Après le bras financier, l’appareil de renseignement ainsi que le cœur même du réacteur. En vingt-quatre heures, les Algériens ont assisté à une incroyable accélération du démantèlement du bouteflikisme.
Said, le président “de fait”, le patron du Renseignement qui a permis le deuxième mandat au prix d’une division de l’armée, puis le viol de la Constitution en vue du 3e, le général Toufik, et son successeur Tartag sont placés sous mandat de dépôt vingt-quatre heures après leur arrestation.
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Incrédules après l’annonce de leur neutralisation, les Algériens ont réclamé des preuves par l’image pour se laisser convaincre tant la nouvelle était inimaginable il y a encore quelques semaines.
Ils ont été servis : déchus de leur autorité, les suspects sont filmés à leur arrivée au tribunal militaire de Blida où un juge d’instruction les a inculpés pour “atteinte à l’autorité de l’armée” et “atteinte à l’autorité de l’Etat”. Des crimes pour lesquels ils risquent de très lourdes peine de prison.
Les mains derrière le dos, apparemment entravées par des menottes, le frère est le plus accablé. Il y a encore moins de deux mois, il se voyait toujours à la présidence, roi réel à la place du monarque grabataire, vaincu par la maladie mais maintenu artificiellement pour diriger en son nom.
Que la mort l’eut rattrapé qu’on se serait pas privé de dissimuler son corps. Ainsi aura été le règne de Bouteflik a: l’anéantissement de la morale par le mensonge, la tromperie religieuse, la corruption, le népotisme, l’abus de pouvoir, l’injustice.
L’Algérie “fière et digne” promise en 1999 s’est transformée en une Algérie de l’offense et de l’humiliation où il n’est pas permis de rester droit dans ses principes, solide dans ses compétences. Qu’il s’agisse de faire des affaires, d’accéder aux responsabilités politiques ou même des postes dans les administrations et entreprises publiques, l’allégeance a été le principal critère.
La cour était si remplie d’incompétents que l’on n’a pas ni vu arriver la vague de contestation, ni entendu ses roulements. Le triste sir Ouyahia a pensé à un petit souffle de vent dans un filet de pêche. Le voilà justement pris dans les filets, soupçonné d’avoir arrosé généreusement ses proches par le Trésor public, d’avoir actionné la planche à billets pour épancher leur voracité. Et qu’importe le sort de l’économie nationale, de l’emploi et du niveau de vie des citoyens.
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La vitesse avec laquelle le bouteflikisme s’est écroulé démontre que son promoteur n’a rien bâti. Pire, il n’avait aucun projet pour son pays et pour son peuple qu’il avait trompé par la magie d’un verbe abondant, qui s’est dissous dans les formes d’un cadre muet.
Les institutions ne sont pas des bureaux et des bâtiments officiels. L’Etat n’est pas l’exercice de l’autorité personnelle. L’Etat c’est l’application de la loi équitablement à tous les citoyens. C’est le respect des libertés fondamentales, de la légalité des délits et des peines. En somme, tout ce que le bouteflikisme a méprisé mais qui risque de perdurer si le changement se limite à substituer des pions aux autres.
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