Bien que ses contours ne soient pas nettement définis, l’appel lancé par Abdelmadjid Tebboune au dialogue avec le hirak a rencontré quelques échos favorables en dehors des cercles habituels qui soutiennent systématiquement toutes les initiatives du pouvoir.
Du moins, des voix dans l’opposition se sont exprimées en faveur du principe de dialogue, en attendant que le nouveau chef de l’Etat décline sa feuille de route et les objectifs de sa démarche. Personne ne donne toutefois un chèque en blanc à Abdelmadjid Tebboune. Ses prochains pas seront scrutés et il se « jugé sur pièce », comme le dit le président de Jil Jadid, Djilali Sofiane.
D’autres voix, plus sceptiques, se sont par ailleurs élevées pour crier à une énième manœuvre. Il est vrai qu’aucune partie au sein de l’opposition et du Hirak n’est foncièrement contre l’idée de dialoguer. Si les offres de l’été dernier avaient été rejetées c’est principalement à cause de leur balisage par le pouvoir qui n’était disposé à discuter que de la manière de mettre en œuvre sa feuille de route axée autour de l’organisation d’une élection présidentielle.
Après la conférence de presse de Adelmadjid Tebboune vendredi dernier, Islam Benattia, universitaire et figure respectée du Hirak, a été l’un des premiers à laisser entendre qu’il est temps pour le mouvement populaire d’ouvrir une nouvelle page. Le jeune activiste a été vertement critiqué sur les réseaux sociaux, mais il a maintenu ses propos, expliquant qu’il n’a fait qu’exprimer une position de principe.
« Le premier pas à faire c’est libérer les détenus. Ils ont la confiance du Hirak, leur libération va apaiser les tensions et ouvrira les portes aux voix sages au sein du Hirak et du pouvoir afin de dépasser ensemble cette crise. Parce que si la crise persiste, si la Kabylie demeure isolée, si la situation empire, tout le monde sera perdant, Hirak ou pouvoir, jeunes ou moins jeunes, élite ou simples citoyens. Si nous ne traversons pas cette crise ensemble, tous regretterons tous l’occasion du 22 février qui est une opportunité de passer de la légitimité révolutionnaire à la légitimité populaire véritable », a détaillé Benattia sur les réseaux sociaux.
« Il faut que cesse cette situation de suspicion et d’attaques sur les réseaux sociaux auxquelles on assiste tous les jours. Moi-même je subis une campagne sur Facebook de la part de pages qui n’appartiennent même pas au Hirak, mais qui ont toujours défendu les positions du pouvoir. Ce genre de discours ne sert personne », a-t-il ajouté.
« Le pouvoir est-il prêt à négocier sa propre mort ? »
Ferhat Aït Ali, un économiste proche du Hirak, s’en est violemment pris à ceux qui cultivent une opposition dogmatique au dialogue avec le pouvoir. « Pour certains ‘révolutionnaires du sourire’ ce sourire est pour draguer vers le néant, sinon c’est la grimace du chien enragé », entame-t-il un long post publié sur les réseaux sociaux ce mardi.
« Abdemadjid Tebboune est président de la République, que vous le vouliez ou non, et il a annoncé son intention de dialoguer avec le peuple du Hirak ou en dehors du Hirak, tout comme Ghediri que vous avez descendu en flammes avait déclaré compter sur le peuple et travailler pour le peuple. (…) Et invite les Algériens à commencer par ceux du Hirak, à sortir de la gangue maléfique que vous leurs avez imposé dix mois durant, et dialoguer entre eux d’abord et avec le représentant de l’état et de la nation Algérienne, en fonction de leurs aspirations, de leur position dans la société de par leur utilité et projections, bien comprises et bien éclaircies au public », écrit à l’adresse des opposants au dialogue l’ancien directeur de campagne de Ali Ghediri.
Smaïl Lalmas, également économiste, est, lui, sceptique. « Une fois cette farce électorale passée, le pouvoir ouvre les portes du dialogue, mais je rappelle à ce dernier qu’il avait raté l’occasion en juillet 2019 de transformer le conflit en opportunité », écrit-il dans une contribution publiée dans el Wata, toujours ce mardi. Pour lui, « avant de choisir d’aller ou de ne pas aller aux négociations, il faut tout simplement trouver une réponse à cette question : le pouvoir algérien est-il prêt à négocier sa propre mort ? ».
Le journaliste Arezki Aït Larbi estime de son côté que négocier avec le pouvoir en place pour asseoir la démocratie est un non-sens. « Aller au dialogue pour imposer la démocratie et les libertés, autant faire une omelette avec des œufs durs », résume-t-il sur sa page Facebook.
Du côté de la classe politique, le MSP a favorablement accueilli les propos de Tebboune et invité le pouvoir à faire en sorte que le dialogue soit « transparent, sérieux, responsable et sincère », mais ne s’enflamme pas. Le parti rappelle que « les Algériens ont déjà entendu des gouvernants des discours similaires pour voir se concrétiser sur le terrain tout le contraire ».
Le parti Jil Jadid estime pour sa part que le premier pas à faire pour le nouveau président est de libérer tous les détenus d’opinion. Dans une conférence de presse animée ce mardi 17 novembre, son président a laissé entendre que la solution viendra par le dialogue. « On attend des gestes forts de la part du président, avec une libération immédiate des détenus d’opinion, la libération des champs médiatique et politique avant l’entame d’un dialogue inclusif, sincère et sérieux pour formaliser dans un accord global la volonté populaire (…) Il y a la promesse d’un dialogue et de changements constitutionnels à venir. Le pouvoir sera jugé sur pièce. Jil Jadid n’acceptera pas de subterfuges ni de fausses solutions », a indiqué Sofiane Djilali.
Enfin, pour les partis de l’Alternative démocratique, qui se sont exprimés lundi par le biais d’un communiqué, la solution réside dans « une véritable transition démocratique et un processus constituant souverain, qui pourraient être discutés dans la transparence dans une conférence nationale indépendante du système actuel ».