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L’Iran sera-t-il un nouvel Irak ?

L’Iran sera-t-il un nouvel Irak ?

La dernière escalade verbale entre Washington et Téhéran est-elle un fait isolé ou bien est-elle l’un des signes annonciateur d’un conflit direct entre les deux pays ?  En tout cas, certaines des séquences de ce durcissement des relations américano-iraniennes, que ce soit l’escalade verbale, le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien ou les campagnes de désinformation qui sont en cours contre l’Iran, laissent penser qu’un conflit armé n’est pas à exclure.

Ces séquences rappellent aussi étrangement celles qui avaient précédé l’invasion américaine de l’Irak en 2003. Nul n’ignore la volonté des États-Unis de protéger Israël de tout ce qui peut créer un équilibre stratégique avec ce pays dans la région. Il se pourrait bien que l’Iran, après l’Irak, soit le prochain sur la liste d’une agression américaine. Cela pourrait s’avérer faux, car aussi bien le contexte que l’ordre des séquences sont différents de ceux ayant prévalu avant l’invasion de l’Irak, mais la ressemblance des moyens utilisés est très frappante.

Rejet américain de la solution diplomatique et sanctions

Le premier signe d’alerte a été le retrait américain de l’accord sur le nucléaire iranien qui signifie le rejet par l’administration Trump de la voie diplomatique pour régler ce problème. Pourtant cet accord- et c’est ce dont des pays comme le Royaume-Uni, la France et l’Allemagne se sont efforcés de convaincre Trump – donnait assez de garanties pour que l’Iran renonce à la faisabilité même d’un programme nucléaire militaire.

En plus d’une clause selon laquelle l’Iran ne « cherchera, ni ne développera ou n’acquerra » jamais d’arme nucléaire figurant au premier paragraphe, cet accord contenait des engagements spécifiques, y compris un protocole d’inspection visant à s’assurer que Téhéran se conforme à ses obligations, faute de quoi il s’exposerait à de sévères sanctions. Peu avant le retrait américain, l’Agence internationale à l’énergie atomique (AIEA) n’avait cessé de rappeler que l’Iran se conformait à ses obligations contenues dans l’accord.

Ce retrait des États-Unis rappelle étrangement la séquence qui avait précédé l’invasion de l’Irak lorsque l’AIEA avait dit qu’elle n’avait aucune preuve que le régime de Saddam Hussein détenait des armes de destructions massives. Mais là, les oppositions à la politique de Trump sont plus nombreuses qu’à celle de Bush à l’époque.

Cette fois en plus de la France, de l’Allemagne, de la Russie et de la Chine, aucun pays européen, ni l’Espagne, ni l’Italie, ni l’allié britannique, ne soutient la politique belliciste de Washington. Mieux : si les Européens arrivent à faire fonctionner des mécanismes pour se soustraire aux sanctions américaines contre ceux qui traitent commercialement avec l’Iran, le retrait américain de l’accord n’aura pas servi à grand-chose.

Dans la foulée de leur retrait de l’accord sur le nucléaire iranien, en plus de leur annonce d’instaurer des sanctions contre quiconque commerçait avec l’Iran, les États-Unis ont pressé leurs alliés de mettre fin à toutes les importations de pétrole iranien avant le 4 novembre sous peine de sanctions.

L’Irak, bien que pour des raisons différentes avait aussi été mis sous embargo sur les exportations de pétroles, dès la première guerre du Golfe.

Une dangereuse escalade verbale

La dernière escalade verbale entre Téhéran et Washington est un autre signe annonciateur d’une possible confrontation militaire entre les deux pays.

Cela a en fait commencé lorsque Donald Trump avait déclaré lors du dernier sommet de l’Otan qu’il pourrait y avoir une « escalade » entre les États-Unis et l’Iran. Les Iraniens, par la voix de leur président Hassan Rouhani avaient répliqué à ces menaces en assurant qu’un conflit avec l’Iran serait « la mère de toutes les guerres » avant que Donald Trump ne renchérisse à son tour avec un tweet rageur d’une rare violence en menaçant l’Iran de conséquences « telles que peu au cours de l’histoire en ont connues auparavant ».

