Depuis lundi 1er novembre 2021, l’Algérie n’approvisionne plus l’Espagne en gaz via le gazoduc Maghreb-Europe (GME) qui traverse le Maroc et dont le contrat, expiré la veille, n’a pas été reconduit.
Dans l’air depuis plusieurs semaines, la décision a été annoncée officiellement le 31 octobre au soir par la présidence de la République. La même source l’a liée directement aux « actions agressives» du Maroc à l’égard de l’Algérie. Les deux pays n’entretiennent plus de relations diplomatiques depuis le 24 août dernier.
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En Espagne, des inquiétudes sont exprimées pour la continuité de l’approvisionnement du pays en gaz, à fortiori dans une période marquée par des tensions sur le gaz et une hausse substantielle des prix. Mais à aucun moment la fiabilité de l’Algérie en tant fournisseur n’a été remise en cause.
Avant même l’entérinement de la décision algérienne, la question a été au centre de discussions entre les responsables des deux pays.
En août, le ministre de l’Energie et des Mines, Mohamed Arkab, a reçu l’ambassadeur d’Espagne à Alger auquel il a assuré que l’Algérie tiendra tous ses engagements. L’Alternative annoncée était de renforcer les capacités de l’autre gazoduc qui relie directement les deux pays sans passer par le Maroc, le Medgaz.
Les mêmes garanties étaient réitérées au ministre espagnol des Affaires étrangères, José Manuel Albares Bueno, lors de sa visite à Alger le 30 septembre au cours de laquelle il avait notamment rencontré le président de la République, Abdelmadjid Tebboune. Avant de quitter la capitale algérienne, le chef de la diplomatie espagnole s’est dit « rassuré ».
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C’est surtout au Maroc qui a été le premier à entretenir le doute sur le renouvellement du contrat du gazoduc GME, que des voix ont tenté de semer le doute sur la fiabilité de l’Algérie.
« Nous savons maintenant que nous ne pouvons pas compter sur un partenaire non fiable, encore plus quand il s’agit de dossiers à caractère stratégique », a écrit par exemple la 360.ma, en citant une source proche du dossier.
« L’Algérie a construit sa fiabilité sur le long terme, elle a une grande expérience dans le domaine, elle a été pionnière dans le GNL et les gazoducs. Elle n’a plus rien à démontrer », assure l’économiste Mustapha Mékidèche, dans une déclaration à TSA, ce mardi 2 novembre.
« L’Algérie reste un acteur déterminant et déterminé pour l’approvisionnement de l’Europe. Il peut y avoir des différences d’ordre commercial, mais au plan technique, c’est maitrisé », poursuit-il, en soulignant que le Maroc n’a pas à parler de fiabilité. « C’est un pays de transit, c’est à l’Espagne d’en juger », ajoute-t-il, en rappelant que l’essentiel du gaz qui transitait par le GME était destiné à la péninsule ibérique.
Un fournisseur important de l’Espagne
Pour l’Espagne, le gaz a une grande importance dans son système énergétique, contribuant à hauteur d’un tiers dans la production d’électricité et servant aussi pour le chauffage et l’industrie. Plus notable encore, près de la moitié (46%) du gaz consommé dans le pays provient d’Algérie.
Mais la décision de l’Algérie n’inquiète pas outre mesure. Enagas, qui exploite le réseau de gaz en Espagne, a démenti toutes les rumeurs de pénurie. « Il n’y a aucun signe objectif d’une situation de manque d’approvisionnement en gaz dans les prochains mois », a-t-elle indiqué dans un communiqué.
Des experts espagnols excluent aussi l’éventualité d’une pénurie cet hiver à cause de la décision algérienne. « Les experts qui ont parlé à El Pais rejettent fermement les craintes de pannes de courant cet hiver », écrit le célèbre journal espagnol. « L’alternative est de négocier avec plus de navires pour faire venir le même gaz d’Algérie, ou d’Amérique, du Moyen-Orient ou d’Europe du Nord. Mais cela ne devrait pas être un problème : 60 % du gaz que nous consommons nous parvient via cette route, donc l’embauche de plus de navires est quelque chose qui se fait en continu », estime Pedro Mielgo, ancien président du réseau national espagnol, Red Eléctrica de España (REE).
En termes de chiffres, le GME a une capacité de plus de 13 milliards de mètres cubes par an, contre 8,5 milliards pour le Medgaz. Les travaux envisagés porteront la capacité de ce dernier, avant l’hiver, à un maximum de 10 milliards M3.
« Cela signifie qu’il y aura toujours un manque à gagner de 4 000 Gm3 que l’Espagne devra couvrir en important du gaz naturel par voie maritime », calcule El Païs. Ce qui pourrait dans le pire des cas induire des coûts supplémentaires à cause de la forte pression sur les méthaniers dans cette période précise.
« Aucune raison de tomber dans l’alarmisme »
Les inquiétudes concernant une éventuelle panne de courant sont « une rumeur de personnes qui pensent que le monde va se terminer », estime pour sa part Francisco Valverde, du cabinet de conseil Menta Energía.
« Il est vrai que le fait d’avoir un pipeline au lieu de deux réduit la flexibilité de compter sur plus de gaz naturel dans les moments de plus grande demande. Mais je ne vois nulle part le risque de pannes ou de crise des approvisionnements en gaz en Espagne. Il n’y a aucune raison de tomber dans l’alarmisme : toutes les précautions ont été prises », dit-il, cité par le même journal.
Abdelmadjid Attar, expert et ancien ministre algérien de l’Energie, est encore plus rassurant, indiquant qu’il n’y a pas de raison de douter des assurances des autorités algériennes.
« Le Medgaz peut prendre en charge toutes les livraisons grâce au renforcement prévu des capacités à 10,5 milliards de m3 par an, mais en compensant le différentiel par des livraisons en GNL », a-t-il déclaré ce mardi dans un entretien à l’agence officielle APS.
Le GME avait une capacité d’environ 13 milliards de mètres cubes (m3) par an, mais depuis quelques années, il était exploité avec un volume annuel qui ne dépassait pas les 4 à 6 milliards m3/an, tandis que Medgaz acheminait 8,5 milliards m3 par an, précise l’agence algérienne.