Née dans le sud de la France, de parents algériens, Lisa Bechina est en passe de réussir un pari dont peu de femmes peuvent se targuer : allier l’entrepreneuriat à la boxe professionnelle dans laquelle elle enchaîne les succès.
Lorsqu’elle avait fini ses études d’ingénieur en informatique, elle n’avait pas encore idée qu’elle allait un jour se retrouver sur un ring de boxe, sport à forte dominance masculine, et damner le pion à des championnes.
Pourtant, c’est une trajectoire que Lisa Bechina, cette Franco-Algérienne de 32 ans, est en train de poursuivre avec un bonheur non dissimulé.
Déjà à son tableau de chasse, pas moins de sept combats gagnés dont cinq dans le fief où la discipline est reine : Singapour. « C’est une discipline qui m’a plu », avoue-t-elle à TSA.
Mais avant d’atterrir dans ce lointain pays de l’Asie du sud-est, Lisa Bechina, née de père et de mère algériens, originaires de la région d’Annaba, s’est lancée d’abord dans le monde, souvent assez exigeant, de l’entrepreneuriat.
Consultante indépendante dès la fin de ses études en 2013, elle crée sa propre société de consulting en 2017 au Luxembourg où elle travaille avec divers acteurs dans plusieurs domaines dont le géant de la sidérurgie, Arcelor Mittal ou encore le très réputé groupe suisse, Schindler, fournisseur d’ascenseurs et d’escaliers mécaniques.
Dans un secteur presque dominé par les hommes, il n’est pas toujours aisé pour une femme, de surcroît issue de l’immigration algérienne en France, de se faire une place au soleil.
« Dans un secteur masculin, c’était difficile. Beaucoup de pressions et d’injustices. Ça m’a créé du stress », raconte Lisa Bechina. Et pour faire face au stress et affronter les défis auxquels elle est confrontée, elle parvient à trouver la parade : s’initier à la boxe.
En Suisse où elle pose ses valises en 2019, Lisa Bechina fait du fitness boxing avant de rejoindre une école cubaine dont l’âme latino est réputée pour sa propension à allier la musique entraînante avec le noble art.
« La boxe n’est pas seulement un sport pour moi ; cela a été la pierre angulaire de mon bien-être mental. Grâce aux défis physiques et mentaux du ring, j’ai cultivé une résilience et une force qui s’étendent bien au-delà de la toile. Dans le monde trépidant des affaires, la boxe est devenue mon sanctuaire, m’apprenant à affronter les tempêtes, à gérer le stress et à tenir bon face à l’adversité », détaille-t-elle.
Alors qu’elle s’entraîne régulièrement, son coach décèle en elle ses talents de future championne dans la boxe féminine.
« Vous avez du talent, il faut boxer », lui lance un jour son entraîneur. Et rien de mieux pour la jeune femme, au caractère trempé, en quête d’affirmation et d’indépendance, que de rejoindre, à Singapour, la prestigieuse académie d’arts martiaux, Evolve Mixed Martial Arts (Evolve MMA), première organisation d’Asie, dont les instructeurs sont des compétiteurs de niveau mondial.
« Là, le coach me demande si je voulais combattre. Et sans hésitation, j’ai dit : « oui » ». C’était à l’été 2022. Premier combat, première victoire contre une boxeuse locale. Ce premier triomphe lui inspire un confus sentiment d’accomplissement mais aussi de compassion pour son adversaire du jour.
« A la fin du combat, j’avais de la peine pour la fille », se rappelle Lisa, comme pour illustrer un contraste intérieur, une volonté de s’accomplir, mais sans la violence du ring.
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Lisa Bechina, une championne fière de ses origines algériennes
Depuis, les combats de boxe s’enchaînent pour elle. Sept combats de suite gagnés dont deux aux Philippines. Une ascension qui la prédestine forcément à franchir une autre étape dans sa carrière, celle de passer en professionnelle où les combats se font sans casques de protection.
Ses débuts sont prometteurs : deux combats et deux victoires dont une par KO. De quoi la réjouir surtout lorsqu’elle se rappelle ces moments où elle a dû être confrontée au mépris, à la discrimination et au harcèlement.
« A un certain niveau, il y a cette volonté de nous rabaisser. Moi, je préfère ma dignité à l’argent. L’intégrité, la fidélité a ses valeurs, ça réussit toujours et c’est valable pour tous », assure Lisa Benchina.
« Déjà à l’université, il y avait du harcèlement et parfois lors des rendez-vous professionnels, vous vous exposez à des avances. Tout cela me révolte », peste-t-elle.
Volontaire à souhait, bourlingueuse, ambitieuse et animée d’un désir ardent de repousser les limites, Lisa Bechina participe même à une émission sur Netflix tournée au Qatar et à Singapour : The apprentice One Championship édition saison deux.
Il s’agit d’une émission de téléréalité où plusieurs candidats s’affrontent dans des challenges sportifs et dans le business pour décrocher un job à 250.000 dollars au sein de l’empire médiatique sportif de la One Championship.
Sortie en Asie, l’émission sera diffusée bientôt dans le monde entier. Alors qu’elle poursuit son petit bonhomme de chemin, Lisa Bechina n’oublie pas cependant ses racines algériennes dont elle est fière.
Les terres où peuvent s’écrire parfois les destins d’exception. C’est pourquoi elle a entamé la procédure d’obtention de son passeport algérien pour retourner sur les terres de ses parents qu’elle n’a jamais visitées, histoire de se ressourcer mais aussi explorer des opportunités de travail.
« On a essayé de nous reconnecter avec le pays. C’est beaucoup de travail dans ce sens car au début certains ont tenté de nous dissuader. Je suis en train d’entamer les procédures », annonce Lisa Benchina.
En attendant que son souhait soit exaucé, la Franco-Algérienne au parcours exceptionnel invite les femmes à s’inspirer de son expérience et à s’investir dans le sport pour explorer leur force intérieure.
« Maintenant, armée des leçons de la salle de réunion et du ring, j’ai pour mission d’inspirer les autres, en particulier les femmes, à découvrir leur propre source de force (…) J’exhorte les femmes à embrasser leurs guerrières intérieures, que ce soit à travers les arts martiaux ou tout autre discipline qui leur apporte un épanouissement. Au-delà du développement personnel, je suis passionnée par l’idée de propulser la boxe féminine sous les projecteurs qu’elle mérite. Réécrivons le récit et insufflons autant d’enthousiasme à la boxe féminine qu’à son homologue masculine », écrit-elle sur son site. Un enthousiasme qui pourrait sans doute faire des émules…