se tenir ce mercredi.

Les tensions militaires observées en mer ces derniers jours entre la Turquie et la France ont été également suivies par une rhétorique de plus en plus tendue entre les deux pays. Le chef de la diplomatie française, Jean-Yves Le Drian, a condamné ce lundi « le soutien militaire croissant » de la Turquie au gouvernement d’union nationale libyen en « violation directe de l’embargo des Nations unies », tandis que la présidence française a dénoncé dimanche l’interventionnisme « inacceptable » de la Turquie.

En réaction, la Turquie a rejeté ce mardi les critiques de la France sur son rôle en Libye, illustrant selon elle « l’obscure et inexplicable » politique française dans ce pays tout en accusant la France d’avoir « exacerbé la crise » en Libye.

« Le soutien que la France a fourni au putschiste et voyou Haftar, qui cherche à imposer un régime autoritaire en renversant le gouvernement légitime et qui a ouvertement annoncé qu’il ne voulait pas d’une solution politique, a exacerbé la crise en Libye », a déclaré le ministère turc des Affaires étrangères.

Pour la Turquie, l’approche de la France a encouragé Khalifa Haftar à insister sur les méthodes militaires et a accru « la souffrance et la détresse » du peuple libyen. La Turquie a également estimé que les récentes déclarations de la France sur le rôle de la Turquie sont « un nouvel indicateur de la politique sombre et inexpliquée de la France envers la Libye ».

« Le plus grand obstacle à l’instauration de la paix et de la stabilité en Libye est le soutien apporté aux structures illégitimes par la France et certains pays en violation des décisions du Conseil de sécurité de l’ONU », a expliqué le ministère des Affaires étrangères turc, cité par TRT.

« Alors que les activités de la Turquie en Libye sont légitimes, la France elle, poursuit des actions sombres, comme elle l’a fait en Syrie, et joue les sous-traitants pour le compte de certains pays de la région. Se comporter de cette façon avec un allié de l’OTAN est inacceptable », a renchéri la diplomatie turque, réitérant que la Turquie continuera d’apporter son soutien au GNA afin de « rétablir durablement la paix et la stabilité ».

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