Cette escalade verbale s’inscrit dans la continuité des déclarations belliqueuses de plusieurs autres responsables américains envers l’Iran, renseignant sur les intentions guerrières des États-Unis. L’actuel secrétaire d’État américain Mike Pompeo, alors qu’il était encore membre du Congrès, s’était opposé à l’accord sur le nucléaire iranien et avait même annoncé qu’une série d’attaques militaires pourrait être entreprise afin de priver l’Iran de sa capacité nucléaire.

Pompeo a même promis récemment que « la colère du monde » tomberait sur l’Iran « s’il reprenait sa quête des armes nucléaires », alors que son président venait compromettre l’unique chance de régler cette question de manière pacifique en se retirant de l’accord sur le nucléaire iranien.

Dans la même veine, la représentante permanente des États-Unis à l’ONU, Nikki Haley, le conseiller de Donald Trump à la sécurité nationale, John Bolton, et même son avocat personnel Rudy Giuliani ont fait des commentaires belliqueux similaires sur l’Iran au cours des derniers mois.

En 2001, après les attentats du 11 septembre, les États-Unis avaient aussi fait des commentaires belliqueux à l’endroit de l’Irak, notamment en l’accusant d’être derrière les attentats et en promettant de s’attaquer à « l’axe du mal » qui soutient le terrorisme.

Les campagnes de désinformation

Les États-Unis ayant déjà une longue histoire d’ingérence dans les pays de la région, et spécifiquement de l’Iran, l’administration Trump a lancé une campagne de désinformation et de déstabilisation en ligne destinée à fomenter les troubles en Iran, selon des déclarations des responsables américains encore en activité, cités par l’agence de presse Reuters, sous couvert d’anonymat.

Cette campagne, soutenue par le secrétaire d’État américain Mike Pompeo et le conseiller à la sécurité nationale John Bolton, et donc aussi par Donald Trump, est censée retourner la population iranienne contre ses dirigeants afin de « faire pression sur l’Iran pour qu’il mette un terme à son programme nucléaire et à son soutien aux milices », selon ces mêmes officiels américains.

Aussi bien la Maison Blanche que le département d’État américain ont refusé de commenter les informations sur cette campagne, selon Reuters. Pourtant, toujours selon Reuters, les preuves de l’existence de cette campagne sont nombreuses sur les réseaux sociaux et les sites internet affiliés au département d’État.

Cela va de portraits peu enviables de dirigeants iraniens, parfois au moyen d’informations exagérées ou même contradictoires, pour discréditer ces derniers aux yeux de la population iranienne, aux discours de Pompeo lui-même faisant directement appel aux Iraniens et à la diaspora iranienne.

Pompeo a prononcé un discours intitulé « Soutenir les voix iraniennes » en Californie où il a rencontré des Américains d’origine iranienne ayant fui la révolution islamique de 1979 qui a renversé le Shah d’Iran.

Le compte Twitter du département d’État et son site internet ShareAmerica qui se décrit comme une plateforme pour « susciter un débat sur la démocratie » sont remplis de messages écrit en Farsi, très critiques envers Téhéran.

Toujours selon Reuters, les quatre premiers articles de la section « Lutte contre l’extrémisme violent » de ce site internet sont dédiés à la menace que représenterait l’Iran.

En 2003, internet n’était pas encore très répandu dans le monde, encore moins dans un pays hermétique et sous embargo comme l’Irak, et donc les Irakiens n’avaient pas été la cible de telles campagnes. Mais la désinformation avait été un moyen largement utilisé dans la préparation de l’opinion publique américaine et mondiale à l’invasion de l’Irak.

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