Société

Limogé par Bouteflika, le wali de Blida laisse une ville aux abois

Le limogeage du wali de Blida, dimanche, sur décision du président Bouteflika, semble lié à la gestion du dossier de l’épidémie du choléra.

Mustapha Layadhi a été débarqué en dehors du mouvement habituel de walis qui intervient chaque quatre ou cinq ans.

Durant le mois d’août, Blida a enregistré plusieurs cas de choléra avec deux décès sans que les autorités locales n’aient donné le signe d’une quelconque inquiétude.

La mort de Othmane Dahmani, un champion de boxe, à Bouarfa, un quartier populaire de Blida, a été entourée de silence. Le sportif, qui était en bonne santé, selon sa famille et ses amis, est décédé après des complications liées au choléra.

« Othmane est resté comme garde malade pendant quatre jours à l’hôpital de Boufarik (spécialisé en maladies infectieuses). Le patient était atteint de choléra. Personne ne lui a dit. Après, on a dit qu’il s’agissait d’une intoxication alimentaire. Sa famille a reçu la visite de responsables locaux du secteur de la santé pour ne pas parler de choléra », témoigne un ami du défunt.

Pendant des jours, aucune mesure n’a été prise pour limiter la propagation de l’épidémie à Blida et ses environs. Et rien n’a été entrepris pour informer ou alerter la population sur le danger de la maladie et sur les précautions à prendre. Le wali de Blida était resté invisible pendant des jours. Il n’est apparu que le 26 août lors du déplacement, qualifié déjà de tardif, du ministre de la Santé Mokhtar Hasbellaoui à l’hôpital de Boufarik où des dizaines de malades étaient déjà admis.

Les Blidéens ont salué le départ du wali

Le wali s’est illustré après par son refus de parler avec une patiente de l’hôpital de Boufarik lui intimant l’ordre, à distance, de ne pas « briser » la quarantaine à l’intérieur de l’hôpital.

Sa peur-panique a choqué les algériens après la diffusion de la vidéo sur les réseaux sociaux. « N’ouvrez pas la porte », lançait-il. « Je suis de Tessala El Merdja. J’ai un enfant handicapé. Là où je vais, on me ferme la porte au nez. Mon mari est malade. Je cherche un logement », a insisté la femme, restée derrière les barreaux.

Sur les réseaux sociaux, les Blidéens ont salué en masse le départ du wali, accusé d’avoir abandonné la wilaya à son sort et de n’avoir pas fourni d’efforts pour booster le développement, relancer l’emploi, prendre en charge les problèmes sociaux et tracer des perspectives d’avenir.

« Une pensée va directement à la wilaya vers laquelle ce wali sera affecté », s’est amusé un internaute. Un autre a rappelé qu’à Médéa, Mustapha Layadhi n’a pas « fait des merveilles » lorsqu’il était wali.

Le communiqué de la présidence de la République annonçant le limogeage n’a pas précisé si l’ex-wali de Blida sera appelé à d’autres fonctions ou pas.

Quelques heures avant sa mise à l’écart, le wali présidait la réunion du « Comité opérationnel pour la lutte contre les maladies à transmission hydrique » au siège de la wilaya.

Plusieurs photos ont été publiées sur le compte twitter officiel de la wilaya montrant un wali sans veste. La plupart des publications évoquent « les réunions de travail » du wali « dans le cadre du suivi des projets de développement ». Cela concerne, entre autres, les secteurs de la santé, de l’éducation, des ressources en eau, du tourisme, de l’environnement, etc.

Souvent, et selon un correspondant de presse local, le secrétaire général de la wilaya remplaçait le wali dans les réunions et dans les « visites d’inspection » des projets.

Manque d’investissements

Sur le terrain, les habitants de Blida ont constaté une régression manifeste par rapport à la gestion de Abdelkader Bouazghi, ancien wali de Blida, nommé ministre de l’Agriculture.

Bouazghi a tenté, au moins, de réhabiliter l’image de « la ville des roses » pour Blida en réfectionnant les trottoirs et les rues et en réhabilitant et en nettoyant les bâtiments.

L’éclairage public a été rétabli dans tous les quartiers (certains n’avaient pas vu la lumière depuis des lustres). Des projets, qui dormaient depuis des années, ont été relancés dans les communes de la wilaya, frappée de plein fouet par les violences des années 1990 qui ont provoqué la paralysie économique.

Après le départ de Bouazghi, la région, qui enregistre des chiffres records de chômage et qui souffre du manque d’investissement dans l’équipement public, a retrouvé sa léthargie.

À Sidi Hamad, à Meftah, par exemple, la population a dénoncé l’arrêt d’un projet d’une zone industrielle pouvant accueillir une quinzaine d’usines, décidé par le wali Layadhi.

Les industriels ont également critiqué la décision surtout qu’ils avaient déjà eu les autorisations nécessaires et acquis le matériel. Aucune explication n’a été donnée pour justifier cette décision par les autorités de la wilaya.

À Mouzaia, Chiffa, El Affroun et Boufarik, des terres agricoles ont été attribuées, ces derniers mois, dans des conditions opaques. À Bouinan et Soumâa, d’autres terres agricoles ont été détournées au profit de projets immobiliers.

La ville de Blida et les communes voisines de Bouarfa, de Chiffa et d’Ouled Yaïch souffrent de manque d’hygiène. Des ordures s’amoncellent dans les tous les coins de rue sans qu’un programme de ramassage ne soit réellement établi. L’agence de bus, à côté d’un marché non loin du stade Tchaker, coule sous des montagnes d’immondices depuis des mois.

Une région figée

Ce n’est qu’à la fin du mois d’août dernier, et après la propagation de la bactérie du choléra dans la région, que l’Epic Mitidja Nadhafa a lancé une campagne de nettoyage dans les 25 communes de la wilaya pour « éradiquer les décharges anarchiques de déchets ».

La campagne passée, les 25 communes et la ville de Blida ont retrouvé « les habitudes » avec des détritus non ramassés, des rues et des placettes sales, des mauvaises odeurs autour des marchés et des eaux stagnantes.

Les habitants des quartiers de la commune de Bouarfa exigent, depuis des années, la rénovation des rues et des chemins de campagne alors que ceux de Sidi Kebir dénoncent l’état avancé de saleté dans lequel se trouve l’oued qui porte le nom de l’illustre fondateur de Blida.

Les quartiers du sud de la ville enregistrent régulièrement des coupures fréquentes du courant électrique. Donc, au-delà de la gestion catastrophique du dossier du choléra, une maladie qui s’est propagée en raison du manque d’hygiène, la région de Blida, aux portes d’Alger, semble être figée malgré les moyens financiers dégagés par l’État et la présence de beaucoup d’opérateurs économiques privés. Le prochain wali saura-t-il relancer la machine du développement ? Saura-t-il réhabiliter l’image de la capitale de la Mitidja, la fertile plaine du sud de la capitale ?

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