La loi sur les hydrocarbures a toujours déchaîné les passions et nourri les légendes.
On raconte que c’est le défunt président vénézuélien Hugo Chavez qui aurait dissuadé le président Bouteflika de faire adopter une mouture trop « libérale » en 2005.
Après l’amendement de 2013, il est de nouveau question, six ans après, de réviser le texte. Cette fois, à en croire les euphémismes contenus dans le communiqué officiel du gouvernement qui l’annonce, il s’agirait de desserrer la vis des contraintes qui ont fait que le secteur ne soit plus attractif à l’investissement étranger.
Le gouvernement algérien est certes souverain de juger de l’opportunité ou non d’alléger la pression, fiscale ou autre, sur les partenaires étrangers du pays, de surcroît dans une conjoncture économique qui ne promet pas des perspectives rassurantes, mais il y a comme de la précipitation dans sa démarche.
Une loi qui encadre l’investissement, la production et la fiscalité dans un secteur qui fait vivre le pays est assurément un dossier très lourd.
Les pouvoirs publics n’ont peut-être pas improvisé. En juin 2018, le ministre de l’Énergie, Mustapha Guitouni, déclarait déjà que « la prochaine loi sur les hydrocarbures a été conçue pour rendre l’investissement dans le secteur minier davantage attractif et adapté aux réalités des marchés mondiaux ».
Mais il demeure curieux que c’est précisément maintenant que l’on décide que le projet ne peut plus attendre.
Nul doute que le texte passera comme une lettre à la poste dans les semaines à venir après avoir été adopté hier par le gouvernement.
À deux mois d’une élection présidentielle censée marquer le début d’une nouvelle ère, cela pose question, le plus raisonnable étant de laisser le futur président décider de la politique économique qu’il juge la mieux indiquée.
L’homme qui sera élu le 12 décembre prochain, pour cinq ans au moins, devra hériter d’une orientation décidée par un Exécutif dont l’unique mandat est d’expédier les affaires courantes.
On parle d’orientation car dans la foulée, le Projet de loi de finances pour 2020 est venu annoncer la levée d’une autre contrainte pour l’investissement étranger, la règle 51/49 qui imposait depuis 2009 aux non nationaux de s’associer à un partenaire algérien majoritaire.
La décision devait survenir, mais personne ne l’attendait dans une Loi de finances élaborée dans un contexte pré-électoral, donc censée être un texte « neutre », c’est-à-dire sans dispositions influant lourdement sur l’orientation économique et sociale de l’État, dans le même souci de laisser les coudées franches aux futurs dirigeants du pays.
Surtout, le gouvernement actuel a adopté une série de mesures que l’on pourrait qualifier de populistes et sur lesquelles il sera difficile pour le prochain président de revenir, comme l’autorisation de l’importation de véhicules d’occasion, l’augmentation de la pension des handicapés…
Si cette générosité est compréhensible dans un contexte politique et social tendu, il n’en est pas de même pour les autres décisions lourdes, comme la révision de la loi sur les hydrocarbures qui pouvait bien attendre encore quelques semaines.
La précipitation est d’autant plus inutile que les effets de ces réaménagements sur l’économie nationale et plus directement sur les équilibres budgétaires de l’État, sont attendus au moins sur le moyen terme. D’autant que l’on peut traiter des dossiers aussi lourds dans la précipitation au risque de commettre des erreurs qui plomberaient davantage l’économie nationale.
Cela est valable aussi bien pour les meilleures conditions offertes aux investisseurs dans le secteur pétrolier, l’élargissement de l’exploitation des potentialités nationales en hydrocarbures en offshore, prévue par le même texte, que pour la levée de la règle 51/49 (maintenue du reste dans les secteurs stratégique dont celui des hydrocarbures justement).