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L’oignon fait parler de lui à nouveau en Algérie

L’oignon fait parler de lui à nouveau en Algérie

Par Goh Rhy Yan / Unsplash
Des oignons rouges.

L’oignon fait parler à nouveau de lui en Algérie et ce n’est pas à cause de la flambée de son prix qui a atteint 300 dinars le kilo en 2023.

Cette fois, c’est la question du stockage de ce légume qui refait surface.

Si un programme national de construction de chambres froides a été lancé, des agriculteurs restent encore dans l’incapacité de stocker dans de bonnes conditions leur production.

Le problème est d’autant plus grave alors qu’il s’agit d’un produit de large consommation et que pendant le printemps 2023, le kilo d’oignon a atteint 300 DA au détail, contre 60 dinars, quelques mois plus tôt.

Actuellement, le prix de l’oignon est de 50 DA le kilo à Alger.

Certes, la construction de chambres froides progresse et l’Office national interprofessionnel des légumes et des viandes (ONILEV) organise régulièrement des opérations de déstockage comme en mars dernier en prévision du Ramadan avec une première mise sur le marché de 7.000 tonnes d’oignons. Au-delà de ses propres moyens de stockage, l’office passe des accords avec des propriétaires privés de chambres froides.

En juillet dernier, le ministre de l’Agriculture et du Développement rural, Youcef Cherfa, a annoncé le lancement du stockage de 150.000 tonnes de pomme de terre et de 40.000 tonnes d’oignon.

Cette action s’inscrit dans le cadre du système de contrôle des produits agricoles de large consommation (Syrpalac) avait alors indiqué le ministre lors d’un point de presse en marge de sa visite dans la wilaya de Mascara.

Le stockage en chambre froide est une activité réglementée. L’année passée, le tribunal de Bordj Menaïel a condamné à 7 années de prison le propriétaire d’une chambre froide non déclarée qui ne possédait pas de registre de commerce. À cette occasion, près de 300 quintaux d’oignon ont été saisis.

Le professionnalisme des producteurs de Mascara

L’utilisation de pompes immergées en remplacement des antiques motopompes a permis l’augmentation des surfaces, c’est le cas à Rechaïga (Tiaret).

Les techniques d’irrigation par aspersion et par goutte à goutte ainsi que l’emploi d’engrais et de produits phytosanitaires permettent aujourd’hui aux rendements de passer de 30 tonnes d’oignon à l’hectare à 60 tonnes.

Des rendements qui ont permis que la production locale d’oignons augmente nettement. Avec une production de 1,76 million de tonnes, la FAO a classé en 2022 l’Algérie dans la liste des 10 pays plus grands producteurs d’oignon.

Avec Rechaïga (Tiaret) ou Mascara sont venues s’ajouter d’autres régions productrices comme Aflou ou Oued Souf.

Une production difficile à conserver dans la mesure où, contrairement aux céréales, les bulbes d’oignon sont riches en eau.

À Tiaret, des producteurs dans la tourmente

À Tiaret, Laïd la quarantaine, témoigne de ses difficultés à conserver sa récolte d’oignons. À genoux près d’un amas d’oignons aux feuilles desséchées, il tient dans ses mains des bulbes de belle taille et lance un appel à travers une vidéo mise en ligne sur les réseaux sociaux : « On est perdu, fatigué, démoralisé. On demande que l’État nous vienne en aide. On n’a pas trouvé d’acheteurs pour une partie de notre récolte. Et la pluie risque de les endommager. »

À ses côtés, Lazreg un collègue originaire de Mascara, renchérit : « On est épuisé. Il y a du tonnage, mais on n’a trouvé ni chambre froide ni garage pour entreposer les oignons. »

Pour ces entrepreneurs itinérants qui louent des terres là où le sol est fertile et là où il y a possibilité de réaliser des forages, le coup est rude. Ils cultivent jusqu’à 30 hectares et se spécialisent dans la production d’un seul produit.

À leur côté, de petits producteurs n’hésitent pas à s’endetter pour acheter les jeunes plants, l’engrais, les produits phytosanitaires ou payer la main d’œuvre. La vente de leur production en bout de champ à des prix dérisoires et la mévente d’une partie de celle-ci peut compromettre leur activité.

Le parcours de ces entrepreneurs a été finement étudié par des universitaires. Si certains comme Lazreg sont démunis de moyens de stockage, d’autres ont investi dans la revente de la production d’oignons de leurs voisins et ainsi réunir progressivement des fonds pour s’équiper en chambres froides.

Co-auteur en 2017 d’une étude sur les entrepreneurs agricoles itinérants à Rechaïga, Alaeddine Derderi note que « L’analyse du fonctionnement et des trajectoires de ces itinérants montre l’existence de modèles entrepreneuriaux originaux au regard de leurs formes d’organisation (notamment familiale) et de leurs capacités à surmonter les imperfections des marchés ».

Stockage traditionnel

Des entrepreneurs itinérants et des agriculteurs locaux aux moyens plus limités ont pour stratégie de stoker leur récolte en plein air avec des moyens rudimentaires.

Le plus souvent, les oignons sont empilés en de longs tas d’une trentaine de mètres sur une hauteur et largeur de près de deux mètres. L’ensemble est recouvert d’une bâche plastique lestée à sa base par des sacs remplis de terre comme le montre un reportage d’Ennahar TV.

Dans la région des hauts plateaux, la fraîcheur de l’automne permet à ce type de stockage une conservation moyenne de deux mois.

Dans les pays voisins, des agriculteurs font de même. Certains déposent leur récolte sur des lits de pierres et ajoutent de la paille afin de se préserver de la condensation liée à la bâche plastique. Selon les cas, ce mode de stockage permet une conservation de 6 mois avec un minimum de pertes.

Les services agricoles suggèrent des améliorations de ce mode de stockage pour réduire le pourrissement et la germination en assurant un parfait séchage des oignons avant stockage, de réduire la hauteur des tas, voire de réaliser des traitements en champs et de choisir des variétés plus adaptées.

Des mesures qui pourraient réduire les drames que connaissent Laïd, Lazreg et bon nombre d’agriculteurs.

Des accords avec l’université

À la demande du président Abdelmadjid Tebboune, l’implication de l’université à la recherche-développement se développe à travers des partenariats entre universitaires et secteur agricole.

C’est déjà le cas de la production de céréales et de lait. Ces derniers jours, Chebli Abderrahmane, le directeur du bureau de liaison entreprise et université de l’École nationale Supérieure d’Agronomie, a rencontré Lahlouh Samah la directrice du groupe public Giplait.

Après les céréales et le lait, la conservation des oignons mériterait d’être un thème de recherche-développement auquel pourrait s’atteler la recherche universitaire dans le but d’améliorer le stockage traditionnel en complément du programme de construction de chambres froides.

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