Si dans la vie de tous les jours, on apprend à réfléchir à deux fois avant de parler, dans l’art de la diplomatie on apprend à réfléchir deux fois avant de se taire car « le silence est la plus claire des explications ».
C’est une règle d’or qui semble avoir échappé à la finesse de l’ambassadeur d’Algérie à Paris, plus à l’aise avec le talent de la pose comme le laissent découvrir ses nombreuses photos sur les réseaux sociaux.
Quand Abdelaziz Bouteflika a décidé de se porter candidat à un 5e mandat, Abdelakder Mesdoua a pris la responsabilité de s’exposer à l’opinion publique française en répondant à une invitation de la chaîne CNews. Paris n’est pas n’importe quelle capitale, à commencer par Belgrade qui est l’une des plus vieilles cités d’Europe riche d’une histoire tumultueuse.
Dans les relations avec l’Algérie, la capitale de la Serbie n’est d’ailleurs plus celle de l’ancienne fédération de Yougoslavie où siégeait le maréchal Tito, grande figure du mouvement des non-alignés. Belgrade s’est éloignée de l’Algérie mais Paris s’en est rapproché.
La capitale française abrite le plus important poste diplomatique de notre pays et les noms de quelques uns de ses titulaires n’en est que la démonstration : Abdelatif Rahal, Rédha Malek, Mohamed Sahnoun, Abdelhamid Mehri, Sid Ahmed Ghozali, Hocine Djoudi… Autant de figures dont le parcours parisien peut toujours servir de source d’inspiration même si le temps de l’internet a introduit de nouvelles formes de communication. En réalité, ce sont les supports qui ont changé et non le contenu des messages.
A Paris, l’ambassadeur s’adresse aux autorités d’un pays qui est le plus important partenaire de l’Algérie et à une diaspora de plusieurs millions de personnes, toutes générations et toutes catégories confondues. En situation de crise comme ça continue encore de l’être depuis février, il importe de ne pas dévaloriser la parole nationale . Mais face au vieux routier Jean-Pierre El-Kabach chargé de l’interroger, M. Mesdoua s’est illustré par une démonstration de ce que ne doit pas faire un diplomate.
Il eut été plus avisé de sécher le rendez-vous. Si une contrainte l’avait rendu nécessaire il ne fallait pas engager à ce point la parole publique sur un sujet qui ne fait pas mystère.
La terre entière connaissait la santé précaire de M. Bouteflika au moment où fut annoncée sa candidature par le biais d’une missive lue à la télévision, ceci après une longue éclipse brièvement interrompue fin décembre pour la signature de la Loi de finances.
Mais, face au public, l’ambassadeur a soutenu que le candidat avait « toute sa tête de 20 ans ». Nous sommes face à un patient victime d’un sévère AVC dont les séquelles ont continué de s’aggraver semaine après semaine. Et M. Mesdoua affirme sans ciller que le sujet avait « sa tête de 20 ans » qu’il n’avait pas personnellement connue pour parler avec une telle audace. A 80 ans, un vieillard ne peut pas avoir sa tête de 20 ans même s’il ne présente aucune pathologie.
Avec la démission de Bouteflika, les propos de l’ambassadeur révèlent leur substance mensongère. Cela n’est pas fait pour faciliter la poursuite de sa mission. Surtout que la crise ne fait que commencer. Désormais, les autorités françaises l’écouteront avec une réserve certaine.
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