Contribution. Le marché immobilier en Algérie demeure inaccessible à une grande frange de la classe moyenne. Le programme public ne peut satisfaire à lui seul la nouvelle demande en croissance, tirée par une démographie galopante. Face un marché locatif boiteux, trouver des solutions pour les primo-acquéreurs résoudra le problème de logement pour au moins un quart de million d’algériens.
Suppression des taxes
Les transactions de ventes des biens immobiliers neufs sont soumises à une série de taxes dont la TVA. Depuis 2018, toutes les transactions de vente d’appartements ou de maisons sont frappées d’une taxe sur la valeur ajoutée de 19%.
En supprimant la TVA pour les primo-acquéreurs le pouvoir d’achat de ces derniers prendra 19%, ce qui va leur permettre d’accéder plus facilement à la propriété, notamment en passant par un financement bancaire.
Cette exonération de TVA ne doit toucher que les logements dits de moyen standing, avec des conditions de ressources pour les acquéreurs. L’objectif est d’aider à l’accession à la propriété les cadres moyens qui n’ont pas pu bénéficier des formules publiques de logement.
Baisse des prix des logements par la libération du foncier
L’acquisition de l’assiette foncière est le premier obstacle rencontré par le promoteur immobilier dans son projet. En plus de la rareté du foncier, son prix constitue la contrainte majeure à tout investisseur, d’autant plus que les banques ne financent plus depuis 2012, l’achat du terrain. Trouver une solution à ce blocage en agissant sur l’amendement de la loi sur la promotion immobilière, à travers le projet de loi de finances 2019, débloquera cette situation.
Une autre solution plus radicale serait de céder le foncier public aux promoteurs privés dans les mêmes conditions avantageuses accordées à l’AADL et l’ENPI, en contrepartie le promoteur s’engage à réduire le prix de cession de ses biens immobiliers construits sur le terrain en question proportionnellement à l’apport du terrain dans le montage financier du projet.
La mise en œuvre de cette solution, aura également comme conséquence positive une plus grande transparence dans l’activité des promoteurs immobiliers, qui auront l’obligation de s’adosser dans leurs projets sur un bilan promoteur prévisionnel qui détaillera la structure des différents coûts. Ledit document définira avec précision l’apport de l’État , en se basant sur la valeur vénale du foncier d’une part, et du coût global prévisionnel du projet d’une ’autre part.
Cette dernière solution est la plus intéressante pour plusieurs raisons. Elle fera monter en compétence nos promoteurs immobiliers, qui aujourd’hui faute de bilan promoteur prévisionnel surévaluent leur marge bénéficiaire, qui peut atteindre pour certains les 100%, afin de pallier aux aléas de la construction en Algérie : retards dans la construction lié à la lenteur de l’administration, fluctuation des prix des matériaux de construction, érosion du pouvoir d’achat etc.
En obligeant d’une certaine façon le promoteur immobilier à monter en compétence et se professionnaliser en se basant sur les outils de planification immobilière et financière, lui permettra de fixer une marge de bénéfice moins importante, mais plus sûre.
Ces nouvelles mesures, si elles venaient à être adoptées, permettraient à l’État d’agir efficacement pour faire baisser les prix des logements neufs, ce qui facilitera l’accès à la propriété à un plus grand nombre d’Algériens sans effort de gestion ou de financement publics. Ces mesures permettront également de professionnaliser d’avantage nos promoteurs immobiliers tout en mobilisant moins de fonds.
Revoir la fiscalité sur les projets de logement
Aujourd’hui, la fiscalité sur les projets immobiliers privés est très contraignante. Les promoteurs immobiliers se voient obligés de payer un impôt sur un bénéfice qui n’a pas encore été réalisé. Les avances dans le cadre de la vente sur plan sont utilisées par le promoteur pour construire, les taxer c’est ralentir le rythme du projet.
Revoir ce système avantageux pour le Trésor public, qui lui permet de recouvrir l’impôt sans attendre la commercialisation finale du projet et le calcul du bénéfice net final, fait mobiliser au promoteur un flux financier considérable qui le freine dans la réalisation de son projet, demeure une nécessité et une urgence.
Aucun manque à gagner pour le Budget de l’État
Actuellement, le nombre des logements neuf construits et commercialisés dans le cadre la promotion immobilière libre est insignifiant, il est de l’ordre de 8 000 unités / an selon les chiffres de la CNL. Aussi, et à cause des programmes publics de l’AADL et de l’ENPI, les promoteurs immobiliers privés se sont orientés vers le haut standing. Ainsi, et du fait que la mesure de défiscalisation proposée ne concernera que les logements de moyens standing et les primo acquéreurs uniquement, le Trésor public n’accusera aucune baisse, pour la simple raison que ce type de logement n’existe pas actuellement. Donc l’État ne perdra rien en mettant en œuvre cette mesure.
Cependant, le fait de baisser le prix des logements pour les primo-acquéreur et de céder au promoteur le foncier public à un très bas prix, impulsera une dynamique certaine à la promotion immobilière privée, qui pourra aisément construire un grand nombre de logements pour satisfaire l’importante demande sur ce segment. Parallèlement, le développement de cette activité se répercutera positivement sur l’économie et aura des retombées variées sur toute l’économie du pays, et même sur les finances de l’Etat, via l’IBS qui ne peut qu’augmenter.
Quand le bâtiment va, tout va
Relancer le marché de la construction à travers les mesures proposées, induira la création de dizaines de milliers d’emplois directs et indirects (IRG sur le salaire, cotisations aux caisses de sécurité sociale…), et une nouvelle demande sur les matériaux de construction et autres intrants de production nationale (ciment, briques, …), boostant ainsi l’industrie nationale qui commence à ressentir sérieusement les effets de la crise financière après la baisse de la commande publique. Cette nouvelle vision donnera des résultats concrets dès les premières années de son application.
Selon les chiffres de l’ONS et de la Banque d’Algérie, le BTP est le second employeur du pays avec 1,78 million de travailleurs en 2016, soit 16,8 % de la population occupée. Aussi, la valeur ajoutée du secteur du BTP estimée à 2 069,3 milliards de dinars en 2016, représente une valeur de 15,9 % de la valeur ajoutée de la sphère réelle. En 2016, le secteur du BTPH, a contribué à hauteur de 17,4 % à la croissance du PIB.
La nécessaire révision de la loi sur la promotion immobilière
La révision de la loi 11-04 encadrant l’activité de promotion immobilière, est une nécessité et une urgence. Le modèle de développement de l’économie nationale, basé exclusivement sur la dépense publique comme moteur de la croissance, a démontré ses limites. l’État promoteur ne peut plus le demeurer.
Donner un second souffle à un secteur qui peut générer plus de 20 % de la valeur ajoutée de la sphère réelle est l’une des stratégies gagnants possibles. Cette stratégie doit s’appuyer sur les promoteurs immobiliers sans distinction entre privé et public, ces derniers doivent monter en compétence pour pouvoir surmonter ce défi.
L’agrément de promoteur immobilier doit être le Graal, une consécration pour celui qui va dessiner l’Algérie de demain. Un boucher sans qualification aucune dans le domaine de la construction et du bâtiment, peut-il l’être ?
*Lotfi Ramdani est éditeur du site Lkeria.com