Les producteurs de pétrole de l’Opep vont rendre jeudi un verdict fébrilement attendu sur le niveau de baisse de production qu’ils sont prêts à consentir pour enrayer la vertigineuse dégringolade des cours sans provoquer les foudres de Washington attaché à des prix bas.
Les membres de l’organisation, menés de fait par l’Arabie saoudite, se réunissent jeudi à Vienne, au siège de l’organisation, pour tenter de trouver la formule magique qui séduira un marché volatil sur lequel les cours ont chuté de 30% en deux mois.
A la veille de la rencontre, le président américain Donald Trump, qui met l’Opep sous pression depuis plusieurs mois, a exhorté le groupe à ne pas faire remonter les prix de l’or noir, alors qu’il souhaite continuer à ménager les consommateurs américains.
Dès mercredi, les négociations ont débuté en coulisses dans la capitale autrichienne entre les pays producteurs membres de l’Opep, et avec leurs partenaires, au premier rang desquels la Russie. Ces deux groupes d’une vingtaine de pays au total, qui représentent plus de la moitié de l’offre mondiale, sont liés depuis fin 2016 par un accord de limitation de production.
La majorité des analystes table sur l’annonce d’une réduction de production dont l’ampleur reste la principale inconnue, avec l’objectif de redresser le prix du baril qui tourne désormais autour de 60 dollars pour le baril de Brent – la référence européenne.
– “Nous aurons une baisse” –
“Oui, nous aurons une baisse”, a déclaré à Vienne le ministre du Pétrole d’Oman Mohammed bin Hamad Al Rumhi. “Nous aurons le temps de régler les détails d’ici demain (jeudi)”, a-t-il ajouté.
Pour Stephen Brennock, analyste pour la firme de courtage londienne PVM, l’accord sur de nouvelles réductions est quasiment “joué d’avance”.
Le scénario contraire déclencherait selon lui “une frénésie de ventes dans des proportions bibliques et garantirait le retour à une surabondance mondiale de pétrole. La seule inconnue à ce stade est le volume des réductions de production”.
La marge de manoeuvre de l’Opep est d’autant plus réduite que les Saoudiens peuvent difficilement se permettre de défier ouvertement le président américain après l’indignation internationale suscitée par l’assassinat du journaliste Jamal Khashoggi au consulat d’Arabie saoudite à Istanbul.
Le prince héritier saoudien Mohammed ben Salmane (MBS) a besoin de la protection de son allié à la Maison-Blanche… mais aussi d’un baril plus cher pour mettre en oeuvre ses réformes économiques.
“La clef sera de trouver un accord avec M. Trump”, selon les analystes de Energy Aspects.
“La grande inconnue est la réaction du président Trump à toute réduction de production”, abondent les analystes d’ING.
“Même si nous pensons que le président Trump hésitera à aggraver la situation, les Saoudiens choisiront très soigneusement la formulation de toute annonce de réduction de production”, ajoutent-ils.
L’Opep reste marquée par le marasme des cours ayant suivi sa décision d’ouvrir les vannes fin 2014 pour reprendre des parts de marché au rouleau compresseur du pétrole de schiste américain. Les prix avaient plongé à 45 dollars le baril en janvier 2015, fragilisant l’économie des pétromonarchies.
Ce fiasco de l’Opep avait fait perdre de la crédibilité à l’Organisation.
Depuis, l’alliance avec d’autres producteurs, dont la Russie, a permis au groupe de contribuer à la remontée des prix du brut jusqu’à début octobre 2018.
En juin dernier, les producteurs avaient assoupli leur discipline. L’objectif était de permettre à la Russie et à l’Arabie saoudite d’extraire davantage pour compenser les pertes prévues de barils iraniens. Les Etats-Unis avaient annoncé en effet pour novembre le rétablissement des sanctions contre les importations de pétrole iranien, ce qui devait réduire l’offre mondiale.
Au dernier moment, les Etats-Unis ont accordé des exemptions à huit pays importateurs, à des niveaux plus élevés que ne l’attendait le marché.
Cette décision a provoqué le plongeon des prix de ces deux derniers mois, effaçant les gains engrangés depuis début 2017.
Possible source de tensions pour la réunion de jeudi, le ministre iranien du Pétrole, Bijan Namdar Zanganeh, a demandé mercredi soir à ce que son pays soit exempté de baisser sa production “tant que les sanctions américaines illégales ne sont pas levées”.