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Libye : l’offensive de Khalifa Haftar contre Tripoli suscite des inquiétudes

Khalifa Haftar, autoproclamé chef de l’Armée nationale libyenne (ANL), continue son avancée vers Tripoli avec l’objectif de conquérir la capitale libyenne où est installé le Gouvernement d’union nationale (GNA) de Faiz Saradji, autorité reconnue par la communauté internationale.

Puisant dans le lexique religieux, Haftar et ses troupes ont baptisé la campagne « Al fath al moubine » (conquête certaine) comme pour donner « une légitimité » à l’action militaire.

En face, les unités du GNA ont réagi en appelant la contre-offensive « Al bourkane al ghadib » (le volcan en colère) pour « purger toutes les villes libyennes des forces illégitimes », selon un porte-parole du gouvernement.  

Les troupes paramilitaires de Haftar dominent tout l’Est libyen, le centre du pays et le Sud-Ouest frontalier de l’Algérie. Les unités loyalistes d’Al Sarradj sont présentes à Tripoli, Misrata, Syrte, Sebha et au Nord-Ouest aux frontières avec la Tunisie. Depuis jeudi 4 avril, des combats opposent les deux camps à Tripoli et dans sa périphérie notamment à Wadi Al Rabi’e. D’après Al Arabiya, plus de 2100 personnes ont quitté leurs maisons à cause des affrontements au sud de Tripoli.

Appels non entendus

Selon des médias libyens, une trentaine de personnes ont trouvé la mort dans ces affrontements. L’ANL de Haftar aurait perdu une quinzaine de soldats. Ahmed Mesmari, porte-parole de Haftar, a soutenu que « la prise » de Tripoli ne « saurait tarder » alors que sur le terrain, les choses paraissent plus compliquées.

Les milices de Misrata, alliées du GNA, opposent une vive résistance aux troupes de Haftar. Les milices de Zaouia et de Zentan sont également venues en renforts. Un raid aérien des forces du GNA, mené samedi, a perturbé le plan de Haftar, au sud de Tripoli.

Les États-Unis, qui ne semblent plus intéressés par un soutien à Khalifa Haftar depuis le rapprochement de ce dernier de Moscou, a retiré ses militaires stationnés en Libye dont le nombre est inconnu.

 « Nous avons fait clairement savoir que nous sommes opposés à l’offensive militaire des forces de Khalifa. Cette campagne militaire unilatérale contre Tripoli met en danger des civils et sape les perspectives d’un avenir meilleur pour tous les libyens », a déclaré Mike Pompeo, secrétaire d’État américain. Washington a appelé à «l’arrêt immédiat » de la campagne du « Maréchal ». Même appel de la Russie mais pour dire que « les partis qui font face à l’ANL, y compris le GNA reconnu par la communauté internationale, mobilisent leurs forces et rassemblent des renforts ».

Moscou bloque une déclaration contre Haftar à l’ONU

« Il existe un danger réel de confrontation armée », a déclaré le ministère russe des Affaires étrangères. Moscou a toutefois estimé que la solution à la crise libyenne reste politique appelant « les principales forces militaro-politiques libyennes de faire preuve de responsabilité » en renonçant « aux méthodes militaires de lutte pour le pouvoir ».

La Russie a bloqué à l’ONU une déclaration du Conseil de sécurité appelant les forces de Haftar d’arrêter leur opération contre Tripoli.  Antonio Guterres, secrétaire général de l’ONU, a, pour sa part, appelé toutes les parties à « stopper les opérations militaires ». L’Union européenne a, pour sa part, qualifié la situation en Libye d’inquiétante. L’UE a exhorté les parties en conflit d’accepter « une trêve humanitaire ».

L’Algérie a exprimé son “extrême préoccupation” suite aux derniers développements intervenus en Libye et a appelé toutes les parties à “la retenue”, estimant que toute “escalade militaire est de nature à compromettre les efforts en cours”, selon un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

Tous ces appels n’ont pas été entendus par les parties en conflit. Les efforts diplomatiques semblent insuffisants. Et la « Conférence nationale » que l’ONU entend organiser, à la mi-avril 2019 à Ghadamès, pour préparer « une feuille de route » politique semble bel et bien compromise. Les fidèles de Haftar ont toujours rejeté les solutions politiques à la crise.

Guerre internationale en Libye ?

Invité par la chaîne Al Jazzera, Moncef Marzouki, ex-président tunisien, a ouvertement accusé « l’axe du mal arabe » de vouloir « enterrer le printemps arabe » en utilisant Haftar.

« Haftar est payé par les Émirats arabes unis, l’Arabie saoudite et l’Égypte », a-t-il dit. Pour Marzouki, Haftar et ses troupes mènent « une contre-révolution » en Libye.  Les soutiens de Haftar accusent, de leur côté, Faiz Sarradj d’être appuyé par la Turquie, le Qatar et l’Italie.

La Russie et la France soutiennent, selon les médias, Khalifa Haftar, perçu comme « le puissant soldat » pouvant repousser les groupes djihadistes qui pullulent en Libye et dans la zone sahélo-saharienne.

« La position française est ambiguë : Paris a formellement signé cette semaine un communiqué commun avec Washington, Londres, Rome et Abu Dhabi (appelant les parties libyennes à la retenue, ndlr), mais soutient de facto Haftar », a déclaré, à l’AFP, Arturo Varvelli de l’Institut d’études politiques internationales (ISPI) de Milan (Italie).

Paris a déclaré, ce lundi 8 avril, qu’il n’a pas « d’agenda secret » en Libye et qu’il n’était pas au courant des avancées des troupes de Haftar vers Tripoli, selon Reuters.  Les analystes relèvent que Khalifa Haftar a engagé son offensive contre Tripoli après un séjour, fin mars 2019, à Ryad. Selon Neil Partrick, spécialiste des pays du Golfe, interrogé par l’AFP, l’Arabie saoudite soutient Haftar et Al Sarradj en même temps.

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